Parmi les atrocités sexuelles subies par les femmes noires durant l’esclavage, on cite souvent quasi exclusivement le viol. Moins connue est toutefois la prostitution forcée auxquelles elles étaient régulièrement contraintes. Exemple avec les Caraïbes britanniques.
Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.fr
Bien que théoriquement illégale, la prostitution des femmes noires dans les Caraïbes britanniques a été une pratique courante dont aucun document n’atteste qu’elle ait été combattue de fait par le pouvoir impérial britannique. Outre, en effet, le viol imposé par les maîtres de plantation à leurs esclaves noires pour satisfaire leurs désirs sexuels et leur fournir une main d’oeuvre par la mise en esclavage des enfants de ces unions, il existait une prostitution organisée, que ce soit dans des bordels, des tavernes où dans les lieux d’embarquement de bateaux. Ce commerce était souvent organisé par des femmes blanches sans maris riches ou veuves. Elles envoyaient les femmes noires se prostituer et leur réservaient un châtiment féroce si elles ne leur avaient pas, en vendant leur corps, rapporté l’argent qu’elles attendaient. Ainsi, selon le Capitaine Cook, un militaire britannique de la fin du 18ème siècle, une jeune femme noire qu’il connaissait avait été sévèrement punie par sa maîtresse lorsqu’elle revint vers elle sans la totalité de l’argent gagné dans le cadre de la prostitution. Selon un autre militaire britannique présent dans les Caraïbes britanniques en 1806, une femme blanche qu’il connaissait « envoie ses femmes noires à quiconque les paiera pour leurs services officiellement en tant que blanchisseuses » et cette femme blanche « se mettait dans une grande colère si elles ne revenaient pas enceintes ». Un médecin britannique, George Pinckard, qui a visité la Barbade à la fin du 19ème siècle, rapporte que les prostituées « étaient traitées de la manière la plus cruelle par leurs maîtresses, dont le but était de gagner le plus d’argent possible ».
Les femmes blanches n’avaient toutefois pas le monopole de ce commerce honteux, des hommes s’y adonnant aussi, utilisant souvent des femmes blanches comme intermédiaires. Selon Elizabeth Fenwick, une institutrice britannique installée à la Barbade au début du 19ème siècle: Les femmes esclaves sont vraiment encouragées à se prostituer car leurs enfants sont la propriété des maîtres de leurs mères. Ces enfants sont élevés par les femmes (blanches) comme des animaux domestiques, sont souvent amenés des maisons de Noirs jusque dans leurs chambres pour y être nourris, y dormir et élevés avec le plus grand soin et la plus grande indulgence jusqu’à ce qu’ils grandissent et soient d’un seul coup abandonnés à l’esclavage. »
Pour en savoir plus :
Britain’s black debt : reparations for Caribbean slavery and native genocide / par Hilary McD. Beckles
La résistance traditionnelle des femmes africaines aux violences conjugales