Nelson Rolihlahla Dalibunga Mandela (1918-2013) était un activiste, avocat et homme politique sud-africain. Élevé dans un milieu rural aisé et issu de la famille royale thembu, il bascule dans le militantisme lors de son arrivée à Johannesburg, devant les inégalités du régime de l’Apartheid. Condamné à la prison à vie en 1962 pour complot contre l’état, il est libéré en 1990 à la suite d’une importante campagne internationale en sa faveur. Élu président de la République sud-africaine en 1994, il occupe cette position jusqu’en 1999. Les quatorze dernières années de sa vie sont consacrées à des activités caritatives, qui assurent son statut dans l’histoire comme un symbole de la sagesse et de la paix, à l’échelle sud-africaine comme internationale.
Par Sandro CAPO CHICHI / nofipedia
Origines
Rolihlahla Mandela est né le 18 juillet 1918 à Mvezo, un village situé près de la ville de Mthatha dans la région du Transkei en Afrique du Sud. Rolihlahla est un nom xhosa signifiant littéralement ‘tirer la branche d’un arbre’. Il signifie aussi par extension ‘causeur de problèmes’.
Son grand père, dont le prénom est à l’origine du nom Mandela, était un fils de Ngubengcuka, un roi thembu des années 1830. Madiba, un titre qui lui est souvent attribué, est son nom de clan.
Mandela est issu de l’ethnie thembu,une ethnie appartenant au peuple xhosa.
Le père de Mandela , Gadla Henry Mphakanyiswa, chef du village de Mvezo, était issu de la famille royale thembu. Il était conseiller royal ainsi que faiseur de roi. Il était aussi un prêtre traditionnel de Qamata le grand Dieu xhosa et gardien reconnu de l’histoire de son peuple. La polygamie était commune pour un chef xhosa. Gadla avait ainsi quatre épouses. La mère de Nelson Mandela, la troisième des quatre épouses de Gadla, était une Xhosa du clan mpemvu. Bien qu’il appartienne à la famille royale, Mandela n’est pas éligible à la fonction royale.
Mandela a fait l’objet, en 2004, d’une étude de son patrimoine génétique. Il a été testé comme descendant du côté paternel, d’une lignée d’ancêtres communs aux populations bantoues d’Afrique centrale et australe. Du côté de sa mère, il descend d’une lignée d’ancêtres commune aux populations indigènes de l’Afrique du Sud, les San.
Ce métissage, commun à de nombreux sud-Africains se retrouve peut-être dans les traits physiques des parents de Mandela. Il avait en effet décrit son père comme étant un grand homme de teint sombre, caractéristiques plus communes à ses ancêtres bantous ; et il a probablement hérité de sa mère et son teint clair et ses traits qui le font ressembler à de nombreux Sans.
Ce métissage se retrouve également dans sa langue le xhosa, qui a vraisemblablement emprunté de nombreux clicks aux langues khoisan ces sons, qui contribue à rendre le xhosa, comme la décrit Mandela, comme une langue harmonieuse. On retrouve un de ces sons, à l’initiale du nom de la ville de Qunu, qui comme on le verra est la ville d’enfance de Mandela.
Enfance
A cause de plusieurs réactions inappropriées face aux autorités, Gadla perd à la fois son titre de chef de Mvezo et la plupart de ses biens. Ces réactions sont dues , selon Nelson Mandela, à son orgueil et son obstination, traits dont il dit avoir hérité1.
Le jeune Rolihlahla, alors un très jeune enfant doit migrer dans le village environnant de Qunu où sa mère pourrait recevoir le soutien matériel de proches. Sa mère y est convertie au christianisme et baptisée sous le nom de Fanny.
Son père accepte bientôt de l’envoyer à l’école, à l’âge de sept ans. C’est à cette occasion qu’il reçoit de son institutrice le prénom ‘Nelson’, pour une raison qu’il ignore.
Hors de l’école, son éducation traditionnelle se fait par une observation de la société et de la vie dans la nature. Son père, lui raconte les exploits des héros et guerriers xhosas alors que sa mère lui racontait des fables et légendes xhosas qui le sensibilise à la sagesse.
A l’époque, Nelson Mandela croise bien quelques Blancs-dont le magistrat- qu’il traite avec crainte et respect, mais ils n’ont, de son aveu, aucune influence sur sa vie quotidienne.
Une tension existe toutefois, à Qunu, entre Mfengus et Xhosas en raison du rapprochement des premiers avec les Blancs et leur plus grand niveau d’instruction et d’évangélisation. C’est d’ailleurs grâce à deux frères de cette ethnie que la mère de Nelson est convertie au christianisme et son fils envoyé à l’école.
A l’âge de neuf ans, Mandela perd son père des suites d’une maladie pulmonaire. Il déménage à nouveau, cette fois-ci sans sa mère, à Mqhekezweni, la capitale du peuple thembu. Il y découvre un milieu plus aisé, occidentalisé et christianisé. Il s’installe chez le régent du royaume thembu, Jongintaba, qui devient son tuteur et l’élève comme ses propres enfants, notamment son fils Justice, avec qui Mandela entretient une relation étroite. A l’époque, il est destiné à devenir un conseiller du futur roi, Sabata.
A l’école, il apprend l’anglais, le xhosa, l’histoire et la géographie. Le passage de différents chefs d’ethnies différentes à Mqhekezweni y racontaient des histoires des héros de leurs peuples respectifs, parfois non-xhosas et leur résistance à l’impérialisme occidental. Ces histoires lui suggèrent également une unité originelle de ces peuples africains, dont l’unité et l’équilibre auraient été troublés par l’arrivée de l’Homme blanc et sa cupidité.
A seize ans, il est circoncis, rituel de passage de l’âge adulte chez les Xhosas et chez de nombreux peuples africains. Il y reçoit le nom Dalibunga, signifiant ‘fondateur du Bhunga2’.
Age adulte
Peu après, Nelson Mandela se rend au collège thembu de Clarkebury dans le district d’Engcobo. Il en fait l’expérience du cadre strict et devient pour la première fois familier avec des Blancs : le directeur de l’école et son épouse, dans le jardin desquels il travaille après l’école. Mandela obtient son diplôme en deux ans au lieu des trois ans habituels. Il justifie cette performance par un dur travail, plus que par une prédestination à l’école.
En 1937, Mandela intègre le lycée de Fort Beaufort à Healdtown ou est dispensé un enseignement chrétien et anglo-centré. Il se lie pour la première fois d’amitié avec des Africains d’autres ethnies que la sienne. Il s’y initie à la boxe et à la course de fond.
Deux ans plus tard, en 19393, il est admis à l’Université de Fort Hare, la seule Université pour Noirs du pays, mais aussi la plus prestigieuse institution de la sorte en Afrique Australe. Il y étudie l’anglais, la physique, le droit hollandais, l’administration indigène, l’anthropologie et la politique ; y pratique le football, la danse, le théâtre et le cross-country. C’est dans un groupe d’enseignement de la Bible aux populations voisines auquel il prend part qu’il fait la connaissance d’Oliver Tambo, alors étudiant en sciences.
De retour à Mqhekezweni en 1941, il apprend que le régent Jongintaba a arrangé des mariages pour son fils Justice et pour Mandela lui-même. Ayant déjà eu des relations amoureuses, il est réticent de se voir marié à sa promise ou plus généralement de se voir choisir une épouse par le régent. Il décide avec Justice de fuir à Johannesburg. Mandela ne se réconciliera avec le régent que plus tard dans la même année, peu avant sa mort en 1942. Profitant d’abord du statut des connexions de Justice en tant que fils du régent du royaume Thembu4, les deux fuyards obtiennent un travail sur un chantier avant d’être démasqués et renvoyés. Mandela est bientôt recruté par un cabinet dirigé par des Juifs en parallèle de sa licence qu’il obtient en 1942. Son recrutement par des Juifs témoignerait, pour Mandela, de la plus grande tolérance des Juifs que celle des Blancs.
L’enrichissement du cabinet se fait, d’après Mandela, au détriment de ses clients noirs, mais les relations entre employés du cabinet y sont plus homogènes. Il s’y lie d’amitié avec un jeune Blanc, Nat Bregman, qui lui fit découvrir le Parti Communiste et son idéologie. Installé dans des conditions très modestes dans des quartiers populaires de Johannesburg, il fait l’expérience de quartiers plurilinguistiques où les Africains font fi de leurs clivages ethniques et peuvent diriger leurs propres affaires.
Le militantisme
Bientôt, en 1943, Mandela est entraîné par l’un de ses collègues du cabinet membre du parti de l’ANC (African National Congress ou Congrès National Africain), Gaur Radebe, vers le militantisme. La même année, il s’inscrit à l’Université du Witwarerstrand pour une licence de droit. Y étant le seul étudiant en droit noir africain, il se lie d’amitié avec de nombreux étudiants blancs et indiens eux aussi engagés dans une lutte contre les inégalités de la société. Membre de l’ANC, il est sous l’influence de ses amis Walter Sisulu, Oliver Tambo ou des leaders comme Anton Lembede. Il adopte une idéologie de libération panafricaine des Noirs de la tutelle blanche et d’établissement d’une véritable démocratie.
Mandela fait état, dans son autobiographie, à cette époque de son rejet du communisme, une idéologie jugée « étrangère aux réalités africaines ». De même, membre d’une ‘Ligue de Jeunesse’ au sein de l’ANC, il refuse l’intégration de Blancs dans le mouvement pour éviter à des jeunes membres noirs de continuer à s’identifier aux Blancs.
A l’époque, il rencontre dans la maison de Walter Sisulu Evelyn Mase, une jeune infirmière d’ethnie xhosa qui deviendra rapidement son épouse.
Le couple n’ayant toutefois que peu de moyens, il ne peut s’offrir de cérémonie ; il doit en outre s’installer chez des parents d’Evelyn. En 1946, à la naissance de son premier fils Madiba Thembekile ‘Thembi’ Mandela, il se voit attribuer une maison dans le quartier de Soweto.
L’année suivante, au terme de son contrat de stagiaire dans son cabinet, il décide de devenir avocat à plein temps mais à la naissance de sa fille, Makaziwe, il doit contacter de nombreux prêts. Au bout de 9 mois, Makaziwe meurt de maladie. A la naissance de son deuxième fils, Makgatho en 1950, Mandela est débordé par ses activités. En effet, entre temps en 1948, le Parti Nationaliste, dirigé par des Afrikaners avait remporté les élections et mis en place une politique officielle de discrimination basée sur la couleur. Mandela, avait lui gravi les échelons de l’ANC pour parvenir des postes exécutifs, dont celui de Président de la section du Transvaal en 1950. Son militantisme se caractérisait de plus en plus comme anti-Blanc, comme moins opposé au communisme et ouvert, bien qu’avec méfiance, à l’union avec les Indiens et les métis.
En 1952, à la suite d’une série de lois discriminatoires contre le communisme, les relations sexuelles et mariages mixtes, la classification par race, pour la réduction des droits de vote des Métis ou l’abolition des conseils représentatifs des Noirs Africains, l’ANC lance une campagne de défi à l’Etat. Des lois mineures allaient être volontairement violées, des campagnes de sensibilisation auprès des populations locales et des grèves tenues, l’objectif étant d’attirer l’attention sur le mouvement et ses objectifs. Arrêté dans le cadre de la violation contre la loi contre le Communisme, Mandela est condamné, avec d’autres membres à 9 mois de travaux forcés, condamnation qui prend effet deux ans plus tard. La campagne dure de six mois et fait atteindre 100000 membres à l’ANC. Mandela décrit cette opération comme un point tournant dans sa vie : c’est à ce moment qu’il dit devenir ‘un combattant de la liberté’ (Freedom Fighter).
La même année, Mandela décide de passer son certificat d’aptitude après manqué ses examens à l’Université du Witwatersrand. Il peut ainsi exercer le métier d’avocat en titre. Après avoir quitté son premier cabinet à Johannesburg et exercé dans quelques autres, il crée avec Oliver Tambo le premier cabinet d’avocats africains, Mandela & Tambo. A l’époque, la création d’une telle structure lui paraît indispensable. La plupart des cabinets demande en effet des honoraires bien plus élevés aux Africains, ceci malgré leur condition modeste. Devant les innombrables inégalités résultant de l’apartheid, le cabinet est un véritable succès populaire, bien que les plaidoiries du cabinet aient été affectées du racisme des tribunaux sud-africains.
En 1953, Mandela, favorable à la lutte armée contre le pouvoir contrairement à la direction nationale du mouvement, incite son compagnon de lutte Walter Sisulu à voyager clandestinement en Chine pour demander une aide militaire.
Il en rentre bredouille et les jeunes militants se voient sévèrement réprimander par la direction de l’ANC et notamment par Albert Lutuli, président du mouvement. La même année il est visé par un certain nombre d’interdictions le forçant à agir au sein de l’ANC de manière clandestine.
C’est dans ses conditions que son discours déjà rédigé pour la conférence du Transvaal ‘Le chemin vers la liberté n’est pas aisé’ est prononcé par un membre de la direction, Andrew Kunene. En voici un extrait :
« Les opprimés et les oppresseurs sont en conflit violent. Le jour du règlement entre les forces de la liberté et celles de la réaction n’est plus très éloigné. Je n’ai pas le moindre doute que, lorsque ce jour arrivera, la vérité et la justice prévaudront… Les opprimés n’ont jamais ressenti autant d’amertume. La gravité de la situation dans laquelle se trouve le peuple le contraint même à résister jusqu’à la mort à la politique ignoble des gangsters qui dirigent le pays… Le renversement de l’oppression a été approuvé par le genre humain et c’est l’aspiration la plus élevée de tout homme libre. »
Un autre coup est porté, en 1954, à, la dynamique de l’activiste Mandela. Pour son rôle dans la campagne de défi, il est menacé par l’ordre des avocats du Transvaal se voir déchu de son titre d’avocat accrédité. Il reçoit le soutien de nombreux avocats, parfois même de la part d’Afrikaners favorables à la politique d’apartheid du pays. Il parvient de ce fait à conserver son titre.
Entre temps, le gouvernement sud-africain avait décidé de détruire les logements township noir de Sophiatown et de reloger leurs habitants dans un autre nouveau quartier, Meadowlands. En 1955, l’ANC participa à une campagne non-violente pour essayer d’arrêter ce projet. La tentative échouera et confortera Mandela dans la nécessité d’avoir recours à la violence face à un oppresseur violent. La même année, devant la volonté du Gouvernement sud-africain de faire passer loi toutes les écoles dirigées par des églises sous leur tutelle et ainsi appliquer l’apartheid à l’éducation des Noirs, l’ANC organise une campagne de boycott des écoles. Le résultat fut mitigé, car la loi n’avait pas été abandonnée, mais l’enseignement ne se ferait pas sur des bases tribales, comme cela était initialement prévu.
Quelques mois plus tard, à l’initiative de Z.K. Matthews, l’ANC décide d’organiser un congrès du peuple avec pour but de rédiger une nouvelle charte dont les principes seraient issus du peuple sud-africain dans son ensemble, qui abolirait la discrimination raciale. Cette charte fut adoptée lors d’une conférence en 1955, qui rassemblait ANC, Parti Communiste, le SACPO, l’association représentative des métis, indiennes du SAIC, bien que celle-ci eut été interrompue par la police.
Cette alliance avec les Blancs et les Communistes ne fut pas du goût de nombreux militants de l’ANC qui lui reprochait de trahir les idéaux défendus historiquement par le parti. Un procès de
A la même époque, le mariage d’Evelyn et de Nelson s’effondre. Lui politisé et rêvant d’une Afrique du Sud libre, qui consacrait la plupart de son temps à l’activisme et elle évangélisée souhaitant retourner vivre à la campagne et qu’il consacre plus de temps à sa famille ne peuvent plus s’entendre.
En 1956, Mandela est emprisonné avec la plupart des membres dirigeants de l’ANC, notamment Albert Lutuli et Walter Sisulu pour haute trahison et complot contre l’Etat. Il reste en prison quinze jours.
En 1958, Mandela divorce d’Evelyn et rencontre à la même époque Winnie Madzikela, une assistante sociale de 22 ans. Il l’épouse en juin de la même année. Leur première fille Zenani naîtra début 1959 et leur seconde, Zindziswa fin 1960.
En 1959, des militants de l’ANC mécontents de l’approche du parti décident de créer le Pan-African Congress. A l’époque, en Afrique du Sud, le port d’un pass était indispensable pour tout Africain qui se déplaçait sous peine d’arrestation par la police. Il s’agissait d’un document indiquant où son détenteur habitait, et s’il avait payé la taxe individuelle, taxe que seuls les Africains devaient payer.
En 1960, le PAC et l’ANC organisent en parallèle des manifestations contre le port du pass. Pendant l’une d’entre elles, dans le township de Sharpeville, eut lieu une répression policière qui entraîna la mort de 69 manifestants. En solidarité avec les émeutes qui touchèrent le pays à la suite du massacre de Sharpeville, Mandela brûle publiquement son pass.
Peu de temps après, avec d’autres dirigeants de l’ANC, il est illégalement emprisonné avec des milliers d’autres militants de tous horizons pour cause d’état d’urgence. Avec la détention de Mandela, dans des conditions sanitairement déplorables durant six mois à Pretoria les communications avec leurs avocats à Johannesburg est extrêmement difficile. Pendant cette période, l’ANC et le PAC sont interdits. Devant la situation, les avocats des militants se retirent en signe de protestation, mais Mandela et Duma Nokwe, un de ses confrères avocats décident de se représenter eux-mêmes.
Les suspects sont bientôt acquittés par défaut de ne pas avoir pu prouver que l’ANC était un parti communiste ou avait des visées communistes. Il semble toutefois que Mandela eût été communiste et en eût fait partie intégrante. Après ce que Mandela décrit comme une défaite humiliante pour le gouvernement, il se rend compte que celle-ci ne tarderait pas à réagir et l’arrêter pour d’autres motifs.
Il décide donc de vivre dans la clandestinité, poursuivant son activisme en voyageant à travers tout le pays. Echappant régulièrement à la police, il est surnommé ‘le Mouron noir’ en référence à un héros de roman du 19ème siècle, ‘le Mouron rouge’. Il organise durant cette période une grève générale le 29 mai coïncidant avec la date où l’Afrique du Sud deviendrait une République et où les Afrikaners s’affranchiraient totalement de la tutelle de leurs anciens maîtres britanniques. A la suite de cette campagne, dont les résultats sont décevants pour Mandela, celui-ci pense impératif d’avoir recours à la non-violence. Il crée avec Walter Sisulu et Joe Slovo, Président du Parti Communiste une structure militaire multiraciale appelée ‘Umkhonto we Sizwe ‘ (abrégé en MK ; signifiant la lance de la nation). Son activité consiste dans un premier temps à des actions de sabotage de structures du gouvernement le jour symbolique de la fête de Dingane5 en 1961.
L’année suivante, il est envoyé par l’ANC comme son représentant à un meeting du PAFMECSA , (mouvement panafricain de libération de l’Afrique Orientale, Centrale et Australe/ ancêtre de
L’OUA) à Addis-Abeba. Il en profite pour voyager dans de nombreux pays d’Afrique : notamment en Ethiopie, où il rencontre l’empereur Haile Sélassié, en Guinée où il est financé par Sékou Touré, au Sénégal où Senghor lui paie son voyage vers l’Angleterre et lui fournit un passeport diplomatique ; au Libéria et en Tunisie où il reçoit le soutien financier des présidents Harriet Tubman et Habib Bourguiba. De retour en Ethiopie, il est formé à la guérilla par les services secrets israéliens.
Peu après à son retour, il est arrêté en compagnie de Cecil Williams et condamné à 5 ans de prison. En 1963, après la découverte de documents l’incriminant lui et ses camarades de complot et de sabotage et de coup d’état. Le procureur Percy Yutar requiert la peine de mort pour les plaignants. Il seront condamnés à la prison à perpétuité.
La vie en prison
Les dix huit premières années de la détention de Nelson Mandela se dérouleront à la prison de Robben Island. Lui et ses camarades sont initialement des prisonniers de la catégorie D, ceux qui ne peuvent recevoir qu’une visite et un courrier, largement censuré, tous les six mois. Les conditions de vie y sont atroces : nourriture de piètre qualité , humiliations, travaux forcés entraînant des séquelles irréversibles pour la vue des prisonniers. Entre temps, Winnie s’est vue assignée à résidence, a perdu son emploi d’assistante sociale. Elle se voit interdite, sans raisons, de visites à son mari qu’elle ne peut revoir que deux ans plus tard en 1966. Entre 1966 et 1968, Mandela fait victorieusement face à des attaques légales. Des accusations d’ appartenance au parti communiste et des procédures de radiation de l’ordre des avocats du Transvaal sont ainsi abandonnées.
En 1969, en quelques mois, Mandela reçoit coup sur coup deux nouvelles terribles. Sa mère Nosekeni Fanny, puis son fils Thembi, âgé de 24 ans meurent respectivement d’une crise cardiaque et d’un accident de voiture. Mandela, interdit d’assister aux deux funérailles est inconsolable. La relation manquée avec son fils en froid avec lui depuis son divorce d’avec Evelyn le couvre de remords.
En 1970, La loi de la citoyenneté des états bantous est adoptée par le gouvernement sud-africain. Son but est de retirer aux Noirs leur citoyenneté sud-africaine en leur donnant celle d’un des bantoustans, noms donnés à une série d’états mono-ethniques fantoches. Leur taille n’excède pas plus de 13% du territoire total de l’Afrique du Sud.
En 1974, alors que Winnie est également emprisonnée pour avoir violé son assignation à résidence, James Kruger, le ministre de la Justice, propose à deux reprises à Mandela la liberté, s’il accepte de se rendre dans le bantoustan du Transkei et reconnaît sa légitimité. Cela impliquerait qu’il renonce à sa citoyenneté sud-africaine. Mandela, refusant de cautionner l’apartheid, refuse donc la proposition de Kruger.
En 1977, les travaux forcés pour les prisonniers s’arrêtent. Nelson Mandela peut alors se consacrer à lire et à faire du sport.
Au fil de ces années, Mandela a su gagner le respect de ses co-détenus, des gardiens et devenir le symbole des prisonniers politiques de l’apartheid en dehors de la prison. En 1979, il se voit adresser le prix Jawaharlal Nehru des droits de l’homme.
En 1982, il est transféré avec ses compagnons Sisulu, Mhlaba, Mlangeni et Kathrada dans la prison de Pollsmoor dans la région du Cap. Les conditions ne sont pas comparables à celles de Robben Island. On y trouve de véritables lits, serviettes, toilettes, salle de bain, une nourriture correcte et un accès aux médias. Deux ans plus tard, il retrouve Winnie qu’il peut enfin tenir dans ses bras.
En 1984, le nouveau président, P.W. Botha, devant la pression internationale et le chaos ambiant dans le pays, accepte de libérer Mandela si celui-ci renonce à la violence. Mandela refuse. Ses propos lus par sa fille dans un stade de Soweto électrisent la foule.
Après une opération de la prostate la même année, il entame des pourparlers avec le ministre de la justice Kobie Coetzee.
Le gouvernement propose alors à Mandela de libérer les prisonniers s’ils renoncent définitivement à la violence, rompent tous les liens avec le parti communiste. Mandela refuse à nouveau. Entre temps, des problèmes de Winnie apparaissent au grand jour. Son groupe de gardes du corps, appelé Mandela United Football Club commet des meurtres.
En 1988, pour son 70ème anniversaire, un grand concert est organisé en son honneur dans le stade de Wembley à Londres. Mandela est désormais une légende vivante, connue du monde entier. Début décembre 1988, après un traitement dans une clinique contre la tuberculose, il est transféré à la prison Victor Versteer encore plus confortable et où il dispose d’un cuisinier privé. Botha accepte bientôt de rencontrer Mandela. La rencontre se produit en 1989, mais le président sud-africain refuse d’accepter la requête de Mandela qui souhaite la libération de tous les prisonniers politiques.
Le retour à la liberté
En septembre 1990, Frederik W. De Klerk est nommé nouveau président de l’Afrique du Sud. Il libère, le mois suivant, l’ensemble des prisonniers membres de l’ANC puis Nelson Mandela le 2 février 1990, tout en légalisant le PAC, l’ANC et le Parti Communiste sud-africain. Lors de son discours de sortie, il reste fidèle à la ligne politique de résistance armée de l’ANC.
A la fin du mois, il voyage en Zambie, au Zimbabwe et en Namibie. A l’époque, d’importantes violences ont lieu dans la province du KwaZulu Natal entre des militants de l’ANC et du parti de l’Inkatha Freedom Party avec à sa tête le chef zoulou Mangosuthu Buthelezi: elles font des milliers de morts. Fin mars, des violences policières font douze morts et une centaine de blessés parmi des manifestants de l’ANC. En juin, il demande aux Nations Unies des sanctions envers l’Afrique du Sud jusqu’à ce que l’apartheid soit abolie. Les tueries dans les townships continuent et Mandela soupçonne, à raison, De Klerk d’exacerber les tensions pour affaiblir le vote noir. Après son élection comme président de l’ANC en juillet 1991, les tentatives de pourparlers entre Mandela, Buthelezi et De Klerk, la première Convention pour une Afrique du Sud Démocratique (CODESA) a lieu en décembre 1991, sans résultat. Il exacerbe en autre la tension entre De Klerk et Mandela. Une seconde CODESA a lieu en mai 1992. De Klerk y propose que l’Afrique du Sud post-apartheid soit un état fédéral avec une rotation présidentielle qui assurerait une protection des minorités. Mandela demande quant à lui un état unitaire dirigé par la majorité présidentielle élue.
Entre temps, Winnie fait la une des journaux. Elle est condamnée pour kidnapping, remarquée pour son penchant pour l’alcool et sa liaison avec un jeune avocat, Dali Mpofu. Apprenant cette dernière nouvelle, Mandela annonce publiquement sa séparation d’avec sa femme en avril 1992.
En avril 1993, Chris Hani, un leader charismatique noir secrétaire général du Parti Communiste est abattu par un suprématiste blanc. La nouvelle entraîne des émeutes qui font 70 morts.
Deux semaines plus tard, son ami et compagnon de lutte Oliver Tambo meurt d’une attaque. Buthelezi, d’abord réticent à la perspective des élections, dont il a été décidé qu’elles donneraient lieu à un gouvernement d’unité nationale, accepte finalement d’y présenter l’IFP.
Le 2 mai 1994, avec 62 % des voix, Nelson Mandela fut officiellement élu président de la République, fonction pour laquelle il portera serment huit jours plus tard. De Klerk est, avec le futur président Thabo Mbeki, vice-président du nouveau gouvernement. De son côté, Buthelezi assure la fonction de Ministre des affaires intérieures. Winnie Mandela est nommée ministre des arts avant d’être révoquée en 1995 car suspectée dans une affaire de trafic de diamants et d’escroquerie. En août, il demande le divorce. Cette même année, il forme un couple avec la Graça Machel, veuve de Samora Machel, l’ancien président mozambicain, qu’il épousera en 1998.
Son support médiatique pour l’équipe sud-africaine de rugby victorieuse de la Coupe du Monde en 1995 renforce à l’international l’image d’une Afrique du Sud victorieuse et unie au delà des clivages raciaux.
En 1996, Mandela inaugure la Commission pour la Vérité et la Réconciliation. L’objectif de cette commission, dirigée par son ami l’archevêque Desmond Tutu est de recenser toutes les violations des droits de l’homme commises par le régime de l’apartheid depuis 1960 et le tristement célèbre massacre de Sharpeville. En l’échange de leur témoignage, les auteurs de ces crimes peuvent bénéficier d’une amnistie.
En mai, le gouvernement adopte une nouvelle constitution. De Klerk, mécontent, met fin à sa participation et à celle de son parti au gouvernement. Mandela délègue dès lors une plus grande partie de son pouvoir à l’autre vice-président Thabo Mbeki, fils de Govan Mbeki, un ancien membre de l’ANC compagnon de prison de Mandela.
En 1999, au terme de son mandat, il se retire de la politique pour se consacrer à des activités caritatives. Avec la fondation Nelson Mandela récemment créée, il milite notamment pour la construction d’écoles et la lutte contre le SIDA, un fléau contre lequel un manque d’actions lui a été reproché et dont son fils Makgatho mourra en 2005.
En 2003, il fait une sortie remarquée en critiquant véhément le président américain George W. Bush dans sa décision d’attaquer l’Iraq. L’année suivante, il se retire de la vie publique. Après une série de maladies respiratoires, Mandela meurt à 95 ans le 5 décembre 2013. Enterré dans son village d’enfance de Qunu, il laisse derrière lui trois enfants, dix-sept petits enfants et douze arrière petits enfants.
Bibliographie
Un long chemin vers la liberté : autobiographie / Nelson Mandela ; trad. de l’anglais par Jean Guiloineau
Mandela : le portrait autorisé / texte, Mike Nicol ; interviews, Rosalind Coward, Tim Couzens et Amina Frense ; consultants, Mac Maharaj et Ahmed Kathrada
Nelson Mandela : la victoire / Anthony Sampson; traduit de l’anglais par René Guyonnet
1L’analyse de sa vie montre toutefois que ce trait n’a pas toujours été présent chez Mandela.
2 Nom donné au conseil consultatif traditionnel du Transkei
3 http://www.google.com/culturalinstitute/exhibit/nelson-mandela-early-life/gRmTCoYE?hl=en
4 De bonnes relations entre responsables de chantiers et souverains traditionnels étaient utiles pour obtenir de la main d’œuvre à moindre frais.
5Jour commémorant l’écrasante victoire de quelques centaines de Boers, ancêtres des Afrikaners sur plus de 10000 guerriers zoulous en 1838