African Strategies : « Un groupe d’entrepreneurs et de spécialistes des sciences humaines d’origine africaine vous donnent des clés et des pistes inspirées des traditions et l’histoire africaines pour rencontrer le succès dans l’entrepreneuriat et dans vos projets en général, le tout dans un langage clair et concis ». Nouvel épisode: ‘devenez un leader grâce à Amilcar Cabral’.
Par African Strategies
En société, vous réalisez que certaines personnes ont tendance à en suivre, à en écouter d’autres. On appelle les premiers des suiveurs et les seconds des leaders. Être un suiveur peut parfois être frustrant. Le suiveur se retrouve en effet souvent obligé de se plier aux décisions du leader et du fait à ne jamais pouvoir faire ce qu’il souhaite. De plus, il n’attire que rarement l’attention des autres à l’intérieur ou à l’extérieur du groupe. Cette attention est en effet généralement captée par le leader. Il en ressort une frustration de ne pas pouvoir pleinement s’exprimer et de ne pas recevoir la reconnaissance méritée pour ses efforts. Cette position de leader est donc fort convoitée, mais aussi fort méconnue. NOFI vous propose donc de vous éclairer à son sujet. Comment? En vous expliquant comment un homme noir du 20ème siècle est parvenu à devenir l’un des leaders les plus efficaces et les plus célébrés dans l’histoire récente du monde noir : Amilcar Cabral, le père de l’indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert.
D’après son frère biologique et compagnon de lutte Luiz, Amilcar Cabral « fut toujours accepté comme un leader dans les groupes où il a travaillé ». Mais qu’est-ce donc qu’un leader? Pour synthétiser à l’extrême, on peut dire qu’il s’agit d’un homme que d’autres acceptent de suivre dans un groupe. Contrairement au tyran, il n’est ni suivi sous la menace ou sous la contrainte. Contrairement au supérieur hiérarchique d’une entreprise, sa position n’est pas déterminée par son compte en banque. Enfin, contrairement au gourou de secte, on ne le suit pas pour le satisfaire, mais d’abord pour remplir une mission commune. Toutefois, parce qu’on en vient à apprécier le leader, on finit par remplir une mission aussi pour lui faire plaisir. Comment Amilcar Cabral est-il parvenu à générer de tels comportements chez les gens qu’il a rencontré? Réponse avec trois déclarations ou attitudes illustrant le leadership de Cabral.
L’objectif interessé
Avec cette citation d’une rare justesse, Cabral pointe du doigt une réalité que trop de gens oublient. Si vous voulez que des gens se lèvent pour vous suivre, vous devez leur offrir la promesse d’améliorer leur vie. Imaginez que vous parvenez à convaincre des personnes de conquérir avec vous un territoire. Si vous ne faites que les payer, vous serez considéré comme un patron et non comme un leader. Pour être un leader, vous devrez leur promettre que la lutte que vous proposez permettra de les rémunérer plus tard. Dans de nombreuses armées d’Afrique et d’ailleurs on ‘payait’ parfois des soldats en leur permettant de piller les cités attaquées. Amilcar Cabral offrait comme finalité après la victoire la perspective de vivre dans une société basée sur le respect des droits humains, à la fin de l’oppression et à la survie par l’agriculture sans exploitation extérieure. Pour être sûr que cela fonctionne, il dut se pencher honnêtement sur les caractéristiques de chacun des membres de son groupe et à s’adapter à eux. La société promise à ses ‘suiveurs’ en cas de victoire était clairement modelée sur leurs aspirations et leurs besoins à chacun. C’est exactement ce que disait Francisco Mendes, un de ces jeunes recrutés par Cabral et qui allait plus tard devenir le premier ministre de la Guinée-Bissau:
Être en avance sur les autres
En Afrique, on nomme et on respecte traditionnellement les vieux comme les leaders. Pourquoi? Simplement parce qu’ils ont vécu davantage de choses que les autres. L’une des choses qui a rendu possible le leadership de Cabral a été qu’il a toujours développé sa propre vision du combat et a de ce fait eu plus d’expérience que les autres dans sa vision des choses. Par ses lectures scientifiques et idéologiques, ses études en agronomie, et son travail sur le terrain dans l’agriculture africaine, Cabral a fini par développer une expérience et une méthode d’action dont aucun autre leader en Afrique ne pouvait se vanter. Testée à plusieurs reprises sur le terrain, elle avait fini par être efficace. En voyant cela, les membres de ses groupes se regroupèrent derrière lui, sachant que la victoire passait par le suivre lui, que l’on pouvait le suivre les yeux fermés.
Le rapport aux autres
Cela dit, Cabral ne cherchait à maintenir de manière aveugle son avance dans ce domaine sur les autres. Pour Mendes toujours :
Selon Aristides Pereira, un membre du parti de Cabral qui deviendra le premier président du Cap-Vert:
Cabral ne s’est jamais vraiment non plus présenté comme un leader, faisant savoir aux autres que le combat pourrait continuer sans lui, qu’il n’incarnait pas seul la lutte. Toutefois, il prenait le soin d’assumer les échecs de son mouvement s’il y en avait. Cabral avait compris l’importance d’écouter les autres, de mettre en évidence leurs qualités, les mettre en confiance, de les tirer vers le haut. Probablement par son honnêteté, mais aussi par sa pratique du théâtre, il avait réussi à paraître ou tous simplement à être sincère entraînant ses suivants à se battre pour une cause autant que pour le remercier de ce qui leur apportait.
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