L’architecture nubienne, aussi riche que les périodes qu’elle a traversé est utilisée aujourd’hui pour résoudre des problèmes d’habitation dans le reste de l’Afrique.
Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.fr
Il y a quelques années, je visitais la Nubie, cette région à cheval sur le Soudan et l’Egypte. Bien que ses populations ne ressemblaient pas vraiment aux miennes du sud du Bénin, j’ai rapidement remarqué que la couleur sombre qui nous rassemblait était à l’origine des mêmes stéréotypes en Afrique de l’Est comme de l’Ouest. C’est ainsi qu’un vendeur de souvenirs égyptiens me tapait gaiement dans l’épaule dans sa boutique en me disant que j’étais un ‘vrai Nubien’, pointant du doigt une statue du dieu antique Min:
Cette première impression fut confirmée lors d’un incident en 2009, où la popstar libanaise Haifa Wehbe associa les Nubiens à des singes.
Les Nubiens, comme les autres Noirs sont donc associés à des singes.
Plutôt étrange, puisque les Nubiens sont les descendants d’Egyptiens, de Kouchites, de Nubiens médiévaux, ces bâtisseurs, de temples, de tombeaux et de forts qui comptent parmi les joyaux de l’architecture mondiale.
A ces traditions architecturales passées s’ajoutent la magnifique architecture nubienne contemporaine. C’est de celle-ci dont on va parler aujourd’hui.
L’architecture des Nubiens modernes
Les Nubiens vivant en Egypte se divisent en deux catégories : les locuteurs du nobiin au sud et ceux du Kenuzi au nord. Bien que l’architecture de ces deux groupes nubiens soit différente, elle partage des éléments communs. Les zones habitées dans les maisons étaient tournées vers le sud et vers l’ouest pour recevoir le plus de soleil possible en hiver; pour modérer son influence, les maisons étaient construites avec des murs très hauts avec des petites coupures pour produire un effet de ventilation. Les fenêtres n’y sont pas utilisées, pour éviter les regards extérieurs sur la vie de famille, et peut-être en raison d’une vieille tradition pour se protéger des attaques des nomades qu’ils ont subi depuis plus d’un millénaire.
Alors que les maisons du sud sont plutôt caractérisées par leur grandeur et la qualité de leurs constructions, les maisons du nord se distinguent quant à elles par leur les couleurs vives et les peintures qu’ils utilisent pour leurs décorations. La raison serait que les Nubiens du sud vivent dans un environnement naturel très coloré alors que ceux nord vivent dans un environnement bardé de pierres et de sable. Pour pallier à l’absence de cette couleur, ils l’auraient reproduit sur leurs maisons. La peinture et les décorations sur les murs de ces maisons est une activité traditionnellement réservée aux femmes.
Au sud, les maisons sont de formes cubiques avec un toit plat et construites avec un mélange de boue, d’excréments, de grave, de paille et de sable. Au nord, en revanche, les maisons sont faites de pierre enduite de boue. Contrairement au sud, les toits nubiens au nord étaient construits en forme de voûte. Bien qu’étant attesté en Egypte pharaonique, ce type de toits n’avait traditionnellement survécu qu’en Nubie du nord après l’invasion arabe du pays, que ce soit avec du bois ou avec de la boue séchée.
L’architecture nubienne au secours du reste de l’Afrique
Arrivé au début des années 1940 en Nubie, le grand architecte égyptien de mère turque Hassan Fathy allait découvrir ces toits en voûte nubiens qui allaient l’émerveiller et le conduire à populariser dans l’architecture moderne ce style de la voûte nubienne en boue séchée, une méthode de construction beaucoup simple que celle des constructions occidentales en voûtes. Son objectif était d’en faire profiter les populations démunies.
Aujourd’hui, grâce à des ONG comme Development Workshop ou la Voûte Nubienne, ce type de procédé se répand dans le reste du monde, en particulier africain, où grâce à ce système de la vallée du Nil ancienne, des toits construits sans soutien préalable entre deux murs par le biais d’un câble où vont se placer des briquettes de terre pour construire des toits solides, durables et bon marché pour un certain nombre d’habitations du Sahel menacées de perdre leur toit sans pouvoir le remplacer en raison de la pénurie de bois ou l’utilisation de matériaux plus coûteux comme la tôle.
Cette technique, facile à apprendre, qui voit la culture antique de la Vallée du Nil rendre service à l’Afrique moderne est en tous cas le plus bel exemple de ce que peut être une Renaissance Africaine. Et elle montre aussi que loin d’être les singes que certains incultes du monde arabe les accusent d’être, les Nubiens sont d’excellents architectes héritiers directs du savoir de l’extraordinaire civilisation de l’Egypte ancienne.
Références:
Nubians in Egypt / Robert Fernea
www.lavoutenubienne.org
https://nofi.fr/2018/02/chengbundyeh-bamileke/44794