Le 1er Janvier 1804 était proclamée l’indépendance d’Haïti, qui devenait alors la première république noire de l’histoire. Ce qui est moins connu est que cette révolte a donné de l’espoir à nombreux autres esclaves dans les Amériques, créant en quelque sorte l’espoir d’une libération de tous les Noirs du continent. Dans cette première partie, nous allons insister sur l’impact de cette révolution sur le mental des autres Noirs d’Amérique.
Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.fr
Puisque certains d’entre nous faisaient la fête comme des pochetrons le 1er janvier, sachons qu’il y a exactement 211 ans, nos ancêtres haïtiens se réjouissaient d’avoir fait la fête aux colons français, concluant ainsi la plus réussie des révoltes d’esclaves de l’humanité et faisant passer celle de Spartacus pour une manif de Besancenot sur les Champs Elysées.
Le plus étonnant dans cette histoire n’est pas que beaucoup d’entre nous ne le sachions pas 211 ans après, mais que cette nouvelle se soit répandue et ait galvanisé des Noirs des Amériques très peu de temps après.
Ainsi par exemple, à Rio de Janeiro au Brésil, dès 1805, l’année suivant l’indépendance d’Haiti, des esclaves brésiliens ont été décrits comme portant des colliers avec des pendentifs à l’image de Jean-Jacques Dessalines, premier gouverneur général d’Haïti en hommage à la révolution haïtienne.
En Jamaïque, un mois après le début de la révolution haïtienne en 1791, des esclaves chantaient des chanson à propos d’elle. Un maître de la colonie avait déclaré à leur sujet : « les idées de liberté avaient tellement pénétré l’esprit de tous les Nègres que si les plus grandes précautions ne sont pas prises, ils vont se soulever. » Les Noirs de Jamaïque parlaient de tuer tous les Blancs et de se partager leur territoire et disaient que « les Nègres français (les Haïtiens) étaient des (vrais) hommes. »
A Cuba, le Noir émancipé José Antonio Aponte, qui avait prévu d’organiser une révolte en 1812, s’était inspiré d’Haiti et montrait à ses troupes de rebelles des portraits de Toussaint Louverture, de Jean-Jacques Dessalines et d’Henry Christophe pour les galvaniser.
Aux Etats-Unis, des chansons étaient chantées en l’honneur des Haïtiens suite à leur victoire, les noms des héros haïtiens donnés comme prénoms à leurs enfants et plus important encore, près de 13000 Afro-Américains émigrèrent pour Haïti après 1820 une destination qui paraissait plus proche de leur réalité américaine que l’Afrique de l’Ouest. Chez les Euro-Américains toutefois, notamment ceux du sud du pays qui pratiquaient toujours l’esclavage, la peur d’une extension de la révolution haïtienne à tous les esclaves des Amériques allait créer un profond sentiment anti-haïtien qui allait se perpétuer jusque dans les années 70 où des réfugiés du régime de Duvalier allaient se faire refuser le statut de réfugiés politiques par le gouvernement américain. On notera malheureusement que bien que l’admiration initiale des autres Noirs des Amériques pour les Haïtiens se soit aujourd’hui souvent transformée en une xénophobie glorifiant ceux qui sont restés sous tutelle européenne et diabolisant ceux s’en étant libérés.
Restez à l’écoute sur Nofi, un deuxième article arrive très bientôt et nous montrera les révoltes des autres Noirs des Amériques directement entraînées par la victoire des Haïtiens sur les armées de Napoléon.