Dans la semaine du 15 au 22 décembre 2014 a eu lieu une véritable rafle de plus de 3000 immigrés à Luanda, la capitale de l’Angola. Si le gouvernement angolais affirme officiellement vouloir lutter contre l’immigration d’ ‘Asiatiques, d’Européens, d’Africains et de Latino-Américains’ en situation irrégulière, ces arrestations semblent avoir majoritairement touché des Africains et parfois même des immigrés en situation régulière.
Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.fr
Interpellés chez eux, sur leur lieu de travail, dans la rue ou dans leur lieu de culte, à Luanda, plus de 3000 étrangers ont été conduits de force dans un centre de détention à 30 kilomètres de la capitale angolaise. Une rafle qui aurait pour certains pu être justifiable à défaut d’être acceptable pour si elle ne concernait que des immigrés en situation irrégulière et que leur détention se faisait dans des conditions respectables, ce qui ne serait pas le cas selon plusieurs témoins. Interrogés par nos confrères de RFI, certains d’entre eux, pour la plupart d’origine africaine, ont dénoncé la xénophobie des Angolais depuis des années, l’interpellation d’immigrés, qui bien qu’ils détenaient des papiers en règle étaient conduits dans le camp de Trinita pour les vérifier là-bas, plutôt que sur place ; que rassemblés là-bas, on leur refuse pendant plusieurs jours de quoi s’alimenter; qu’ils y sont victimes du racket par les policiers. Ces victimes seraient principalement originaires du Congo-Kinshasa et de la RDC.
Après trente années de guerre civile, l’Angola est devenu, notamment grâce à ses réserves pétrolières, le pays à la plus grosse croissance du monde entre 2001 et 2010, ainsi qu’un véritable eldorado pour investisseurs étrangers, notamment chinois, portugais et brésiliens. La richesse accumulée n’a toutefois bénéficié qu’à une infime partie de la population, souvent proche du pouvoir, métissée et internationalisée. Elle est symbolisée par Isabel Dos Santos, fille du président angolais Jose Eduardo Dos Santos, première femme africaine milliardaire en dollars et femme la plus riche d’Afrique, qui avait récemment, avant de se retirer, fait une offre de rachat de Portugal Telecoms.
En 2012, Luanda était la ville la plus chère du monde, proposant un coût de vie exorbitant, avec notamment la location d’un appartement de deux pièces coûtant entre 4000 et 5000 dollars (plus de deux millions de francs CFA par mois) et voyant pourtant les banlieusards y travaillant gagner en moyenne 250 dollars et en dépenser 80 pour rejoindre la capitale.
Cette situation qui voit l’enrichissement (des élites) d’un pays africain au détriment de la majorité de la population coïncider avec des expulsions massives de populations immigrées n’est malheureusement pas un cas isolé dans l’histoire de l’Afrique. En 1958, des étrangers, principalement Dahoméens, avaient en Côte d’Ivoire été victimes de pogroms de la part des populations locales, notamment frustrées par le chômage apparaissant et le rejet du régime colonial qu’ils n’avaient pu exprimer lors d’un référendum la même année. Près de 20000 d’entre eux allaient devoir quitter les lieux, sans indemnisation. En 1969, les autorités ghanéennes issues d’un coup d’état dénonçant le rôle des immigrés dans la situation économique du pays avaient renvoyé près de 200000 étrangers, principalement Nigérians dans leurs pays d’origine et au Nigéria en 1983, environ 1,5 millions d’étrangers avaient aussi expulsés.
On se souviendra aussi des émeutes xénophobes de mai 2008 en Afrique du Sud qui avaient conduit à la mort d’une soixantaine d’étrangers, la plupart originaires d’Afrique australe et de Somalie. Espérons que la situation en Angola n’atteindra ces chiffres macabres et que les autorités angolaises sauront diversifier leur économie et en faire profiter l’ensemble de la population; qu’elles condamneront, ralentiront ou mettront fin à ces attaques contre leurs frères africains.