Olaudah Equiano

Olaudah Equiano (vers 1745-1797), également connu sous son nom occidental de Gustavus Vassa est un esclave affranchi, commerçant, activiste et écrivain originaire de l’ethnie igbo (actuel Nigéria du Sud-Est). Son auto-biographie, très populaire dès sa sortie, a grandement contribué à l’abolition de l’esclavage dans les colonies britanniques.

Par Sandro CAPO CHICHI / Nofipédia

Origines
Olaudah Equiano est né vers 1745 dans une ville qu’il appelle Essaka et qui correspondrait à la ville actuelle d’Isseke, située dans l’Etat d’Anambra de la République fédérale du Nigéria et qui était alors sous la domination du lointain royaume de Benin. Il serait le fils d’un chef igbo, (qui correspondrait à son ethnie qu’il appelle ‘eboe’). En dialecte igbo d’Isseke, Olaude signifie ‘un anneau faisant un son vibrant,une personne chanceuse et par extension une personne avec une voix portante et une personne qui rencontrera des vicissitudes. Selon Equiano, son prénom Olaudah signifie ‘vicissitude ou chanceux ; ou quelqu’un de préféré qui parle fort et bien. » A Isseke, il ne resterait qu’une famille noble avec un nom similaire à celui d’Equiano. Il s’agit d’Ekwealuo (ou Ekweanuo).

Bright Nwabueze Ekwealuo, un membre de la famille Ekwealuo d'Iseke ; D'après C.Acholonu, ils auraient en commun d'uniques traits du visage qui témoigneraient de leur parenté
Bright Nwabueze Ekwealuo, un membre de la famille Ekwealuo d’Isseke ; ils auraient en commun d’uniques traits du visage qui témoigneraient de leur parenté  d’après C.Acholonu (2009), The Igbo Origins of Olaudah Equiano, in C. Korieh (éd)

Selon l’historienne nigériane Catherine Acholonu, qui pense avoir trouvé des descendants d’Equiano à Isseke, le nom d’Equiano aurait été Olaude Ekweanuo selon les transcriptions actuelles. Malgré les détails d’une précision incroyable fournis par sur son lieu d’origine, des historiens ont remis en question son lieu de naissance. Pour l’un d’entre eux, Vincent Carretta, Equiano serait né esclave en Caroline du Sud, et pour être plus crédible dans sa lutte contre l’esclavage aurait inventé, après avoir discuté avec de véritables Igbos, la première partie de sa vie. Cette hypothèse n’a toutefois pas convaincu la majorité des chercheurs, et Isseke est généralement reconnue comme le lieu de naissance d’Olaudah Equiano.

Catherine Acholonu (1951-2014), l'une des plus grandes spécialistes des origines igbo d'Olaudah Equiano
Catherine Acholonu (1951-2014), l’une des plus grandes spécialistes des origines igbo d’Olaudah Equiano

Enlèvement, déportation et mise en esclavage

Alors qu’il approchait les onze ans, il fut capturé alors qu’il jouait avec sa soeur par d’autres Noirs qui les vendirent comme esclaves à d’autres Noirs avant qu’ils se perdent de vue et qu’ Olaudah soit vendu à des trafiquants d’esclaves anglais. Equiano décrit avec détail et émotion sa déportation en bateau décrivant son entrée dans celui-ci comme s’apparentant à un « monde de mauvais esprits » (qui) « allaient le tuer »; il y décrit aussi la mort de maladie et par suicide de certains de ses compagnons de déportation. Son bateau arrive à destination sur l’île de la Barbade, mais deux semaines plus tard, il fut envoyé dans la colonie britannique de la Virginie. Il y est ‘acheté’ par un planteur appelé Campbell puis vendu à Michael Henry Pascal, un officier naval anglais qui essaie de lui imposer le nom de Gustavus Vassa, celui d’un ancien roi de Suède. Equiano refuse, mais après avoir été battu par Pascal, il se résout à porter le nom de Gustavus Vassa qu’il utilisera dans tous ses documents officiels dans le reste de sa vie, ne mentionnant ‘Olaudah Equiano’ que dans son auto-biographie.

Vie en mer
A cette époque, il fait la connaissance de Richard Baker, un jeune Blanc américain travaillant sur le bateau de Pascal, avec qui il se lie d’amitié et dont il pleurera la mort en 1759. Entre temps, Equiano était arrivé en Grande-Bretagne avec son maître et Dick en 1757. A cette époque, il apprécie de plus en plus la culture des Blancs qui l’entourent et comme tout enfant noir dans cette situation, s’interroge sur leurs différences de couleur de peau. Equiano suit ensuite son maître dans la guerre de sept ans dont il fait aussi des récits détaillés dans son autobiographie, à côté de son instruction informelle chez des Anglaises chez qui il avait été envoyé par son maître et par qui il avait été baptisé. Après une victoire britannique sur les Français, Pascal est promu capitaine d’un autre navire et Equiano se voit intégré à son staff en tant qu’intendant, ce qui lui laisse de nombreux moments pour lire et se cultiver.

De nouveau esclave et affranchi
En décembre 1762, alors qu’il vient de passer une longue période en vivant comme un homme libre, Pascal le vend en Angleterre à un autre capitaine, James Doran dont il devient l’esclave et avec qui il se rend à Montserrat dans les îles Leeward aux Antilles, non avoir tenté de s’échapper entre temps.

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Il y est vendu peu de temps après à Robert King, un religieux et commerçant originaire de Philadelphie. En travaillant et en économisant de l’argent dans les différentes entreprises commerciales de King, il parvient à se payer sa liberté que ce dernier lui avait promis en juillet 1766. Pendant cette période, il note une nouvelle fois la cruauté des maîtres esclavagistes sur les esclaves.

Voyages en homme libre
En 1767 Equiano revient en Angleterre dont il avait gardé un excellent souvenir. Il continue à travailler en mer, notamment comme matelot jusqu’en 1773, voyageant notamment jusqu’au Pôle Nord pour y découvrir un passage vers l’Inde par le nord-ouest et se convertissant à cette époque à l’église méthodiste. En 1775, Equiano est recruté par le Dr. Irving qu’il avait rencontré lors de son voyage au Pôle Nord pour travailler comme acheteur et surveillant d’esclaves dans l’actuel Nicaragua. L’aventure échouera et un an plus tard, de retour à Londres, Equiano commence à militer activement pour l’abolition de l’esclavage.

Lutte pour l’abolition de l’esclavage et succès littéraire

En 1774, Equiano était rentré à Londres où il avait tenté de secourir John Annis, un esclave illégalement capturé par son maître et déporté d’Angleterre jusqu’à Saint Kitts où il état employé comme esclave et torturé. Il contacta le célèbre abolitionniste anglais Granville Sharp pour l’aider dans cette affaire, sans réussite. Quelques années plus tard, en 1777, Equiano publie des écrits pour l’abolition de l’esclavage et la légalisation des mariages mixtes puis s’engage avec des abolitionnistes anglais comme Sharp, Thomas Clarkson et James Ramsey. En 1783, Equiano fut le premier à avertir Sharp du massacre de Zong lors duquel plus de 130 esclaves furent jetés par dessus bord d’un bateau pour des raisons d’assurance. Ce massacre ignoble fut un catalyseur dans le processus de l’abolition de l’esclavage en Grande-Bretagne, un événement qu’il ne connaîtra pas de son vivant.

Portrait supposé d'Equiano
Portrait supposé d’Equiano

Dès 1786, Equiano s’implique au nom du gouvernement britannique dans un projet de de migration et d’établissement de Noirs de Londres à Freetown (Sierra Leone), bien qu’il l’ait dans un premier temps condamné, craignant que les ‘rapatriés’ ne soient à nouveaux capturés pendant leur voyage et vendus en esclavage. En 1787, il sera toutefois renvoyé du projet pour voir dénoncé les Blancs qui ne fournissaient pas aux migrants le nécessaire pour leurs voyages, parvenant à la suite de manifestations à obtenir des indemnités de licenciement. A la suite de protestations pour la communauté noire de Londres, il crée avec d’autres Noirs libres de Londres l’association ‘Sons of Africa’, qui liée à la Society for the Abolition of the Slave Trade dirigée elle par des Blancs lutte pour l’abolition de l’esclavage. L’un de ses collègues de Sons of Africa, Ottobah Cugoano, avait écrit en 1787 Thoughts and Sentiments on the Evil and Wicked Traffic of the Slavery and Commerce of the Human Species (Pensées et sentiments sur le mauvais et diabolique trafic de l’esclavage et le commerce de l’espèce humaine) et peut-être son sous impulsion Olaudah Equiano écrit en 1789 The Interesting Narrative of the Life of Olaudah Equiano, or Gustavus Vassa, the African (Le récit intéressant de la vie d’Olaudah Equiano, ou Gustavus Vassa, l’Africain).

Succès littéraire et mort

Une édition anglaise de l'autobiographie d'Equiano
Une édition anglaise de l’autobiographie d’Equiano

Cet ouvrage, la principale source d’informations sur la vie d’Equiano, est le premier écrit d’un homme d’origine africaine en anglais et narrant la vie d’un esclave. Il convainc et touche son lectorat, inspire les récits ultérieurs d’esclaves. Grâce à un habile système d’abonnements avant parution imaginé par son auteur, il est un succès commercial et fait l’objet de neuf éditions, incluant des éditions en allemand, et en néerlandais qui enrichiront considérablement Equiano. En 1792, il épouse une femme anglaise, Susanna Cullen avec qui il a deux filles. Cinq ans après, en mars 1797, il meurt, laissant un héritage considérable aux siens. Si sa fille Joanna Vassa, qui hérita de cette fortune matérielle en 1816, c’est le reste du monde qui peut bénéficier à sa guise de l’héritage considérable de cet homme exceptionnel, qui fut tour à tour prince, Isseke, Igbo, esclave, aide-de-camp, intendant, homme libre, Africain, Londonien, commerçant, Américain, Caribéen, abolitionniste, manifestant pour ses droits de travailleurs, père, écrivain, entrepreneur à succès et dont le parcours montre à quiconque en douterait encore, que derrière le sombre de la vie se dresse une lumière derrière la persévérance et la foi.

Références
Equiano, the African : biography of a self-made man / Vincent Carretta
The Igbo intellectual tradition : creative conflict in African and African diasporic thought / edité par Gloria Chuku
The Interesting narrative of the life of Olaudah Equiano, or Gustavus Vassa, the African / Olaudah Equiano
Olaudah Equiano and the Igbo world : history, society, and the Atlantic diaspora connections / edité par Chima J. Korieh
Autobiography and Memory: Gustavus Vassa, alias Olaudah Equiano, the African, Slavery and Abolition 27, no. 3 / Paul E. Lovejoy

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