Du 3 au 7 décembre 2014 ont eu lieu à Doha au Qatar eurent lieu des championnats du monde de natation petit bassin. Un nageur, le français Mehdy Metella et la nageuse jamaïcaine Alia Atkinson se sont distingués en remportant des médailles d’or au terme de courses exceptionnelles. Ces performances remarquables au plus niveau de la natation remettent-elles en question certains préjugés sur l’inaptitude de certains Noirs à la natation et plus généralement à l’inégalité des races humaines?
Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.fr
En 1996, l’homme politique français Jean-Marie Le Pen déclarait:
“C’est un fait qu’il y a davantage d’athlètes noirs dans les finales olympiques de course à pied que d’athlètes blancs. Cela ne veut pas dire que tous les Blancs courent mal. C’est un autre fait qu’il y a davantage d’athlètes blancs que d’athlètes noirs dans les finales olympiques de natation. Cela ne veut pas dire que les Noirs ne savent pas nager…”
Ces propos pris isolément ne posent pas de problèmes et il me paraît en effet indéniable que les athlètes blancs sont plus souvent couronnés en natation que les Noirs et ceux-ci plus souvent que les Blancs en sprint. La où les propos deviennent plus difficiles à accepter est quand Le Pen utilise ces faits pour justifier ce qu’il croît être une inégalité des races.
Il faut savoir qu’historiquement, postuler une plus grande rapidité génétique des Noirs n’a jamais été un problème pour le suprématisme blanc, notamment américain. La raison étant que courir est souvent vue comme une activité de poltron, de celui qui fuit l’affrontement. En revanche, la boxe, qui a très longtemps été dominée chez les poids lourds par des Noirs a plus souvent été expliquée par la mouvance suprématiste blanche comme un fait social; les Blancs se consacreraient à des activités intellectuelles pour faire avancer la société.
La raison évidente de ce double discours est que la boxe est un sport viril et qu’y admettre son infériorité reviendrait à reconnaître une virilité inférieure à celle des Noirs, une perspective, qui si elle était revendiquée par le suprématisme blanc il y a quelques siècles, ne l’est que plus difficilement aujourd’hui.
Bien que certains suprématistes blancs peuvent à présent dire que leur opinion sur la boxe est aujourd’hui justifiée par la domination des boxeurs venus de l’Est depuis le début des années 2000 et le passage pro de boxeurs issus de l’ancien URSS, on est droit de se poser une question. Si cette domination des Noirs de presque soixante-dix ans sans interruption sur la boxe poids lourds n’était liée qu’à des facteurs culturels et sociaux, pourquoi leur domination actuelle sur le sprint ne pourrait pas l’être? Ne s’agirait-il pas plus de préjugés sociaux et de manque de culture du sprint qui ferait défaut aux potentiels athlètes Blancs et vice-versa, de modèles de réussite et de culture de la natation chez les athlètes Noirs?
On est en droit de se poser ces questions à la suite des splendides performances de la Jamaïcaine Alia Atkinson et du Guyanais Mehdy Metella lors des derniers championnats du monde petits bassins à Doha au Qatar (décembre 2014). La nageuse a battu le record du monde du 100 m brasse, devenant au passage la première femme noire à devenir championne du monde de natation.
De son côté, le Français Mehdy Metella a été le principal artisan de la victoire du relais 4x100m nage libre et a obtenu la médaille d’argent sur le 4x50m quelque mois après avoir souffert du Chikungunya.
Je ne nie évidemment pas d’autres facteurs biologiques doivent entrer en jeu (un exemple frappant étant que certaines populations ont des tailles nettement plus élevées que d’autres et partent par conséquent dans certains sports avec un avantage sur elles) mais même si ces deux victoires ne représentent qu’un infime pourcentage des quelque 80 médailles d’or distribuées lors de cette compétition, et que d’autres sportifs noirs avaient brillé lors de compétitions précédentes (on pense à Malia Metella, la soeur de Mehdy ou à l’Américain Cullen Jones), on ne peut qu’espérer que ces championnats du monde ne pourront servir de modèles à de nouvelles générations d’athlètes qui verront par eux-mêmes qu’à celui qui veut, rien n’est impossible.