Bavures policières impunies aux Etats-Unis : des féministes noires se plaignent de l’absence de médiatisation de victimes féminines

Alors que le mouvement de contestation des bavures policières impunies contre des Noirs aux Etats-Unis, désormais connu sous le nom de mouvement #BlackLivesMatter (Les vies noires comptent (aussi)), bat son plein et semble faire l’unanimité parmi la communauté noire américaine, une partie d’entre elle a montré son mécontentement par rapport au déroulement des événements. Il s’agit de mouvements féministes qui reprochent la mise en avant de victimes noires masculines et l’absence de médiatisation accordée aux victimes afro-américaines femmes, homosexuelles ou transsexuelles.

Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.fr

Lors de la One Million March (Marche d’un Million) contre les bavures policières du 13 décembre dernier qui a réuni quelque 75000 participants dans les villes de Washington DC et de New York combinées, on a pu distinguer un petit contingent dissident.

Manifestants féministes lors de la One Million March à New York (Photo : Jerry Wong)
Manifestants féministes lors de la One Million March à New York (Photo : Jerry Wong)

Repérable à son port de la couleur pourpre et à sa constitution principalement féminine, ce contingent se distinguait de la masse en brandissant des pancartes non pas à l’effigie d’Eric Garner, de Trayvon Martin, de Mike Brown ou de Tamir Rice, mais d’Aiyana Stanley-Jones, une jeune fille âgée de sept ans tuée d’un coup de feu lors d’un raid par un policier, affaire sanctionnée à deux reprises par un procès nul;

Aiyana Stanley-Jones
Aiyana Stanley-Jones

 

ou d’Yvette Smith, une mère de famille innocente de 47 ans tuée par un policier après lui avoir la porte, et de beaucoup d’autres.

Yvette Smith et son fils
Yvette Smith et son fils

A la tête de cette initiative, le Sister Circle Collective et l’AF3IRM NYC, deux organisations féministes à l’origine du mouvement #FeministsOnTheMove qui reprochent aux têtes pensantes du mouvement #BlackLivesMatter, d’avoir complètement passé sous silence les victimes féminines, hétérosexuelles, homosexuelles ou transsexuelles noires victimes elles aussi de bavures policières.

Affiche de la manifestation #Feministonthemove organisée lors de la One Million March
Affiche de la manifestation #Feministsonthemove organisée lors de la One Million March

 

Dans leur appel à la manifestation #FeministsOnTheMove, ces organisations rappellent notamment le cas de Daniel Ken Holtzclaw, un policier américain accusé notamment d’avoir agressé sexuellement sept femmes afro-américaines, mais qui a été libéré sous caution. Elles demandent aussi de reconnaître que le mouvement #BlackLivesMatter est principalement l’oeuvre de femmes et que les morts de Noirs devraient autant mobiliser l’opinion publique si ces morts sont celles d’hommes, de femmes, ou de transsexuels.

De notre côté, on ne peut qu’être reconnaissant envers #FeministsOnTheMove pour avoir mis en évidence les victimes féminines de violences policières, qui si elles avaient attiré l’émotion des médias et de la société américaine dans le passé -J. Cole avait en 2013 dédié à la fin de son clip, sa chanson ‘Crooked Smile à la petite Aiyana Stanley-Jones- ont été complètement passés sous silence dans #BlackLivesMatter ;

y intégrer au même niveau la problématique des transsexuels nous paraît inappropriée, puisque nombre de ceux-ci définissent leur identité en société et y sont perçus non pas comme des Noirs, mais comme des transsexuels ou des homosexuels.

Dans leur communiqué, les organisatrices de #FeministsOnTheMove se réclament d’Angela Davis, cette même Angela Davis qui avait dans le passé été accusée d’avoir affaibli le mouvement du Black Power en y introduisant les questions des droits du féminisme noir et des droits des homosexuels. Dans une interview filmée en 2012 en Belgique, Davis comparaît le combat des droits des LGBT (Lesbiennes, Gays, Bisexuels, Transsexuels) à celui des Noirs (traduction de socialisme.be):

Angela Davis
Angela Davis

« Le mouvement de libération des Noirs ne pouvait pas bénéficier qu’aux seuls hommes noirs. Il avait le devoir de s’occuper aussi des droits des femmes, des droits des LGBT.

(…)

Si par le passé, les Blancs et les Noirs avaient l’interdiction de se marier et qu’il a fallu se battre pour en obtenir le droit, aujourd’hui c’est le cas des personnes de même sexe. Elles n’ont pas le droit de se marier, au nom des mêmes principes, suivant les même termes qui empêchaient les personnes d’origines différentes de s’unir. « 

Espérons que ce combat féministe, aussi informatif qu’il ait été pu être par ailleurs, ne serve pas à diviser cette unification majeure du peuple noir aux Etats-Unis inédite depuis plusieurs années.

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