L’un des pharaons les plus connus du grand public, Toutankhamon, qui prit le pouvoir à l’âge de 9 ou de 10 ans, régna moins de dix ans dans la deuxième moitié du 14ème siècle avant notre ère. Il a été l’objet d’un reportage diffusé sur la chaîne britannique BBC et intitulé ‘Tutankhamun : The Truth Uncovered’. NOFI.FR vous offre en exclusivité un compte-rendu critique de ce récent reportage exclusivement visible à la télévision britannique et traitant de ce célèbre roi d’Afrique ancienne.
Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.fr
Toutankhamon est un pharaon dont le rôle dans l’Histoire de l’Egypte ancienne fut mineur. Il ne régna pas plus de dix ans et aucun acte d’importance n’est à associer à son règne. La renommée de Toutankhamon est essentiellement moderne. Elle est due à la découverte de son trésor funéraire par des archéologues occidentaux au début du vingtième siècle. Alors que les trésors funéraires de tous les autres pharaons avaient été dévalisés par des pillards, celui de Toutankhamon avait été parfaitement conservé. L’importance mineure du roi dans l ‘histoire égyptienne a conduit certains chercheurs à imaginer la splendeur de tombes de ‘grands’ pharaons comme Ramsès II ou Thoutmosis III si elles n’avaient pas été pillées.
Le reportage met en évidence un certain nombre de faits. La tombe de Toutankhamon était étonnamment petite pour un Pharaon. Des traces de moisissure suggèrent que la tombe fut peinte à la hâte. Elles conduisent les auteurs du reportage à conclure que la mort imminente de Toutankhamon n’était probablement pas prévue au moment de la peinture de sa tombe. Un scan de la momie de Toutankhamon remet en question plusieurs hypothèses préalables sur la mort du Pharaon : il ne serait ni mort assassiné, ni mort d’un accident de char. Toutankhamon était atteint d’un pied-bot, une malformation du pied et d’une ostéonécrose, une maladie des os, ce qui l’aurait empêché de monter sur un char, bien qu’il soit représenté dans cet exercice dans certaines scènes dans son matériel funéraire. Un grand nombre de cannes retrouvées dans sa tombe confirmeraient l’hypothèse.
Il y a quelques années, en 2007, la reconstitution arbitraire de Toutankhamon comme un homme à la peau très claire, voire blanche, avait entraîné une vague de contestation chez des chercheurs afro-américains tels que Molefi Asante et Maulana Karenga, pour qui Toutankhamon était un Noir africain. Il est vrai que la grande majorité des représentations du roi le représentent avec un teint bien plus foncé que celui qu’il présente dans la reconstitution. Il faut toutefois reconnaître que contrairement à ce que certains militants prétendent, Toutankhamon n’en avait pas pour autant le teint de Pape Diouf.
Cela semble attesté sur une scène d’un coffre où il possède le même teint que les Asiatiques qu’il combat, mais un teint bien plus clair que celui des Nubio-Soudanais qu’il combat.
Cela ne l’empêche pas pour autant d’avoir probablement été un Noir Africain. Un Noir africain est simplement un individu au taux de mélanine adapté au climat tropical et dont l’héritage génétique en fait un indigène du continent. Désolé pour les plus extrémistes, mais il n’y a pas besoin d’avoir le teint de Mamadou Sakho et les traits de Papa Wemba pour prétendre être un ‘vrai’ Noir africain.
Toujours est-il que les protestations afro-américaines d’il y a sept ans n’ont pas empêché la BBC de remettre le couvert et de représenter le roi avec un teint très clair. Que dire à part espérer que des chercheurs plus sérieux réalisent leurs propres recherches et documentaires à ce sujet ? Rien, pour l’instant. Le roi est cette fois-ci présenté avec des dents ‘de lapin’, mais aussi avec une malformation au pied, le port d’une canne pour marcher et des hanches quasi-féminines. L’image du roi est une nouvelle fois écornée et de nombreuses commentateurs ont parlé de sacrilège à propos de cette représentation peu-flatteuse du garçon-roi.
La cause de la mort
Une étude génétique déjà publiée avait montré que Toutankhamon était le fils d’Akhénaton et de sa propre sœur dont le nom n’est malheureusement pas parvenu jusqu’à nous. Un grand nombre de ses malformations seraient dues à cet inceste. Le reportage n’aborde pas la question, mais cet inceste pourrait être du à une épidémie qui aurait frappé l’Egypte durant le règne d’Akhénaton, lui coûtant notamment trois de ses filles et peut-être son épouse Nefertiti. Par souci de s’assurer une descendance, le Pharaon aurait eu son seul fils, Toutankhamon, avec l’une de ses sœurs. Ce fait semble exceptionnel dans l’histoire pharaonique, tant les cas d’inceste ne semblent pas nombreux outre cas de mariages entre demi-frères et demi-soeurs. C’est d’ailleurs à sa demi-soeur Ankhesenamon que s’était marié Toutankhamon, concevant avec elle deux filles mortes-nées avant de mourir à l’âge d’environ dix-neuf ans. Cette mort, selon le reportage, a pu être causée par une crise d’épilepsie, peut-être héritée, comme ses hanches quasi-féminines, de son père Akhénaton. Entraînant une chute, elle aurait causée une fracture mortelle pour Toutankhamon, déjà atteint d’une grave maladie des os.
Les conclusions de ce reportage, sans être décisives, nous montrent un autre visage des Egyptiens anciens, nous faisant passer d’un autre côté de la civilisation pharaonique : pas celui des colosses de granit ou des roi-guerriers invincibles, mais celle de rois infirmes et invalides, beaucoup moins glorieux. Un passage d’une histoire stylée et bling-bling à une histoire vers laquelle beaucoup de Noirs ne daignent aujourd’hui plus se tourner, celle qui montre comment leurs ancêtres vivaient véritablement, qu’elle les couvre de honte ou de fierté.