1960.William Bechtel, agent de la DST (Direction de la Surveillance du Territoire), assassine Felix-Roland Moumié à Genève. Il est l’une des grandes figures de la lutte pour l’
Felix Moumié : une des affaires d’État les plus glauques de la Françafrique
Félix-Roland Moumié, né le 1ᵉʳ novembre 1925 non loin de Foumban et mort à Genève le 3 novembre 1960, est un médecin et homme politique camerounais. Moumié est une des grandes figures de la lutte pour l’indépendance du Cameroun. Mounié, martyr de la révolution et du nationalisme, vivait à la traque françafricaine battait son plein à coups d’assassinats qui ont souvent pris un caractère génocidaire. Excellent moyen de caché les atrocités franco-suisses, direz-vous. L’un des leaders historiques de l’Union des Populations du Cameroun a été assassiné à Genève par un agent du nom du William Bechtel, ce que les milieux progressistes de l’époque avaient dénoncé dans l’indifférence générale. Aidé d’une complice, l’agent – pas très futé – administrera deux doses d’un poison très fort au militant camerounais lors d’un repas dans un prestigieux hôtel de Genève. Pas très futé ? Oui ! En effet ce dernier n’avait même pas pris la peine de masquer son acte en donnant un faux nom à la réception de l’établissement.
Le récit du témoin Aussaresses, général de l’armée française :
« William (…) est parti pour la Suisse où s’était réfugié confortablement l’opposant Félix Moumié dans un très bon hôtel de Genève. Mais les choses se passent rarement comme prévu. William s’était adjoint une fille. Les gens ont dit que c’était une fille de « la maison ». Mais c’est faux : il n’y a pas de jolies filles dans le service. Il a pris une jolie fille qu’il a trouvé quelque part, une blonde très visible (…) et tous deux se sont installés dans cet excellent hôtel. Ils ont guetté Moumié. Bechtel savait qu’il était assez cavaleur. Le soir, en passant devant le couple installé à une table de l’hôtel, Félix Moumié a bien sûr remarqué que la jeune femme lui avait souri. Aussitôt convaincu qu’il avait tapé dans l’oeil de la blonde, cet imbécile lui rend son sourire et s’arrête devant la table.
Bechtel s’exclame aussitôt : « Mais, Monsieur, je vous connais ! Nous nous sommes rencontrés au Congrès de la presse agricole, à Helsinki ». Moumié lui répond qu’il n’y était pas. « Ah bon ? Prenez tout de même un verre avec nous », insiste aimablement notre espion. Moumié accepte : « J’aime beaucoup les boissons françaises, spécialement le Pernod », dit-il. Bechtel appelle le serveur : « Garçon, trois Pernod ! ». Puis, regardant avec son air de vieil intello sympathique Félix Moumié, il ajoute : « Vous dînerez bien avec nous ? ». Moumié, visiblement ravi, s’assied. La jeune femme accapare son attention pendant que William verse la dose numéro un. Mais Moumié, trop occupé à parler, ne boit pas. Bechtel, finalement, lève son verre ; la jeune femme prend le sien. Il regarde l’opposant : « Tchin-tchin ». Bechtel et la fille boivent. Mais Moumié ne bronche toujours pas, son verre de Pernod reste sur la table. Le repas est servi. Les plats s’enchaînent, arrosés. Félix Moumié ne boit toujours pas.
Au moment du fromage, le Camerounais se lève pour aller aux toilettes. Comme vous pouvez vous en douter, Bechtel a versé la deuxième dose dans le verre de vin de son convive. De retour à table, Moumié se lance dans une interminable discussion. Le temps passe. Bechtel et la fille commencent à désespérer. Ils se disent que si ce fichu Camerounais ne boit pas, c’est raté, car ils n’ont pas d’autre dose. Soudain, Moumié s’interrompt et vide d’un trait, coup sur coup, et le verre de Pernod et le verre de vin. Double dose de poison. William et la fille se regardent, se demandent s’il ne va pas tomber raide mort devant eux. Le père T. avait bien dit : « Surtout pas de double dose ». Quand Moumié remonte à sa chambre, un peu chancelant, William envoie la fille à la réception pour commander un taxi, direction l’aéroport. Il s’agissait de prendre fissa le premier vol pour n’importe où.
Le lendemain, la femme de ménage frappe à la porte de Félix Moumié. Pas de réponse. Il est découvert très mal en point. Transporté à l’hôpital, il meurt quelques jours plus tard, je ne sais pas exactement combien. Toujours est-il que le docteur, venu constater le décès, refuse le permis d’inhumer et fait venir un médecin légiste, qui découvre très vite des traces de poison dans son sang. Un juge suisse ordonne une enquête de voisinage : on apprend que Moumié avait dîné avec Bechtel et la fille. Cet âne de William Bechtel s’était inscrit à l’hôtel sous son vrai nom. Vous parlez d’un agent ! »
Le souvenir et la commémoration des événements de notre passé doivent nous servir, non seulement à reconnaître leur existence, mais aussi à nous enseigner ce que nous devons éviter. Notre histoire est riche, elle nous donne des modèles et doit guider notre conduite.