L’Empire de Benin

Vers le 10ème siècle de notre ère, un État connu sous le nom de Royaume de Benin fut fondé par les Edo dans le sud-ouest du Nigeria actuel. Fameux pour ses plaques et portraits en bronze, il passera, entre la moitié du XVe siècle et le XVIe siècle, du statut d’un petit État à celui d’un empire, l’un des plus puissants et plus prestigieux de l’histoire de l’Afrique précoloniale. Selon la tradition, Bénin a été dirigé par deux dynasties. C’est de la deuxième d’entre elles, la dynastie traditionnellement présentée comme étant d’origine yoruba, celle des Oba, dont nous allons parler ici.

Par Sandro CAPO CHICHI

Plan de l’Empire de Bénin à son extension maximale (16ème – 17ème siècle) / © Sandro CAPO CHICHI pour nofi.fr
Plan de l’Empire de Bénin à son extension maximale (16ème – 17ème siècle) / © Sandro CAPO CHICHI pour nofi.fr

Les origines de la dynastie des Oba
La tradition

La dynastie des Oba de Benin aurait émergé vers le 13ème siècle. Peu avant, un chef local, Evian, aurait tenté de fonder une nouvelle dynastie. Cependant, les faiseurs de roi edos s’y opposèrent.
A la recherche d’une nouvelle dynastie légitime, ils se tournèrent vers Oduduwa. Celui-ci était l’Oni (souverain) de la ville sainte yoruba d’Ife (ou Ile-Ife), dans l’actuel Nigeria. Ils lui demandèrent de lui envoyer un de ses fils pour régner sur leur pays. Le choix se porta sur Oranmiyan qui s’installa en pays edo où il eût un fils appelé Eweka. Toutefois, Oranmiyan retourna à Ife pour y régner. Il aurait ensuite fondé un autre puissant état ; celui d’Oyo.

Lire aussi : L’empire d’Oyo

Schéma des déplacements du Prince Oranmiyan dans le cadre des fondations des villes d’Oyo et de Benin / © Sandro Capo Chichi pour nofi.fr
Schéma des déplacements du Prince Oranmiyan dans le cadre des fondations des villes d’Oyo et de Benin / © Sandro Capo Chichi pour nofi.fr

L’Histoire
Benin entretient de forts liens culturels et historiques avec la cité d’Ife et la culture yoruba. Cela ne fait pas de doute pour les spécialistes. A ce propos, on cite souvent la technique de la cire perdue utilisée dans les deux civilisations; le titre d’Oba, qui est un mot clairement emprunté au mot yoruba oba signifiant ‘roi’ ; le fait que le yoruba eût été la langue officielle à la cour edo au moins aux 17ème et 18ème siècles ; que les rois Edo se faisaient enterrer à Ife ; le commerce des perles et de la diffusion de la céramique par Ife à destination de Benin .
Toutefois, une autre hypothèse semble bien plus difficile à admettre. C’est celle de la fondation de Benin et d’Oyo par Oranmiyan qui serait entre temps retourné régner à Ife.

Monolithe du début du 2ème millénaire après notre ère à Ifé, Nigéria. D’après la tradition, il serait associé à Oranmiyan. On l’appelle Opa Oranyan ‘bâton d’Oranmiyan’ en yoruba.
Monolithe du début du 2ème millénaire après notre ère à Ifé, Nigéria. D’après la tradition, il serait associé à Oranmiyan. On l’appelle Opa Oranyan ‘bâton d’Oranmiyan’ en yoruba.

Monolithe du début du 2ème millénaire après notre ère à Ifé, Nigéria. D’après la tradition, il serait associé à Oranmiyan. On l’appelle Opa Oranyan ‘bâton d’Oranmiyan’ en yoruba.

D’abord parce que les deux cités ne semblent pas du tout avoir été influencées culturellement par Ife de la même manière ni à la même époque. Ensuite parce qu’Ife peut être considérée comme la ville religieuse sainte, non seulement du pays yoruba, mais aussi de tout le Golfe de Bénin jusqu’ au sud-est du Ghana . Et parce que le prestige et l’influence profonde de la culture yoruba y a été partout observé .

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Plateau de divination ifa de style yoruba retrouvé à Allada en pays ayizo, République du Bénin / © Musée d’Ulm

Même longtemps après son déclin, Ife a été considérée par Benin comme la capitale religieuse à laquelle elle devait faire allégeance. Or Oyo et Benin étaient des royautés divines, c’est à dire des états où le roi était l’incarnation d’une divinité. On peut donc facilement concevoir que Benin a eu besoin de tracer sa généalogie royale à Dieu et au lieu de la création du monde.

De telles situations ne sont d’ailleurs pas rares dans l’histoire du monde. On peut par exemple comparer Oduduwa, le premier homme envoyé sur terre par Dieu ou la divinité préférée de Dieu selon les traditions (et dont est issu Oranmiyan), avec Mahomet. Une ascendance à partir du prophète donne par exemple aux rois du Maroc et de Jordanie une légitimité pour régner .

La plupart des états yoruba sont présentés par la tradition comme ayant été fondés en une génération par des fils d’Oduduwa . Il s’agirait d’un curieux hasard que Benin et Oyo eurent été fondés par le même de ces fils, Oranmiyan. Que comme par hasard ces deux états eurent été à leur apogée et connu une certaine rivalité à la même période. Il semble plus probable que Bénin eut choisi de tracer sa généalogie à celle d’Oduduwa. Et qu’il l’eut fait à travers le plus prestigieux de ses fils à cette époque : Oranmiyan.

Le début de la dynastie (XIIIème-XVème siècle)
Le règne d’Oranmiyan aurait vu l’introduction du cheval en pays edo.

Statue en bronze représentant peut-être le Prince Oranmiyan (D’après Paula Ben Amos) / © The Trustees of the British Museum
Statue en bronze représentant peut-être le Prince Oranmiyan (D’après Paula Ben Amos) / © The Trustees of the British Museum

A cette période, la ville d’Edo aurait reçu de sa part le nom d’Ile Ibinu, signifiant en yoruba le ‘pays de l’ennui’. Après son départ, son fils Eweka aurait été trop jeune pour régner seul. Le jeune roi aurait eu mal à se défaire de l’influence de ses nombreux régents. Il y serait finalement parvenu et aurait eu un long et brillant règne. Eweka aurait été à l’origine de la plupart des réformes administratives relatives à la fonction de l’Oba.
Se succédèrent alors de père en fils Uwakuahen et Ehenmihen puis Ewedo. Ce dernier aurait été le premier grand roi depuis Eweka. Son règne aurait été caractérisé par une guerre civile face aux faiseurs de rois. L’objectif étant, pour le roi, de se défaire de leur pouvoir politique, trop important à ses yeux. C’est à partir de son règne que l’Oba serait devenu l’institution de loin la plus puissante du royaume. Les faiseurs de rois n’en disparurent pas pour autant. Ewedo aurait aussi introduit un certain nombre de tactiques militaires, de nouvelles législations et coutumes, de nouveaux cultes et de nouveaux marchés. Enfin il serait aussi à l’origine du changement du nom d’Ile Ibinu en Ubini. Ce dernier nom serait à l’origine du nom de Bini / Benin qui nous est connu aujourd’hui.

Son successeur Oguola serait davantage connu pour ses contributions artistiques et architecturales. Il aurait invité un artiste d’Ife à la cour de Benin qui y aurait introduit la technique de la fonte à la cire perdue .

Statuette de bronze du style ‘ife’ retrouvée à Benin City / © William Fagg
Statuette de bronze du style ‘ife’ retrouvée à Benin City / © William Fagg
Statues de type ife retrouvées à Ife, Nigéria / © William Fagg
Statues de type ife retrouvées à Ife, Nigéria / © William Fagg

Oguola aurait aussi fait ériger le second mur de Benin (Benin Iya) à des fins défensives face à la cité rivale d’Udo.
Un événement exceptionnel aurait eu lieu sous l’un des successeurs et fils d’Oguola, Ohen. Né paralysé, son infirmité aurait été cachée du public. Toutefois une tension régnait à cette époque entre les faiseurs de rois et la royauté. Ce conflit entraîna les premiers à en informer le public qui tua Ohen.
Ce type de pratique de meurtre d’un roi infirme est un phénomène courant dans les royautés divines africaines .
Ohen se vit succéder sur le trône par deux de ses fils Egbeka et Orobiru. Un autre de ses fils, Ogun, surmonta l’opposition de son frère Uwaifiokun et s’empara du trône sous le nom d’Ewuare.
L’apogée du royaume (15ème-16ème siècle)

Statue moderne représentant le roi Ewuare / © Ethnologisches Museum Dahlem
Statue moderne représentant le roi Ewuare / © Ethnologisches Museum Dahlem

Ewuare est le premier souverain dont le règne peut être daté avec exactitude. Il régna entre le milieu et le dernier quart du XVème siècle. Son surnom , « le grand », est une référence à ses nombreux accomplissements : architecturaux, avec une ré-urbanisation totale de la ville de Benin ; territoriaux, avec la conquête de nombreux peuples comme les Yoruba d’Owo et d’Akure, Ijesha, Ondo et Lagos, les Igbo et les Ijaw à l’est. Ces populations sont dès lors contraintes à payer un tribut au roi. La conquête d’Owo et d’Akure permet l’accès à d’importantes routes commerciales avec les Nupe et d’autres Yorubas à l’Ouest et au nord.

Carte schématisant les conquêtes de Benin sous Ewuare / © Sandro Capo Chichi pour nofi.fr
Carte schématisant les conquêtes de Benin sous Ewuare / © Sandro Capo Chichi pour nofi.fr

Ce serait aussi le début de l’influence de l’art de Benin sur celui des Yoroubas d’Owo.

Statues de cuivre de type edo retrouvées dans la collection de l’Ojomo d’Owo / © Robin Poynor
Statues de cuivre de type edo retrouvées dans la collection de l’Ojomo d’Owo / © Robin Poynor

Statues de cuivre de type edo retrouvées dans la collection de l’Ojomo d’Owo / © Robin Poynor
Ewuare aurait aussi introduit un certain nombre de nouvelles institutions politiques dont celle de ‘prince héritier’. La succession devait nécessairement se faire de père en fils. En espérant hériter du trône, ses deux fils ainés s’empoisonnèrent mutuellement. Désespéré par la nouvelle, Ewuare aurait décrété une période de deuil de trois ans dont les conditions difficiles auraient forcé une grande partie de la population à émigrer du pays. C’est peut-être sous son règne qu’a eu lieu le premier contact avec les Portugais en 1472. C’est selon la tradition, Ewuare qui aurait donné à Bini le nom d’Edo en hommage à un esclave du même nom. Ce dernier l’aurait sauvé de ses rivaux lors de son accession au trône.

Salière edo représentant des Portugais (15ème-16ème siècle) / © The Metropolitan Museum of Art
Salière edo représentant des Portugais (15ème-16ème siècle) / © The Metropolitan Museum of Art

Ewuare fut succédé par son fils Ezoti. Ce dernier meurt assassiné.

Le prochain grand Oba est Ozolua, un fils d’Ezoti.

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Plaque représentant le roi Ozolua avec des sujets (16ème-17ème siècle) / © Museum für Völkerkunde Wien

Ozolua assassine peut-être deux potentiels héritiers au trône, Owere et la princesse Edeloyo. Surnommé ‘le conquérant‘, il voit les relations avec les Portugais et les guerres de conquête et de répression et de rebellion s’intensifier. Les victimes en sont notamment les territoires d’Ishan et ceux, yorubas, d’Owo et d’Ijebu.

Carte schématisant les conquêtes de Benin sous Ozolua / © Sandro CAPO CHICHI pour nofi.fr
Carte schématisant les conquêtes de Benin sous Ozolua / © Sandro CAPO CHICHI pour nofi.fr

Ozolua meurt assassiné dans un complot mené par un de ses généraux (ou servants) dont le roi aurait pris la femme.
Le successeur d’Ozolua sur le trône de Benin est son fils Esigie. Le début de son règne est marqué par un conflit avec son frère Aruanran, à la tête de la cité d’Udo. Esigie en sortit victorieux et Udo se soumit à Benin.
Le début du règne d’Esigie est aussi marqué par un conflit majeur. Il oppose Benin et ses voisins Idoma et Igala. La tradition rapporte que la cause du conflit est une nouvelle fois une affaire de femmes. L’un des faiseurs de roi, l’Oliha Odiase fut jaloux d’avoir été trompé par sa femme avec un servant d’Esigie. Esigie fut révélé comme étant à l’origine du stratagème . Odiase se vengea en soulevant le roi igala d’Idah contre Benin sous un faux prétexte.

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Plaque représentant Esigie lors de la guerre contre Idah (16ème – 17ème siècle) / © Museum für Kunst und Gewerbe Hamburg
Plan de l’agression des Igala et Idoma contre Benin sous Esigie / © Sandro CAPO CHICHI pour nofi.fr
Plan de l’agression des Igala et Idoma contre Benin sous Esigie / © Sandro CAPO CHICHI pour nofi.fr

 

Esigie ne doit son salut qu’à ses alliés portugais et notamment les canons. Ces armes étaient en effet inconnues des populations locales.

Canon portugais du 16ème siècle retrouvé à Benin City / © Trustees of the British Museum
Canon portugais du 16ème siècle retrouvé à Benin City / © Trustees of the British Museum

La mère d’Esigie, Idia, aurait joué un rôle important dans la victoire de son fils. Pour l’en récompenser, le roi créa le titre d’Iyoba ‘reine mère’ et le lui attribua.

 

Tête commémorative de la Reine Idia 16ème siècle / © Trustees of the British Museum
Tête commémorative de la Reine Idia 16ème siècle / © Trustees of the British Museum

Esigie est succédé sur le trône par son fils Orhogbua vers la moitié du XVIème siècle. Esigie est élevé par des missionaires portugais. Il en apprend aussi la langue. L’accomplissement majeur de son règne sera la conquête de la ville yoruba de Lagos. Cette ville servira à la fois de camp de guerre et de point d’ancrage dans le commerce avec des peuples de l’actuelle République du Bénin. La dynastie de Lagos est aujourd’hui encore reconnue par la tradition comme d’origine edo.

Entre 1570 et 1580, à la mort de son père, Ehengbuda accède au trône. Son règne se distingue par une victoire militaire sur l’empire yoruba d’Oyo. Ce succès allait définir la frontière entre les deux royaumes. Il fut le dernier roi guerrier de Benin. A sa mort, Benin entre dans une phase de déclin en même temps que dans le XVIIème siècle.

Le déclin (XVIIème siècle)
Le dix-septième est une période obscure de l’histoire de Benin. Peu d’événements de cette époque sont connus et peu d’œuvres d’art sont rattachées à cette période. L’événement politique majeur de cette période semble avoir été la sécession de la région d’Itsekiri peu avant convertie au catholicisme par les missionnaires portugais.

Carte représentant la sécession du pays itsekiri de l’Empire de Benin au XVIIème siècle / © Sandro CAPO CHICHI pour nofi.fr
Carte représentant la sécession du pays itsekiri de l’Empire de Benin au XVIIème siècle / © Sandro CAPO CHICHI pour nofi.fr

Cette période est marquée par des conflits répétés entre les Obas, les chefs et la population.

Le souverain le plus célèbre du début du siècle suivant est Akenzua. Il fut peut-être l’un des rois les plus riches de l’histoire de Benin. Akenzua est également connu pour avoir signé le premier traité commercial entre Benin et une puissance européenne. Il est signé avec les Néerlandais, le 26 août 1715. Ce traité offre à ces derniers la possibilité –mais pas le monopole- de la traite des tissus. Le bon déroulement de la traite est perturbé par les conflits entre marchands portugais et néerlandais, puis par les agressions de pirates Ijaw et les Itsekiri. La fin du commerce entre Bénin et les pays eut lieu en 1736 . L’élément déclencheur fut le meurtre du représentant de la principale société de marchands néerlandais dans la région.

L’année suivante, son fils Eresoyen lui succède sur le trône. Son règne est marqué par une grande prospérité économique et artistique. Ont aussi lieu de nombreuses réformes religieuses. L’une fut l’établissement du culte du dieu suprême Osa à tous les Edo. Deux campagnes militaires auraient eu lieu sous son règne : contre les Igbo d’Agbor et d’Aboh.

•Trône sculpté pour le roi Eresoyen / © Ethnologisches Museum der Staatlichen Museen zu Berlin - Preußischer Kulturbesitz
• Trône sculpté pour le roi Eresoyen / © Ethnologisches Museum der Staatlichen Museen zu Berlin – Preußischer Kulturbesitz

Vers 1750, Akengbuda devient Oba à la mort de son père Eresoyen. Il règne jusqu’à la fin du 17ème siècle. Il fut probablement l’Oba au règne le plus long. Il se voit succéder son fils Obanosa. Ce dernier est tué lors d’une insurrection en 1815. Il lui est reproché le massacre d’un grand nombre de civils innocents.

A sa mort, sa succession est disputée par ses deux fils Erediauwa et Ogbebo. Une guerre civile particulièrement coûteuse en vies et en infrastructures a alors lieu. Erediauwa en sort victorieux. Il prend ensuite le pouvoir sous le nom d’Osomwede.

L’événement majeur de son règne est une campagne militaire entreprise contre Akure et d’autres cités rebelles ekiti-yoruba vers 1818. Vers 1840, la ville de Lagos devient officiellement indépendante de Benin. Elle l’était en déjà officieusement depuis plusieurs décennies.

C’est Adolo qui succède à son père Osemwede en 1851. Comme beaucoup des Obas du XIXème siècle, il doit, affronter un de ses frères. Il s’agit en l’occurrence d’Ogbewekon, également prétendant au trône. Deux et trois ans après son accession au pouvoir Adolo doit mater deux révoltes d’Ogbewekon lancées depuis la ville d’Ishan. Durant son règne, Adolo se distingue principalement sur un point de vue économique. On y assiste notamment à la création de la ville marché d’Ekiadolor au Nord-Ouest de Benin City.

En 1888, c’est le fils ainé d’Adolo, Ovonramwen qui lui succède. Comme beaucoup des souverains de cette époque, Ovonramwen doit composer avec les ambitions d’un de ses frères, en l’occurrence Orokoro. Il s’en suit une guerre entre les deux frères. Ovonramwen en sort vainqueur. Un autre incident trouble le début du règne d’Ovonramwen. Il s’agit de cas de suspicions de trahisons de la part de chefs envers le roi. Ovonramwen les fait exécuter. Rapidement, cet Oba entre en conflit avec les commerçants britanniques. Ceux-ci sont mécontents d’être autant taxés.

En 1897, un Britannique du nom de James R. Phillips, récemment nommé consul général de la côte du Niger, lance une expédition vers Benin. Son but est de renverser l’Oba et le remplacer par des chefs plus conciliants. Phillips et son équipe sont assassinés sur l’ordre du général Ologboshere. Ovonramwen en est jugé responsable par les Britanniques. Ces derniers réagissent rapidement et lancent une expédition punitive contre Benin. Cette expédition sonne la dispersion d’œuvres d’art edo dans le monde entier.
Ovonramwen fut exilé à Calabar. L’Ologboshere continue à résister avant d’être capturé en 1899 pour son rôle dans le meurtre de Phillips et de son équipe. Ovonramwen ne reviendra toutefois jamais dans son pays. Il mourra en 1914 à Calabar. C’est la fin du royaume de Benin dont le territoire allait se fondre dans celui de l’Empire britannique.

Plaque moderne représentant Ovonramwen et des membres de sa suite en exil
Plaque moderne représentant Ovonramwen et des membres de sa suite en exil

Les populations de l’Empire de Bénin

On peut penser qu’à l’origine de la seconde dynastie, la population du royaume était essentiellement de souche edo. Aucune expansion en dehors du pays edo n’est en effet mentionnée à cette époque. Se pose ensuite le problème de la fondation de la seconde
dynastie. Comme on l’a vu plus haut, la mention de son origine yoruba est certainement un fait postérieur à la véritable création de la dynastie. La situation devient différente lors de l’expansion territoriale de Bénin à partir du 15ème siècle. A la souche edo s’ ajoute un nombre important de populations étrangères. Les Etsako, les Ishan ethniquement et linguistiquement proches des Edo ; les Ijo, les Yoroubas, les Itsekiri ou les Igbo. Le plus célèbre de ces habitants non-edo de l’Empire de Benin est sans conteste Olaudah Equiano (1745-1797), un Igbo déporté aux Amériques puis affranchi.

Portrait d’Olaudah Equiano
Portrait d’Olaudah Equiano

Contrairement à l’art d’Ife, l’art de Bénin n’était vraisemblablement pas un art réaliste.

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Comparaison entre portraits de l’art yoruba d’ Ife et de Nigérian moderne : elle montre la vocation réaliste de cet art/ © Frank Willett
Comparaisons entre portraits de l’art yoruba d’ Ife et des Nigérians modernes : elles montrent la vocation réaliste de cet art/ © Frank Willett
Comparaison entre portraits de l’art yoruba d’ Ife et de Nigérian moderne : elle montre la vocation réaliste de cet art/ © Frank Willett
Portrait de la reine égyptienne Nefertiti selon l’art égyptien traditionnel et l’art amarnien ; comme à Benin, l’art égyptien ne peut nous donner une idée précise de l’apparence des personnages représentés.
Portrait de la reine égyptienne Nefertiti selon l’art égyptien traditionnel et l’art amarnien ; comme à Benin, l’art égyptien ne peut nous donner une idée précise de l’apparence des personnages représentés.

Il ne semble donc pas que l’art edo ne nous permette de tirer un portrait réaliste de la population comme c’est le cas pour l’art de la période d’Amarna (règne d’Akhénaton) en Egypte.

Culture et Société de l’Empire de Bénin

Relations hommes-femmes

Statuette edo représentant Esu / © Paula Ben Amos
Statue edo représentant une femme, 17ème-18ème siècle / © Ethnologisches Museum –Staatliche Museum zu Berlin

Il existe certains personnages féminins importants dans l’Histoire de la dynastie des Oba de Benin. C’est le cas de la reine-mère Idia ou la princesse héritière Edeleyo, qui faillit monter sur le trône après la mort de Ewuare. Mais pourtant il ne semble pas qu’elles aient eu un rôle primordial dans l’exercice du pouvoir du royaume. Le roi Adolo fut par exemple très amusé et difficile à convaincre par des visiteurs britanniques que leur reine était une femme. Chaque femme du royaume pouvait être choisie par le roi pour devenir une de ses épouses. Les femmes avaient en revanche un rôle dans le commerce et la plupart des vendeurs sur le marché étaient des femmes. La plus célèbre d’entre elles fut Emotan, contemporaine d’Ewuare. Elle l’aida à parvenir au trône et fut divinisée. Dans le cas de l’adultère, seules les femmes sont punies. Les femmes sont toutefois représentées parmi le clergé d’Olokun, déité associée au monde aquatique, à la royauté et à la richesse.

L’activité de la poterie leur était réservée. Enfin, l’avis des personnes âgées, quel que soit leur sexe était considéré comme bénéfique au reste de la population et aux Obas.

Le chef politique, économique, militaire et religieux de l’Empire est l’Oba. Il l’est en tous cas, pendant la majorité de l’histoire de la seconde dynastie. Il est aussi un être divin. Avant Ewedo (13ème-14ème siècle) qui met fin à cette tendance, le pouvoir de l’Oba est entravé par celui des faiseurs de roi. Quelques siècles plus tard, le pouvoir militaire passe peu à peu dans les mains des chefs. L’Oba devint peu à peu une figure sacrée plus qu’un souverain effectif.

Comme chez beaucoup d’autres peuples du Golfe de Bénin, le panthéon de l’empire de Benin est constitué d’un fond indigène et d’emprunts yorubas récents. Dans la première catégorie, on trouve Osa, la divinité suprême, Olokun, associé à la mer et à la prospérité, Otoe, à la fertilité et à la terre, Obienmwen ; dans la seconde Sango, divinité associée aux phénomènes athmosphériques, Orunmila associé au célèbre système de divination yoruba Ifa, ou encore Esu, le fripon.

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Statuette edo représentant Esu / © Paula Ben Amos

Toutefois, à Benin, les cultes les plus importants n’étaient pas ceux des déités précitées, mais ceux des ancêtres personnels.

Art et architecture

La figure la plus significative de l’architecture de l’Empire de Benin est le Benin Iya. Il s’agit d’un système de murs et de douves encadrant la ville de Benin City. Leur fonction est soit défensive ou démarcative. Le Benin Iya serait la plus longue construction faite par des hommes (avant l’avènement des machines) devant la Grande Muraille de Chine.

D’après les témoignages de voyageurs européens notamment rapportés par le Néerlandais Olfert Dapper, l’architecture civile de Benin est en tous points remarquable. Elle rivalise avec celle des grandes villes européennes.

Economie

Plaque edo représentant des commerçants, 16ème -17ème siècle / © Trustees of the British Museum
Plaque edo représentant des commerçants, 16ème -17ème siècle / © Trustees of the British Museum

Le pouvoir de Benin bénéficie d’abord du tribut des populations vassales du royaume. L’expansion territoriale de Benin sous Ewuare permet également d’ouvrir Benin au commerce avec ses voisins de l’Ouest et du Nord.

La monnaie est d’abord constituée de bracelets de laiton. Elle est ensuite remplacée par des cauris au début du 16ème siècle.

 Plaque edo représentant des Portugais avec des bracelets de laiton, la monnaie de l’époque, 15ème siècle – 19ème siècle / © The Metropolitan Museum of Art

Plaque edo représentant des Portugais avec des bracelets de laiton, la monnaie de l’époque, 15ème siècle – 19ème siècle / © The Metropolitan Museum of Art

Les Portugais arrivent sur la côte au 15ème siècle. Dès ce moment, ils demandent aux Edo de les fournir en esclaves. A l’origine, les Edo ne vendent que des femmes capturées à d’autres populations. Mais à partir du 17ème siècle, des hommes, même edos le sont aussi. Dans la deuxième moitié du 18ème siècle, les esclaves deviennent le principal objet du commerce entre Européens et Edos. A cette époque, on rapporte que les esclaves de Benin sont les préférés des planteurs des Antilles.

Le commerce n’est toutefois pas limité aux esclaves. Le commerce de l’ivoire, du poivre, des tissus ont une part importante dans les activités commerciales. Il est toutefois important de noter que contrairement à des états comme le Dahomey , le commerce des esclaves n’eût aucun impact sur la création ou l’émergence du royaume de Benin.

Art
L’art de Benin est réputé pour son travail du bronze, du laiton, de la terre cuite, du bois et de l’ivoire. Y sont représentées sous la forme de statuettes ou de têtes, des rois, ennemis, reines-mères, etc. Les plaques de bronze ou de laiton rapportent des événements relatifs à l’histoire des différents Obas ou des rituels de cour. La qualité et la finesse des œuvres d’art ont été qualifiées d’uniques dans l’Histoire de l’Afrique. On les a notamment comparées par leur qualité, aux œuvres contemporaines d’artistes européens comme ceux de Benvenuto Cellini.

La finesse et la précision des œuvres du royaume de Benin nous permet de restituer des pans de cette merveilleuse civilisation.

Pendentif en ivoire d’une reine-mère edo, 16ème siècle : un chef d’oeuvre de l’art edo / © Trustees of the British Museum
Pendentif en ivoire d’une reine-mère edo, 16ème siècle : un chef d’oeuvre de l’art edo / © Trustees of the British Museum

Références

  • J. Egharevba (1960), A short History of Benin, Ibadan : Nig. : Ibadan university press, 101 p.
  • R. C. C. Law (1973), ‘The Heritage of Oduduwa: Traditional History and Political Propaganda among the Yoruba’, The Journal of African History , Vol. 14, No. 2, pp. 207-222
  • Akinwumi Ogundiran, (2004), Chronology, Material Culture, and Pathways to the Cultural History of Yoruba-Edo Region, Nigeria, 500 B.C.—A.D. 1800.” , in Toyin Falola & Christian Jennings (éds.), Sources and Methods in African History, spoken, written, unearthed, Rochester, NY : University of Rochester Press, pp. 33-79
  • Peter M. Roese, Dmitri M. Bondarenko (2003), A popular history of Benin : the rise and fall of a mighty forest kingdom, Frankfurt am Main New York : P. Lang, 391 p.
  • John K. Thornton (1988), ‘Traditions, Documents, and the Ife-Benin Relationship’, History in Africa , Vol. 15, pp. 351-362

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