La question autour du couple mixte divise. Décrié par ceux qui pensent que les noirs doivent s’unir même dans le couple à l’opposé de ceux pour qui le mélange des cultures et le métissage représente l’avenir. Et si c’était les principaux intéressés qui répondaient ?
La réelle définition de la mixité d’un couple n’est pas clairement définie. Dans l’inconscient collectif, il s’agit d’un couple avec deux individus de couleurs différentes, alors qu’en réalité on peut parler de mixité à partir du moment où les deux partenaires ont des origines différentes. Récemment, l’acteur Tyler James Williams défendait corps et âmes la mixité en la désignant comme un remède au racisme:
« J’ai toujours dit que ça mettrait fin au racisme. Le sexe. J’ai l’impression que les jeunes virent à la couleur kaki et vous ne pouvez plus dire de quelles origines sont les gens. »
Avant de conseiller :
« Quoique vous aimiez, aimez-le! Ne vous dites pas que vous devez être de tel ou tel côté, quoique vous préfériez, tant que ça ne fait de mal à personne et que vous êtes deux adultes consentants, faites ce que vous avez à faire. »
On peut trouver des articles ou des chroniques sur le net relatant le discours de personnes expliquant les raisons pour lesquelles ils ne sortent pas avec des individus de la même couleur de peau qu’eux. L’article « Pourquoi je ne sors qu’avec des blanches » a mis le feu sur la toile. Un jeune homme noir y témoigne de façon anonyme de son expérience amoureuse. Il explique les raisons pour lesquelles il ne sort pas avec des femmes noires :
« Je suppose que je suis ce que vous appelez un vendu. Il y a à peine trois ans, je faisais aussi partie des gens qui appelaient ceux qui ne sortent qu’avec des blanches des vendus. En fait, j’en ai eu marre des femmes noires et de leur comportement. Et quand les noirs qui sortent avec des blanches disent qu’ils évitent ainsi les prises de têtes, je comprends totalement. »
Cet homme expliquait son désamour des femmes noires par un comportement qui, d’après lui, leur serait propre :
« Des femmes qui ne peuvent pas être en désaccord sans faire de bruit, des ‘’mais pour qui elle se prend’’ ou ‘’je vais la défoncer’’. Je suis fatigué de la mentalité des femmes noires. J’en ai marre que le moindre petit truc se finisse toujours en grosse dispute. J’en ai marre d’emmener une « sista » au restaurant et si la bouffe n’est pas préparée correctement, la voir s’embrouiller avec le serveur. »
(Source : http://www.sochoklate.com/?p=1093)
D’après le témoignage de cet homme il y aurait une prédisposition des femmes noires à avoir un caractère colérique. Les femmes noires seraient donc, plus difficiles et moins conciliantes. Existe-t-il, comme semble le croire cet homme, un caractère spécifique à la couleur de peau d’un individu ? Un gène de la femme noire ? On se souvient du discours d’Halle Berry qui se confiait à propos de ses relations sentimentales en 2009 :
« J’ai essayé les hommes noirs, j’ai essayé. Je me suis mariée avec deux hommes noirs (David Justice et Eric Benet). Vous savez que j’ai essayé. Je suis même sortie avec des hommes noirs après mon premier divorce, mais c’est auprès de Gabriel (Aubry) que j’ai trouvé l’amour. »
Ce discours semble rejoindre celui du premier homme. L’actrice avoue avoir essayé les hommes noirs et ne pas s’y complaire. Comme si se remettre avec un homme noir reviendrait à recommencer ses erreurs du passé, sans envisager que l’individu à un caractère propre à sa personne et non à sa couleur de peau. Théorie approuvée par un nombre incalculable de personne, noires comme blanches. Est-on réellement fait pour une seule ethnie ? Peut-on réellement dire « Je n’aime pas sortir avec les noirs/blancs/asiatiques » (sans parler d’attirance physique) comme on dirait « je n’aime pas sortir avec les personnes bavardes/timides/possessives ?
Pour la chanteuse Jill Scott, la question ne se trouve pas dans le caractère qui serait propre à l’origine mais plutôt dans un passé commun. Connue pour son avis tranché sur la question, la chanteuse déclarait lors de son interview pour le magazine Essence en 2010 :
« Vous savez le moment où vous réalisez que ce frère noir, beau et accompli, est avec une femme blanche ? Appelons ça le choc ! Mon nouvel ami est beau, afro-américain, intelligent et en bonne santé. C’est un athlète, il aime sa mère, et est heureux en mariage avec une femme blanche. J’avoue que quand j’ai vu son alliance, j’ai secrètement espéré. Mais quelque chose en moi savait qu’il n’était pas marié à une sista »
(Source : http://www.essence.com/2010/03/26/commentary-jill-scott-talks-interracial/).
La chanteuse expliquait sa prise de position d’un point de vue historique :
« Mon point de vue est que pour beaucoup de femmes de couleur, ce « pincement au cœur » est dû à l’histoire des africains en Amérique. Quand notre peuple est tombé en esclavage, l’Amérique a mis sa femme blanche sur un piédestal. Elle était gâtée, vénérée et angélique alors que la femme noire esclave était surmenée, battue, violée et traitée comme du bétail. Elle n’était rien et l’homme noir non plus. […] Nous les sistas étions vues comme moches, avec nos cheveux crépus, uniquement bonnes pour les travaux manuels et les enfants illégitimes, tandis que nos hommes étaient vus comme fauchés, des animaux assoiffés de sexe avec un pois chiche à la place du cerveau. A l’époque, si un homme noir posait ne fusse que les yeux sur une femme blanche, il était lynché, battu, mis en prison et même tué. Au milieu de tout ça, les femmes noires et les hommes noirs ont souffert ensemble, ont pleuré ensemble, étaient affamés ensemble […] Ces vérités dures sont ce que nous ressentons quand nous voyons un frère avec une femme blanche. On se sent trahi. Alors que nous nous battons pour élever nos garçons et nos filles, la plupart d’entre nous le faisons seules, sans pères, avec des moyens financiers limitées. C’est frustrant et ça fait mal. »
Au vue de tous ces articles, nous nous sommes posé de nombreuses questions. La communauté Noire & fière étant nombreuse, nous avons voulu recueillir les avis des internautes sur la question. Nous avons donc réuni de nombreux témoignages de personnes vivant ou aillant vécu l’expérience du couple mixte. Les ressentis sur la question sont mitigés. Le couple mixte peut rencontrer de nombreuses difficultés et d’entraves à son bonheur conjugal. Des difficultés qui poussent parfois à la rupture. C’est ce que nous explique Dimitri :
« C’est une histoire qui date d’il y a deux ans. Je suis martiniquais et donc noir. J’ai rencontré cette portugaise par le biais de ma cousine qui était dans sa classe. Je ne suis actuellement plus en couple avec cette fille mais j’ai rencontré des difficultés, à l’époque, par rapport à son père raciste. Quand elle me l’a avoué, je lui ai dit que c’est avec elle que je sors, non pas avec son père et qu’il n’était pas obligé de le savoir. Au final, nous sommes restés ensemble six mois. J’ai décidé d’y mettre fin car c’était assez pesant de se cacher et de mentir en permanence à ses parents. Sur la fin elle était prête à affronter son père pour moi mais j’ai refusé. Les sentiments n’étaient plus là, je ne voulais pas qu’elle soit en froid avec sa famille à cause de moi et je savais très bien que je ne finirais pas ma vie avec elle. »
Brice, 22 ans, nous a compté sa vie d’homme blanc en couple avec une femme noire en nous décrivant son expérience avec sa compagne d’origine camerounaise :
Le couple mixte s’en fout et veut seulement vivre sa vie… Si on a peur des regards extérieurs, il faut prendre sur soi, et assumer pleinement. […] Pour nous ça a marché. Parce que je souhaitais vraiment une conjointe africaine, et elle n’est pas ma première. Je suis maintenant habitué depuis longtemps aux traditions et choses de l’Afrique. […]
Il ajoutait à propos des familles respectives :
Tout ça a fortement surpris sa famille mais ils m’adorent. De même que j’adore ma belle famille. Elle comprend la difficulté en occident, que l’argent ne pousse pas par terre, que la vie même pour nous les blancs devient difficile. J’ai eu une part de chance car ça dépend des familles cette compréhension. Revers pour ma part: de grosses difficultés avec ma propre famille (« elle va bouffer ton argent, elle veut les papiers, hein »…. Ma mère ne me parle plus depuis) […]
Conscient de l’enjeu et des épreuves traversées, il constatait :
Mais ce n’est pas donné à tout le monde. Face à la culture africaine, coutumes, cuisine, et certaines autres choses, qui vont se confronter à la culture occidentale. Chacun avec ses habitudes. Le temps finit par montrer à certains couples qu’en réalité, ils ne sont pas faits pour la mixité. On en voit assez d’exemples comme ça. Toutes les différences peuvent rapidement mettre à rude épreuve le couple et même l’amour ne pourrait suffire à le sauver. Dans tous les cas, il ne faut pas que l’un ou l’autre ait à faire (trop) de sacrifices. Un couple c’est 50/50. Difficilement applicable en réalité, il faut s’en approcher le plus possible. Ma fiancée et moi sommes chanceux car nous avons les mêmes projets pour l’avenir, tel que repartir vivre au Cameroun quand nous aurons la possibilité, ou pour la retraite.
Souvent, la pression se ressent dans les regards extérieurs. Les remarques déplacées des passants ou parfois de sa propre famille peuvent mettre un couple à rude épreuve. C’est ce que nous explique Nadia :
« Je suis d’origine algérienne, étant en couple avec un noir, vous pouvez vous douter des clichés de la « beurette à khel » […] Mon ex est d’origine sénégalaise et moi algérienne, les problèmes qu’on a rencontré lors de sorties au cinéma, resto, bars ou simplement en prenant le métro provenaient d’hommes essentiellement et des femmes d’origine maghrébine. […]Côté famille chez moi comme vous le savez et je m’en cache pas une majorité de maghrébins sont négrophobes. C’est vraiment une maladie, c’est pathétique. Mon couple n’a jamais été accepté chez moi, malgré le fait qu’il soit musulman comme ma famille, alors qu’au sein de sa famille j’ai toujours bien été accueillie et les relations étaient vraiment positives, rien à dire.
Le constat et presque le même pour Sylvie, victime du racisme, des remarques déplacées et de l’agressivité de son entourage face au couple mixte qu’elle formait avec son ex compagnon :
« Je suis divorcée depuis quelques années. Je suis congolaise de Brazzaville, mon mariage avec un blanc a été un cauchemar. Dans le village ou nous habitions, des gens trouvaient toujours à dire sur notre couple. C’était un milieu agriculteurs à l’époque très raciste. [ …] Il s’agissait de remarques, du genre : « tu n’a pas trouvé quelqu’un de chez toi? »Parfois, on demandait à mon époux si je parlais français. Comme c’était un petit village de Normandie, souvent il était invité et moi pas. Les gens s’adressaient à lui, alors que j’étais à côté. Ils demandaient ma nationalité, alors que j’étais française.
Avant d’avouer que ces difficultés ont eu raison de son couple :
Avant que nous nous mariions, certains lui disaient : « elle va te prendre tout ton argent », alors que je gagnais plus que lui, je suis fonctionnaire territorial. N’en pouvant plus, je suis partie. Il y a eu une grande bataille pour la maison, avec le village derrière lui, une bataille que j’ai perdue d’ailleurs car le notaire était de son côté.
Le témoignage d’Hélène nous prouve que la difficulté à conjuguer les deux cultures peut même se ressentir dans un couple de deux noirs :
« Je suis haïtienne avec une culture française, car j’ai été adoptée dès l’âge de huit ans et lui il est guinéen. Ça va faire bientôt trois ans de vie commune et deux ans et demie de mariage. Ce n est pas toujours facile, on a rencontré pas mal de soucis en rapport avec la différence de culture. J’ai du faire beaucoup de compromis et lui certains mais pas assez à mon goût. Heureusement ça tient toujours mais à l’heure actuelle c est un combat de tous les jours. »
Pour Hélène, la principale difficulté s’est faite sentir à travers la différence de religion :
« Le principal souci a été la religion. Je suis athée et lui est musulman pratiquant. Pendant longtemps, il voulait que je prie. Je ne peux pas me forcer si je n’y crois pas. J’ai arrêté de manger du porc et de boire de l’alcool et j’ai accepté aussi que nos enfants soient croyants si on en a. En revanche je ne souhaite pas que nos enfants aient en premier prénom africain musulman car je ne souhaite pas qu’ils soient stigmatisés, mais mon compagnon refuse. »
Il est vrai que tout un chacun est libre de choisir la personne avec qui il veut faire sa vie. Les goûts et les couleurs ne se discutent pas. Malgré la liberté de choix et de décision que l’homme a acquise avec le temps, les préjugés et le racisme autour de la mixité perdurent. Ces témoignages nous ont permis de mieux comprendre le genre d’épreuves que peuvent rencontrer les couples mixtes. Au delà du racisme, le choc des cultures peut parfois se faire ressentir. Différence de religion, d’alimentation, de manière d’appréhender l’éducation des enfants peuvent, ou pas, être des freins à l’épanouissement d’un couple. Mais comme pour n’importe quel couple, la clé du succès se trouve dans les compromis, la patience et la compréhension de l’autre.
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