Thembu-Xhosa, la culture de Nelson Mandela

Le monde noir francophone connaît Nelson Mandela, le militant anti-apartheid, premier président noir d’Afrique du Sud, Prix Nobel de la paix 1993. Il connaît moins la culture xhosa-thembu qui l’a vu naître et grandir.

Par Sandro CAPO CHICHI/ nofi.fr

Les Xhosas et les Thembus

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Nelson Mandela est issu de l’ethnie thembu. Pour Mandela lui-même, les Thembus appartiennent au peuple xhosa. Mais certains Thembus se disent distincts des Xhosas1.

Les Xhosas sont un peuple apparenté aux Swazis et aux Zoulous, dans le cadre d’un plus grand ensemble appelé Ngunis.
Les Xhosas appartiennent à la famille de locuteurs des langues dites « bantoues ».
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La société xhosa

Les Xhosas sont un peuple patrilinéaire où chaque individu appartient à un lignage, un groupe de personnes se réclamant d’un même ancêtre. Chaque lignage appartient à un clan, un groupe de lignages dont l’histoire commune a été oubliée mais qui pensent être issu d’un ancêtre commun et qui partagent un nom de clan.

Les Xhosas ont un attachement « quasi mystique », selon Mandela, au bétail, dont l’enclos occupe la place centrale des concessions. Il leur fournit la nourriture et le lait, ainsi que la matière du sacrifice aux ancêtres.

L’ordre d’importance traditionnel dans la société favorise les anciens par rapport aux jeunes et les hommes par rapport aux femmes2.

Les origines génétiques

Mandela a fait l’objet, en 2004, d’une étude de son patrimoine génétique. Il a été testé comme descendant, du côté paternel, d’une lignée d’ancêtres communs aux populations bantoues d’Afrique centrale et australe.

Du côté de sa mère, il descend d’une lignée d’ancêtres commune aux populations indigènes de l’Afrique du Sud, les Sans.

Ce mêlange, commun à de nombreux Sud-Africains, se retrouve peut-être dans les traits physiques des parents de Mandela. Il avait en effet décrit son père comme étant un grand homme de teint sombre, caractéristiques plus communes à ses ancêtres bantous ; et il a probablement hérité de sa mère son teint clair et ses traits qui le font ressembler à de nombreux Sans.

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Ce mêlange se retrouve également dans sa langue, le xhosa, qui a vraisemblablement emprunté de nombreux clicks aux langues khoisan, ces sons qui contribuent à rendre la langue xhosa, comme le dit Mandela, harmonieuse. On retrouve un de ces sons à l’initiale du nom de la ville où Mandela a passé son enfance, Qunu.

Références :

http://www.southafrica.info/mandela/origins-centre-150306.htm#.Uu89RdLoxyw

http://www.youtube.com/watch?v=Qg4Fp-A7IRw

 

L’éducation traditionnelle

Hors de l’école, l’éducation traditionnelle du jeune Xhosa se fait par une observation de la société et de la vie dans la nature. Comme dans beaucoup d’autres cultures africaines, on y imite le comportement des adultes pour comprendre ; on ne leur pose pas de questions.

La formation au monde de demain consiste aussi en la pratique, avec d’autres enfants, du « Dlala ‘Nduku », le combat de bâtons des peuples ngunis. Il s’agit d’un sport de combat destiné aux plus jeunes. Shaka, le grand empereur zoulou, en aurait été un grand spécialiste à l’âge de 11 ans3. L’enseignement est aussi complété par l’écoute de contes porteurs de valeurs.

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 Combat de Dlala ‘Nduku

Référence : Coetzee Marié-Helen, Zulu stick fighting : a socio-historical overview, In Yo : Journal of alternative Perspective

 

Philosophie de l’Ubuntu

Mandela dit avoir été élevé dans la philosophie de l’Ubuntu, qu’il illustre ainsi :

« Un voyageur dans un pays étranger qui s’arrêterait dans un village n’aurait pas à demander à boire ou à manger. Dès qu’il s’arrêterait, les villageois lui donneraient à manger et lui tiendraient compagnie. C’est un aspect de l’Ubuntu, mais il en a plusieurs autres. Ubuntu ne veut pas dire que l’on ne doit pas s’enrichir. Mais cela doit se faire pour que la communauté autour de vous s’améliore. »

Ubuntu est un mot nguni, bien que le même concept existe dans d’autres langues.
C’est un concept philosophique qui a été traduit par une sorte de « commmunalisme africain », et qui s’illustre par la phrase « nous sommes donc je suis ». C’est-à-dire que l’homme ne se définit que par son appartenance à une communauté. Il est également associé aux notions de fraternité, d’honnêteté, d’empathie, d’humilité, de pardon, de partage, etc
4.

 

La circoncision chez les Thembus

À 16 ans, Nelson Mandela est circoncis. Il reçoit alors le nom Dalibunga, signifiant « fondateur du Bhunga »5’.

Chez les Thembus, est considéré comme un homme : celui qui a été circoncis, a vécu en réclusion le temps que sa coupure cicatrise, et a subi une cérémonie où il est présenté à la foule et où il se voit offrir des cadeaux.

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Aucun Xhosa ne peut être considéré comme un homme s’il n’est pas circoncis. Après sa circoncision, le jeune homme est complètement accepté dans la sphère des adultes, qu’il peut fréquenter et avec qui il peut traiter d’égal à égal. C’est seulement à ce moment qu’il peut prétendre épouser une femme.

L’âge auquel l’enfant doit subir la circoncision n’est pas établi. La décision lui appartient, sauf si son père doit payer les frais de la cérémonie. Dans le cas de Nelson Mandela, c’est le régent Jongintaba qui a pris cette décision.

Référence Ngxamingxa AN, The function of circumcision among the Xhosa-speaking tribes in historical perspective, in In: De Jager, E.J., ed. Man: anthropological essays presented to O.F. Raum. Cape Town, South Africa, C. Struik, 1971. 183-204.

 

Le mariage xhosa

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La demande en mariage traditionnel xhosa doit venir du jeune homme ou de quelqu’un d’autre en son nom, mais jamais de la jeune fille.
Avant les années 60, la famille du jeune homme choisissait seule l’épouse. Ce fut d’ailleurs le cas du régent Jongintaba, qui choisit une épouse pour son fils Justice et pour Nelson Mandela. Tous deux fuirent cette coutume, qui ne tarda pas à disparaître, pour s’établir à Johannesbourg.

La lobola (dot) doit être aussi peu élevée que possible, sans dépasser un seuil minimal d’environ huit têtes de bétail.

Les fiançailles sont un concept qui n’est pas vraiment établi en pays xhosa, mais on suppose que le futur mariage devient officiel après le paiement de la première partie de la dot. Seules les relations sexuelles ne rompant pas la virginité étaient autrefois autorisées entre futurs mariés. Désormais, seuls les enfants fiancés ne peuvent avoir de rapports sexuels violant la virginité.

La femme mariée doit donner une descendance, être dévouée à son mari, observer toutes les tâches domestiques du foyer, veiller sur toutes les filles de la famille, et adopter les coutumes et les ancêtres de la famille de son époux.

Elle doit en outre porter des robes tombant jusqu’à la cheville et sortir la tête couverte, sans quoi son attitude sera considérée comme provocante et déshonorante ; il lui faudra apprendre une langue rituelle lui permettant d’éviter d’appeler les hommes âgés de la lignée de son mari par leur vrai nom ; elle devra éviter à tout prix de s’approcher de la hutte ou des affaires de son beau père ; ne pas passer devant une hutte en se rendant d’une hutte à une autre, mais plutôt passer entre les huttes ; elle devra aussi éviter, par respect pour les ancêtres et les aînés de son mari, de se rendre dans le kraal réservé au bétail et dans la cour de la concession ; enfin elle sera touchée par des interdits alimentaires, comme la tête d’un mouton, réservée au chef de la concession.

L’homme marié doit, quant à lui, offrir à l’ensemble de la famille un toit, de quoi s’habiller et de quoi se nourrir. Ainsi, il constituerait un déshonneur pour un homme que sa femme aille acheter à manger en dehors de sa famille ; son autorité ne peut être contestée par son épouse, qui doit toujours le soutenir dans ses décisions.
L’homme doit bien traiter sa femme, sous peine de divorce ou d’être conduit chez le conseil des aînés. Comme la femme doit s’occuper des filles de la société, l’homme joue le même rôle avec les jeunes garçons.
Il est le seul représentant de la famille à tous les événements officiels et il doit accomplir les tâches nécessitant le plus de force physique comme labourer. Son infidélité est tolérée s’il prend correctement soin de sa famille.

Référence E J De Jager , Traditional Xhosa marriage in the rural areas of the Ciskei, South Africa, in In: De Jager, E.J., ed. Man: anthropological essays presented to O.F. Raum. Cape Town, South Africa, C. Struik, 1971. 160-182. .

 

1 FISHER R., 2007, Race, Jacana Media, p.89

2 PEIRES J., 1982, Berkeley : University of California Press, p.18

3 RITTER, E.A. 1960 Shaka Zulu : The Rise of the Zulu Empire London : Longmans, p. 14

4 MORE, M. P. 2008, Philosophy in South Africa under and after apartheid. In kwasi Wiredu, a Companion to African Philosophy, p. 56

5 Nom donné au conseil consultatif traditionnel du Transkei

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