Sylvanus Olympio, le père du Togo

Militant charismatique et inconditionnel de l’indépendance du Togo, Sylvanus Olympio fut le symbole du peuple togolais dans son combat contre la tutelle coloniale française.

Origines et début de vie

Sylvanus Epiphanio Kwami Olympio naît le 6 septembre 1902 à Kpando en pays évhé (ville alors située dans le Togo allemand, qui intégrera ensuite le British Mandate of Togoland, puis la Gold Coast et qui appartient aujourd’hui à la République du Ghana). Il est le fils aîné des trente enfants d’Epiphanio Elpidio Olympio, lui-même fils de Constança Talabi Pereira Santos, une Afro-Brésilienne originaire de la ville yoruba d’Abéokuta (actuel Nigeria) et de Francisco Sylva Olympio, né au Brésil d’un Portugais et d’une Afro-Amérindienne.
La mère de Sylvanus est Fidelia Afe, qui serait une femme d’ethnie mamproussi. Née dans le nord du Togo, elle aurait été enlevée près de son village dans l’actuel nord du Togo, puis vendue à un membre de la famille Olympio, connue pour sa participation à la traite des esclaves. Elle aurait plus tard été affranchie par d’Epiphanio Elpidio Olympio qui était tombé sous son charme. L’homme naît donc intrinsèquement panafricain, ayant des origines transcendant les ethnies et les frontières coloniales.
Le jeune Sylvanus Olympio commence ses études à la Mission Catholique allemande de Lomé, avant de rejoindre l’école anglaise en 1914 quand la Grande-Bretagne occupe l’ouest du pays. Quand le Togo oriental devient membre de la Société des nations(SDN), il rejoint l’école française. Cette formation dans des institutions scolaires de trois pays différents rend polyglotte cet élève studieux et brillant, qui obtient la meilleure note du territoire à l’examen du certificat d’études primaires (diplôme sanctionnant la fin de l’école élémentaire).

En 1920, il est envoyé à Londres poursuivre ses études, initialement contre l’avis de son père. Entre cette date et 1926, il obtient l’équivalent du baccalauréat et est l’un des premiers Africains diplômés de la London School of Economics. Il est ensuite employé par une société commerciale londonienne. À partir de 1927, il étudie le droit international à Dijon en France, puis à Vienne en Autriche. En 1928, Sylvanus avait intégré l’entreprise anglo-néerlandaise Unilever à Lagos au Nigeria, avant d’occuper le poste de chef de celle-ci à Hô lors de son retour au Togo en 1930. La même année, il se marie avec Dina Grunitzky, fille d’un commerçant allemand et d’une mère évhé. Entre-temps, il avait visité le continent européen, soucieux de comprendre les rouages du succès économique européen. Travailleur infatigable et rigoureux, il parvient à être muté à Lomé dans une filiale d’Unilever en 1932.

Début de carrière politique

Entre 1936 et 1941, Sylvanus Olympio s’engage dans trois associations politiques dont le but non avoué est de favoriser le régime colonial au détriment du peuple indigène. À la fin de l’année suivante, après l’occupation pétainiste de la France, Sylvanus est arrêté par la police pour avoir écouté la BBC sur un poste de radio. Il est incarcéré au Nord-Togo puis au Nord-Bénin, avant d’être libéré fin 1943 avec la libération de la France. En 1945, lors de la Conférence locale de Lomé, organisée à l’initiative du président français De Gaulle, pour assouplir les conditions d’asservissement colonial et freiner l’esprit d’indépendance ambiant des colonisés. Olympio se distingue en y déclarant son désintérêt de la France ainsi que la citoyenneté togolaise intrinsèque de ses compatriotes. L’année suivante, sous l’impulsion de Sylvanus Olympio, le Comité de l’Unité Togolaise (CUT), dernière association qu’il a rejointe en 1941 et dont il est maintenant le vice-président, passe d’un mouvement colonialiste à mouvement d’émancipation populaire qui a près de 18 600 adhérents fin 1947. En 1946, Sylvanus Olympio est élu Président de l’Assemblée Représentative du Togo au Conseil de l’Union Française au cours d’un scrutin où son parti, le CUT obtient une large majorité.

Vers l’indépendance

Bien que sa famille paternelle soit une famille afro-brésilienne dont le fief était situé à Agoué, en pays gen (mina) dans l’actuel Bénin, et que Sylvanus n’ait pas d’ancêtres ethniquement évhé, sa naissance en pays évhé à Kpando en faisait de facto un Evhé. Ce peuple, notamment apparenté aux Gens (Minas) du Togo-Bénin et aux Fons du Bénin, est alors séparé par les frontières coloniales de la Gold Coast et des Togos britannique et français. Olympio se fera porte parole du Mouvement Pan-Ewé (évhé), qui souhaite la réunification du peuple évhé selon une seule bannière, celle du Togo britannique devant le Conseil de tutelle des Nations unies. Cette prise de position n’est probablement pas à mettre du côté d’un tribalisme, d’une préférence ethnique ou d’un régionalisme de la part d’Olympio, notamment vis-à-vis des populations du Nord. Il est en effet vraisemblablement originaire de cette dernière région via sa mère. Toujours est-il que c’est cette image de préférence ethnique à la décolonisation qu’Olympio renverra auprès des populations du Nord, image que les colons se feront le plaisir d’amplifier à l’extrême. La question de la création d’un état éwé n’est d’ailleurs à l’origine qu’un traquenard organisé par les Britanniques pour se débarrasser des présences françaises et allemandes sur les territoires peuplés d’Evhés.
Rapidement, dès 1951, la question des Evhés évoluera en une revendication plus panafricaine, celle de l’unification des deux Togos, britannique et français. Entre-temps, à partir de 1950, la France va dépêcher des gouverneurs à poigne qui vont mener une forte répression politique et une politique de diviser pour régner qui affaibliront le CUT et tous les indépendantistes. Les Français soutiennent désormais le Parti Togolais du Progrès, un parti modéré dans la lutte pour l’indépendance, ainsi que l’Union des Chefs et des Populations du Nord (UCPN), un parti régionaliste créé sous l’impulsion des puissances coloniales. Le PTP, à la tête duquel se trouve Nicolas Grunitzky, demi-frère de l’épouse d’Olympio, remporte en 1951 les élections à la députation et dans les autres organes de l’Union française. La France parvient, la même année, à muter Olympio dans la succursale parisienne d’Unilever, tout en lui interdisant de participer au Conseil de Tutelle de l’ONU s’y tenant. Il parvient à tromper leur vigilance et à assister à une session de l’Assemblée Générale des Nations unies. La répression française s’accentue et en 1954, Sylvanus Olympio est injustement condamné en 1954 à 5 millions de FCFA d’amende et à cinq ans d’interdiction de droits civiques pour transfert illégal d’argent.

À la tête du Togo

En 1956, le rêve d’unification des deux Togos, occidental et français, s’effondre sur décision des Nations Unies.  Le Togo occidental sera rattaché à la Gold Coast en 1957. Cet événement sera à l’origine d’une tension entre le Ghana de Kwame Nkrumah et le Togo d’Olympio qui cherchera à faire entrer le Togo d’Olympio sous la bannière de son pays. L’administration française organise alors un référendum où elle parvient   à faire voter, contre la volonté du peuple, l’évolution du Togo français en une ‘République autonome’, c’est-à-dire un Etat avec une autonomie interne mais dépendant du cadre plus large de l’Union française. A la tête de cette république se trouve Nicolas Grunitzky.

En 1958, les Nations Unies organisent des élections législatives qui seront largement remportées  par les indépendantistes. Malgré les tentatives des Français de nommer un Premier ministre plus modéré, toutes leurs tentatives sont refusées par les intéressés. Les indépendantistes sollicités imposent aux Français de choisir Sylvanus Olympio comme Premier ministre et de le faire sortir de sa privation de droits civiques. Lors d’un voyage à Paris, le nouveau Premier ministre du Togo parvient à obtenir l’accord du Président français De Gaulle pour l’indépendance du Togo. Celle-ci aura lieu le 27 avril 1960, deux ans après une courte période de transition. Hostile au marxisme-léninisme et à la France, le nouveau président du Togo associe libéralisme et austérité avec brio, dans l’optique de rendre son pays indépendant économiquement. Il prévoit de faire sortir le Togo de la zone franc et de créer une monnaie nationale. C’est cette décision, plus que des oppositions internes au Togo où son refus de réintégrer des militaires togolais de retour du Vietnam dans une armée nationale, qui mèneront à l’assassinat de Sylvanus Olympio de trois balles devant l’ambassade des Etats-Unis au Togo. Si l’arme du crime fut tenue par la main même du futur président du Togo Etienne Gnassingbe Eyadema accompagné d’autres militaires, ce fut très probablement la France de Charles de Gaulle qui l’acheta, la remplit de balles et décida de s’en servir contre Olympio. C’en était fini de la vie du héros de l’indépendance togolaise dont le rêve d’une Afrique indépendante, unie et souveraine allait s’éteindre avec lui.

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