PORTRAIT DE GERALDINE ROBERT, UNE SPORTIVE ENGAGEE

« C’est très important pour moi (…) : essayer de redonner à nos pays d’origine. »

Par SK,

Connaissez-vous cette sportive de haut niveau ? Elue Mvp* pour la saison 2012-2013, elle a remporté la victoire avec plusieurs clubs d’Europe. Basketteuse mais, aussi femme et mère, Géraldine Robert, originaire du Gabon, aime son Afrique et s’investit pour son pays : Tous les étés, depuis 5 ans, elle anime un camp de basket pour les jeunes avec  son association YEMALY.

Sportive engagée, simple et volontaire, elle accepte de nous parler de ses activités et de sa vision des choses. Pour vous, mesdemoiselles, elle raconte la difficulté d’être femme dans un univers aussi masculin que celui du basketball. Mais elle répète également que vous devez vous aimer, en toutes circonstances

Où as-tu grandi ?

J’ai grandi au Gabon, à Port-Gentil, pour moi, c’est la plus belle ville du monde ! (rires). A 18 ans, je suis venue poursuivre mes études en France pendant un an, puis en Angleterre pendant cinq ans, où j’ai eu mon fils Maydden.

Comment es-tu arrivée au Basket ?

J’ai toujours été très sportive : danse classique, athlétisme, volleyball. Je suis arrivée tardivement au basketball, vers 16-17 ans. Au départ, quand j’ai commencé au Gabon ce n’était pas professionnel, en France, j’ai joué dans une petite division.

En Angleterre, je jouais avec des amis et une équipe m’a repérée, les Rhonda Rebels. Elles ont demandé à ce que je joue avec elles pour l’Eurocoupe (coupe d’Europe) l’année suivante et, c’est de là que tout est parti. J’ai signé ma première licence pro à 26 ans, ce qui est très rare, car le plus souvent, dans le monde du sport, on signe vers 18 ans. Après ça, j’ai fait quatre ans en France (Villeneuve d’Asq) ; deux ans en Italie (avec L’Atletico Faenza Pallacanestra et Liomatic Umbertide) ; un an en Pologne (à Lotos Gdynia) ; puis, je suis revenue en France.

Tu as signé tardivement mais, ton parcours est plutôt réussi, aujourd’hui tu vis de ton sport ?

Oui. Je suis basketteuse professionnelle comme Ibrahimovic est footballeur professionnel. J’ai été pré-sélectionnée en Equipe nationale il y’a cinq ans, mais cette année j’ai joué avec Montpellier. On est sorties championnes de France !

C’est difficile de parler des basketteuses professionnelles, les filles ne sont pas très médiatisées…

Je pense que les choses sont en train de changer, de par les bons résultats de l’équipe de France féminine de basket. Elle est quand même arrivée deuxième aux Jeux Olympiques l’année dernière, qui est sortie championne d’Europe en 2009, vice-championne d’Europe l’année dernière. Il y’a de plus en plus de matches rediffusés à la télévision, les médias s’intéressent de plus en plus à nous.

Geraldine_Robert

Y a-t-il d’autres basketteuses qui t’inspirent ?

Oui, il y’a Emilie Gomis, la touche glamour de l’Equipe de France féminine de basket ; et aussi Fati Sacko. En dehors du terrain, elles se pomponnent vraiment et c’est en ça qu’on se ressemble. Car, en dehors du basket, j’aime beaucoup exprimer ma féminité. Nous sommes avant tout des femmes, même si, sur le parquet c’est plus difficile à affirmer. Mais lorsqu’un match est retransmis à la télévision, on essaie de s’arranger du mieux qu’on peut (rires).

Justement,  est-ce que c’est difficile d’exprimer cette féminité lorsqu’on a un physique « atypique » ?

C’est difficile d’être atypique quand on est jeune, j’étais la plus grande de ma classe, la plus sportive. Mais les années passent et tu apprends à assumer ta féminité, à te mettre en valeur. Je dis toujours, qu’on soit grande mince ronde ou petite, nous sommes des femmes avant tout et une femme c’est beau ! Dieu nous a faites de la sorte, il sait pourquoi. Imaginez à quel point ce serait ennuyeux si nous avions toutes la même forme, il faut de la diversité. C’est d’ailleurs ce que je dis à mes filles au camp de basket : aimez-vous, ne laissez jamais quelqu’un vous dire que vous n’êtes pas belles.

Grobert

Et les congés maternité dans le sport, comment ça se passe ?

Ce n’est pas vraiment compatible ; sur une dizaine de joueuses, seulement trois ou quatre en moyenne, doivent avoir des enfants. Lorsqu’on est enceinte, il faut s’arrêter plus tôt que dans les autres professions, à cause de l’effort physique. Quand j’ai eu mon fils, je n’étais pas encore pro, donc je n’ai pas été confrontée à cela.

Peut-on retrouver son  niveau ?

Après, ça dépend de soi, de la discipline qu’on se donne, il faut se faire rigueur pour reprendre les automatismes de la femme basketteuse.

Comment se déroule la journée type de Géraldine Robert ?

J’essaye avant tout d’être une maman et une femme au foyer. Je me lève et dépos mon fils à l’école quand je peux, je regarde mes mails et puis les informations, les gossip (sourire). L’après-midi je fais la sieste et le soir il y’a les entraînements bien sûr ! C’est une routine. En dehors de ça, j’aime beaucoup aller au cinéma avec mon fils ; et lire les autobiographies, elles m’inspirent énormément. J’ai lues celles de Richard Branson et de Bill Clinton, entre autres.

Je me dis que la différence entre ces gens et nous, c’est que nous on se dit qu’on va ESSAYER de faire les choses, alors qu’eux, depuis l’enfance, se disent je VAIS réussir. Le discours change tout, ça joue dans ton mental et se répercute dans tes actions, savoir que si une porte est fermée, il faut la contourner. Maintenant je ne réfléchis plus, je fonce ! Il ne faut pas se mettre des barrières, parce que si nous-mêmes on se dit « peut-être » que diront les gens qui nous font face ?

On a plus de courage comme ça, mais il faut aussi rester dans la logique des choses possibles.

Mets-tu ta notoriété au service de l’Afrique ?

Bien sûr ! J’ai une association, YEMALY, c’est la contraction de mon prénom, de celui de mon fils et celui de ma petite sœur. Elle a un volet purement social: je récolte des fournitures scolaires en France et les redistribue à des  familles nécessiteuses au Gabon.

L’autre volet est sportif, ce sont mes camps de basketball.

Le contexte politique du Gabon permet aussi ce type de projets

C’est l’un des pays les plus stables d’Afrique, on n’est pas nombreux, moins qu’à Paris ! Il est vrai que je ne suis pas « politique » mais, je tiens quand même à préciser que la politique sportive du chef d’état depuis son élection, est vraiment bonne.

Par exemple, l’un de mes amis, Anthony Obame, a remportée la première médaille olympique au Gabon et le président est en train de surfer sur cette vague de popularité pour sensibiliser la jeunesse au sport. Il en va de même pour la coureuse Rudy Zang Milama, qui a été prise sous l’aile de la première dame et se montre lors des événements locaux. J’admire cela, en grandissant je n’avais pas ça, moi, ça prouve que les choses commencent à bouger pour le positif.

Parle-nous de ce camp d’été que tu animes

C’est la cinquième édition et cette année on va inaugurer la capitale, jusqu’ici je ne le faisais qu’à Port-Gentil. C’est très important pour moi, je le vois comme un devoir : essayer de redonner à nos pays d’origine.

C’est vrai que je suis française, mais je suis gabonaise aussi, surtout que j’ai grandi au Gabon; ce pays fait partie intégrante de ma vie. Je ne peux pas me permettre de retourner là-bas et m’amuser en vacances pendant un mois sans rien faire de constructif. Quoi de plus beau que de faire rêver des enfants ? Le sport est un bon vecteur pour ça, ces camps forment des jeunes entre 8 et 16 ans, il y’a d’autres coachs locaux avec moi. Cette année, il y’aura aussi un américain et deux français.

Au début, c’était seulement un stage d’apprentissage ou de perfectionnement, mais en avançant, nous avons envisagé d’autres perspectives. A long terme, grâce à mes contacts, on a le projet de les faire repérer par des sélectionneurs de grandes équipes internationales. J’ai de très bons rapports avec la nouvelle fédération en place, elle veut faire évoluer les choses et nous sommes parfaitement en osmose.

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Nicolas Bathum devait faire partie de l’aventure ?

En effet, j’avais déjà rencontré Nicolas Bathum et je connais personnellement son manager, qui a accepté de lui parler du projet. Il était enchanté de le faire.

Les années précédentes, j’avais emmené des amies basketteuses professionnelles, mais pour cette cinquième édition, je voulais marquer le coup. Malheureusement, il y’a quelques semaines, on a eu les dates du stage de l’équipe de France et ça ne concordait pas. Il ne les avait pas avant et a donc dû annuler deux semaines avant. Mais ce n’est que partie remise et il a été super en acceptant de tourner une vidéo pour s’excuser auprès des jeunes.

Est-ce que tu gardes contact avec ces jeunes ?

Oui, je les appelle mes enfants ! (rires). Je prends souvent cet exemple : quand tu te lèves le matin à 8h, que t’es pas de bonne humeur parce qu’il faut aller s’entraîner, tu ouvres ton Facebook et là, ta journée est égayée par un enfant qui prend de tes nouvelles. Que demander de plus ? Je le fais pour mon pays et pour ces jeunes, c’est du bénévolat, je ne gagne rien, au contraire, ça me coûte beaucoup mais c’est un plaisir et ça vaut le coup.

Alors ce que vous partagez pendant ces camps dépasse le sport ?

Oui, ce que j’essaye de partager avec ces jeunes, au-delà du basket, ce sont des valeurs comme le respect, la confiance en soi, l’humilité. Mon programme est bien reçu sur place parce qu’il n’y a pas de star gabonaise connues à l’international et à auxquelles les jeunes peuvent s’identifier. Les rares qui sont connues ne font pas grand-chose pour le Gabon, ce que je déplore, car l’investissement personnel n’est pas nécessairement financier.  Il faut savoir d’où on vient, tout simplement.

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C’est vraiment une initiative concrète,  le basketteur Serge Ibaka envisage de faire pareil au Congo.

Ça me dérange de ne pas avoir son contact parce que j’ai besoin de quelqu’un qui fait cela, je pense que l’union fait la force. Moi, je suis une femme, je suis seule, ça rend certaines choses plus difficiles, et puis  je n’ai pas le poids d’Ibaka.

Je suis africaine avant tout, donc ça ne me dérangerait pas d’aller motiver des jeunes filles congolaises ou d’autres pays du continent. De fille à filles, le message passe plus aisément. J’ai à motiver des jeunes garçons, en tant que femme ce n’est pas la même chose. C’est pourquoi j’aimerai vraiment travailler avec des gens comme Serge Ibaka, et puis le Congo est un pays frontalier (sourire).

Dans ton milieu, as-tu eu à souffrir de la discrimination ?

Je suis fière d’être gabonaise mais ça ne veut pas dire que je renie la France, mon papa est français et ma maman gabonaise, je respecte cette ambivalence.  Toutefois, ce serait mentir que de dire qu’on n’a jamais été confronté à cela en tant que noir, surtout en évoluant dans un milieu européen. On n’en a pas forcément une expérience agressive mais il y’a des signes qui trahissent ces idées là, des regards, des gestes, etc… Mais j’ai eu la chance que mes parents m’éduquent très tôt sur cette réalité. Ils m’ont appris qu’il y’aura toujours des gens, noirs ou blancs, pour me mettre des bâtons dans les roues et que je dois en faire abstraction.

Dans l’actualité, es-tu sensible aux situations de racisme que vivent certains sportifs ?

Ce que vit Balotelli me touche profondément. Je n’ai jamais vu ça, quelqu’un qui veut représenter dignement un pays et qui subit ces comportements. Cela trahit un manque d’unité criant entre nous. Les noirs ont encore peur du communautarisme en Europe, alors qu’aux Etats-Unis, lorsque tu touches à un noir, c’est comme si tu t’en prenais à tous. J’admire les américains pour ça.

 

*Most Valuate Palyer (Meilleure joueuse).

 

SK
SK
SK est la rédactrice/ journaliste du secteur Politique, Société et Culture. Jeune femme vive, impétueuse et toujours bienveillante, elle vous apporte une vision sans filtre de l'actualité.

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