Qu’est-ce qui enflamme la petite île de Gorée ? Pourquoi la Maison des esclaves fait-elle autant parler d’elle depuis quelques années ?
Petite île au large du Sénégal, l’île de Gorée a toujours été un haut-lieu de l’histoire de l’esclavage. De nos jours, de nombreuses célébrités qui se rendent en Afrique, notamment au Sénégal, en font un passage obligé. De ce fait, l’île à déjà reçu les Clinton, Jean-Paul II, Obama ou encore Mandela.
Un pèlerinage rendu obligatoire pour quiconque visite le Sénégal. Extraordinaire pour un si petit bout de terre au large de la capitale sénégalaise. Les écrits disent que l’île était le dernier lieu que foulaient les esclaves avant de quitter définitivement l’Afrique vers les Amériques. Avoir la chance de visiter cette île c’est un peu comme retourner dans le passé. Historiquement, Pour donner une explication simple de « l’utilisation » de l’île de Gorée, il semblerait que les négriers, ces énormes bateaux, qui étaient utilisés pour ramener les esclaves comme du bétail pour les asservir, ne pouvaient pas débarquer jusqu’aux côtes dakaroises, l’eau était trop peu profonde.
De ce fait, la petite île située à quelques miles de la capitale sénégalaise avait tous les attributs nécessaires pour servir le commerce triangulaire. Beaucoup d’américains et de descendants d’esclaves visitent l’île chaque année pour suivre les traces de leurs ancêtres. La visite de la Maison des esclaves peut donner lieu à des scènes de pleurs de la part d’Américains venus en quête de questionnement sur leur passé. Mais comment ne pas s’émouvoir en visitant ce musée dédié à la déportation la plus massive que la Terre ait jamais connue ? Quatre siècles de soumission pour une Afrique appauvrie de ses muscles. Un chiffre édifiant de plus ou moins 20 millions d’esclaves déplacés a été annoncé il y a de cela de nombreuses années, sans aucune certitude. On peut visiter dans cette ancienne « négrerie », au passé sombre, des cellules pour les femmes minuscules où s’entassaient de nombreuses esclaves ainsi que des cellules pour les enfants.
Pourtant, ces derniers temps, de vives remises en question assureraient que Gorée n’ait pas du tout rempli la funeste fonction qu’on lui attribue. Le journal français « Le Monde », dans une de ces éditions des années 2000 sous la coupe d’Abdoulaye Camara, professeur d’histoire à la faculté de Dakar, dément que l’île ait servi de dernier « pied à terre des esclaves ». La polémique enfle et le Sénégal tout entier s’insurge contre ces « racontars » qui défendent cette thèse. Ils assurent que l’île située à 3 km de Dakar n’aurait servi que de vulgaire « entrepôt » d’esclaves. Mais d’où viendrait le fantasme esclavagiste de l’île de Gorée ? Il semblerait qu’en 1950, un médecin de la marine française, Pierre-André Cariou aimait raconter cette histoire à quiconque venait visiter l’île.
Quand l’homme décède, un de ses serviteurs de maison, Joseph N’diaye reprend sa succession. Il est alors ce qu’on appelle couramment « la mémoire vivante de Gorée ». A son décès en février 2009, les polémiques refont surface. Bien avant dans les années 1980, dans le même registre, un historien américain publie une statistique qui contredit les chiffres de l’esclavage sur l’île qui seront immédiatement dénoncés comme « fantaisistes » par le gouvernement sénégalais. Pas question de perdre le « Gorée Business » quand on sait surtout qu’il est juteux pour les politiciens de la ville. Il est intéressant de creuser les différentes interprétations et de lire les écrits de l’époque quand l’utilisation de l’île, malheureusement, de cette époque subsistent très peu de travail de mémoire. Et le peu qui existe encore est « relativement » formel. Gorée aurait bien servi de dépôt d’esclaves, en transit vers le « Nouveau monde ». Néanmois quand la passion d’un passé retrouvé tombe en miette à cause de la supposition d’historiens farfelus, cela donne lieu à de vifs affrontements entre ceux qui défendent cette thèse et ceux qui la réfutent.
Le passé reste le passé, on ne peut ni le changer, ni tenter de l’inventer. L’île de Gorée est une manne financière pour la ville de Dakar. En été, ce sont des bateaux entiers qui débarquent sur l’embarcadère de la petite île pour y faire un peu de shopping et, surtout, pour payer une entrée à la Maison des esclaves et du coup, mettre un peu d’argent dans les caisses de l’État sénégalais. Imaginons que demain, la thèse des historiens soit démontrée et qu’effectivement Gorée n’était qu’un dépôt, est-ce qu’il y aurait encore lieu de faire le déplacement pour voir la « porte sans retour » qu’empruntaient les esclaves pour quitter le continent africain ? Quelle serait la perte sèche pour le Sénégal ? Gorée serait-elle autant visitée ?
Car, rappelons-le, il y a pleins d’autres îles dans ce pays qui pourrait tout autant donner envie d’être visitées sans pour autant qu’elles aient une portée historique. Comme la belle et longue île de N’gor. Entre doutes et incertitudes, sans réellement délivrer tous ses secrets sur son passé, Gorée fait irrémédiablement battre le cœur historique de l’Afrique de l’Ouest.