Nandi, reine des Zoulous

Nous sommes au XVIIIe siècle, dans cette partie de l’Afrique nommée « Zululand », située dans l’Afrique du Sud actuelle.

Reines et Héroïnes d’Afrique
Par Natou Seba Pedro Sakombi

Tout commence lorsque le prince des Zulus, Senzangakona, rencontre Nandi Bhebhe, fille du défunt chef de la tribu des Elengani. Ce n’est pas sans insistance que le chef tente de séduire la jeune orpheline le jour de leur rencontre.
Nandi Bhebhe est connue pour avoir une extrême estime d’elle-même, et pour cause, elle est de loin l’une des plus jolies jeunes femmes de la région. Élancée, la démarche féline et le port de tête majestueux, ses formes généreuses et si bien proportionnées ne laissent aucun jeune homme indifférent à son passage.
C’est donc un défi de taille que Senzangakona, prince des Zulus, décide de relever quand il rencontre enfin celle dont tout le monde parle.
La jeune femme, qui vient puiser de l’eau dans la rivière, feint ne pas avoir aperçu ni même entendu ce chef à l’allure guerrière, à la stature impressionnante et au visage à faire fondre n’importe quelle femme de la région.
Après qu’il a, à maintes reprises, prononcé son prénom, Nandi daigne enfin relever la tête et jeter vers ce chef audacieux un regard interrogateur. Elle sait qui il est, mais elle se doit de l’obliger à se présenter, comme tout inconnu qui oserait, pour une raison ou une autre, troubler ses occupations journalières.

Senzangakona se présente comme étant le prince des Zulus et lui fait comprendre son attirance. Mais Nandi lui fait comprendre à son tour qu’elle n’est nullement impressionnée par son rang et n’a pas de temps à accorder à un plaisir éphémère.
Le prince lui promet alors une relation des plus sérieuses et qui aboutirait à une union conjugale. Pour cette raison uniquement, Nandi accepte de se laisser aller.

 

Pourtant, lorsque Nandi tombe enceinte, les anciens et les conseillers de Senzangakona expliquent au prince la gravité de la situation qui se présente.

Il a beau montrer tous les signes d’un homme éperdument amoureux, il est hors de question pour le prince de songer à prendre la jeune femme comme troisième épouse… Même si les deux premières ne lui ont pas encore donné d’enfant, l’enfant qui grandit à présent dans le sein de Nandi n’est rien d’autre qu’un batard, car conçu hors des liens du mariage. Pour un prince, épouser une femme enceinte est non seulement inadmissible, mais il s’agit d’une infraction grave aux coutumes zulus.
Contraint de se soumettre aux traditions de son peuple, et encouragé par la nouvelle simultanée de la grossesse de l’une de ses femmes, Senzangakona coupe tout lien avec Nandi, l’abandonnant seule face à sa grossesse. Dans la tribu des Elengani, elle devient un sujet de mépris.

C’est une prêtresse qui recueille Nandi et lui fait comprendre que sa grossesse n’a rien d’une calamité, mais que l’enfant qu’elle porte est celui d’une grande prophétie annoncée depuis les temps anciens. Une prophétie selon laquelle un grand chef naîtra du peuple zulu et révolutionnera toute la partie Sud du continent africain…

La prêtresse lui fait comprendre que l’orgueil qui lui est reproché est finalement légitime car elle deviendra une grande reine, et le fils qu’elle porte, un grand roi. Nandi s’accrochera à ces paroles prophétiques dès cet instant et pour le restant de sa vie.

Senzangakona, fatigué des rumeurs au sujet d’un fils illégitime et d’une femme abandonnée, change finalement d’avis et décide d’épouser Nandi. Il choisit de l’accueillir, elle et son fils Shaka dans son kraal.

Nandi accepte d’épouser le chef et de devenir sa troisième épouse. Mais, chose jamais faite auparavant, lors des cérémonies du mariage, c’est la future épouse elle-même qui négocie devant l’époux le montant de la dote et le prix du rachat de l’enfant illégitime.

Le clan tout entier est stupéfié par l’audace et le courage de celle qui sait déjà qui elle est et qui est son fils. Senzangakona, humilié publiquement par cette femme effrontée et sûre d’elle, celle qu’il avait séduite quelques mois avant à la rivière, cède en tenant fièrement l’enfant dans ses bras.

La place de troisième épouse du chef n’est pas de tout repos pour Nandi. Elle enfante une deuxième fois, d’une fille. Mais Senzangakona n’a jamais oublié la vexation que lui a causée Nandi lors de la cérémonie nuptiale. Il manifeste ce ressentiment par des actes d’humiliation publique envers sa troisième épouse à chaque grande cérémonie, au grand plaisir des autres épouses qui la haïssent.

Il humilie Nandi, notamment, lors de la cérémonie de mariage de sa quatrième épouse où il lui demande de l’eau l’obligeant à porter la calebasse à ses lèvres. Quand elle obéit, il la pousse au loin et la fait tomber à terre. Shaka, leur fils, qui n’a que 6 ans à peine, ne supporte pas cette scène, il affronte son père en le menaçant de le tuer s’il ose encore s’en prendre à sa mère. Senzangakona, qui dit de Shaka qu’il est aussi orgueilleux que sa mère, n’aura pas d’affection particulière pour l’enfant.

 

Nandi décide finalement de fuir avec ses enfants et de retourner dans sa tribu, les Elengani.

Mais l’accueil n’a rien de chaleureux, le chef se sent forcé de reprendre cette jeune femme, jadis sujet de honte et qui, désormais, quitte son époux, avec ses deux enfants et sa mère. Les insultes, coups bas, railleries qu’ils ont connus à la Cour zulu reprennent de plus belle. Nandi est traitée comme une moins que rien, une femme dont l’orgueil fait finalement d’elle la risée de tout le clan.

Shaka, quant à lui, est rien de moins qu’un enfant né hors mariage et donc rejeté par les autres adolescents du clan. Mais il garde ce côté protecteur de sa mère et n’hésite pas à frapper violemment quiconque s’en prend à elle.

Mais un jour, Shaka est frappé à mort par les jeunes de la tribu. Pour Nandi, c’est la goutte qui fait déborder le vase. Elle décide, une fois encore, de prendre ses enfants et sa mère et de s’en aller. Le voyage est long et pénible et la mère de Nandi, déjà âgée, meurt pendant le chemin.

Abattue mais pas découragée, Nandi l’enterrera elle-même et poursuivra le chemin avec ses deux enfants.

Nandi et ses enfants sont recueillis par Dingiswayo, chef de la tribu des Mthetwa, qui autrefois avait voulu épouser la jeune femme. Son amour ne s’est pas éteint ; sans hésitation, il ouvre ses bras à cette femme aux traits fanés, au visage épuisé par  le voyage, accompagnée de deux jeunes gens aux yeux et aux lèvres trahissant la faim et la soif.

Nandi la fière, l’orgueilleuse, s’est, une fois encore, rabaissée pour l’honneur de ses enfants. Dingiswayo prend soin de Nandi et de ses enfants comme s’ils étaient les siens. Il lui redonne sa beauté et, pour une fois depuis longtemps, Nandi se sent à son aise quelque part.

Dingiswayo finit par remarquer le caractère courageux et les capacités guerrières remarquables de Shaka. Il entraîne le jeune homme dans son armée jusqu’à ce que la renommée de Shaka rayonne partout.

Cette renommée arrive jusqu’aux oreilles de son père, Senzangakona qui, soudain, se demande pourquoi un étranger bénéficierait du courage et des capacités de guerrier de son propre fils. Il décide alors d’aller lui-même récupérer son fils chez Dingiswayo, et uniquement son fils, refusant d’emmener sa mère.

Shaka accepte le retour, mais avec en tête une stratégie : en apprendre un maximum sur le fonctionnement de l’armée zulu. Après l’avoir intégrée et montré ce dont il était capable, son père lui en confie la direction. Shaka refuse, mais déclare à son père qu’il se vengera de la souffrance et de l’humiliation endurées par sa mère, qu’il reviendra arracher le trône de force, et deviendra chef de l’armée et chef des Zulus.

Il s’en va laissant son père abasourdi face à l’insolence d’un fils qui n’hésite pas à lui annoncer un coup d’État imminent dans le but venger sa mère.

Lorsque Shaka apprend la mort de son père et l’intronisation de son frère, il crée sa propre armée et, à l’issue d’une bataille extraordinaire avec l’armée des Zulus, tue son frère et se fait couronner roi des Zulus.

Tout le peuple zulu se soumet à ce nouveau roi téméraire et puissant, et avec lui, les épouses haineuses de son défunt père, celles-là mêmes qui avaient autrefois mené la vie dure à sa mère. Il décide de donner le titre de « Reine Mère » à Nandi, devant qui tout le peuple se prosterne.

 

On retiendra de Nandi l’image d’une femme sûre d’elle et de son destin, déterminée et courageuse.

On aime à dire que derrière chaque homme fort se cache une femme forte, et en effet, derrière le grand et célèbre Shaka Zulu, se cachait sa mère, la reine Nandi.

Shaka a appris de sa mère le respect dû à la femme, et en devenant roi, il établit un régiment composé strictement de femmes qui, souvent, se battent aux premiers rangs de son armée.

Nandi a réussi à élever son fils en vainqueur, lui instaurant la fierté de lui-même et lui rappelant sans arrêt les paroles de la prophétie. Ces mêmes paroles, que Nandi s’est répétées jour et nuit en disant : « Mon fils sera un grand roi. »

Aujourd’hui, en Afrique du Sud, lorsqu’on parle de Nandi, on fait référence à une  « femme de haute estime ».

Natou by RHA MAGChaka

Naya
Naya
Fan de séries, de rock indé et des années 1990, elle pond des chroniques sur sa vie de femme noire en France et sur sa phobie des joggings Lacoste. Sur le net, vous la retrouverez plus facilement sous le nom de "La Ringarde", son identité secrète de super héroïne.

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