MOBUTU SESE SEKO, MARECHAL DU ZAIRE

Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu wa Za Banga*, fut le dirigeant charismatique de l’ex-Congo belge, de 1965 à 1997. Au départ, porteur d’un rêve de revalorisation et de ré appropriation de la culture noire congolaise, Mobutu aura la folie des grandeurs et la cruauté des instigateurs de cette néo politique post coloniale. Visionnaire mais aussi sanguinaire, il restera de mémoire africaine et internationale, le dictateur à la coiffe en peau de léopard

Parcours et évolution

Il naît le 14 octobre 1930 à Lisala. Alors qu’il perd son père à l’âge de huit ans, il évolue dans un univers très virile et masculin, élevé par son grand-père et son oncle. L’histoire ne livre quasiment pas d’informations sur sa mère. Il poursuit ses études dans une école catholique  jusqu’à l’obtention de son brevet de secrétaire comptable, qu’il passe à 20 ans, alors qu’il fait partie de la Force publique (armée et police). Il intègre d’ailleurs l’Etat Major de cette Force Publique en 1953, à seulement 23 ans.  C’est parce qu’il est un élève intelligent mais insubordonné, qu’on l’envoie très tôt à l’armée. Mobutu est donc un homme instruit et discipliné. En 1957, il sort de l’armée avec le grade de sous-officier et se lance dans une carrière journalistique pour un quotidien libérale, l’Avenir, à Léopoldville. En parallèle, il écrit également pour des journaux révolutionnaires clandestins.

C’est d’ailleurs par l’entremise d’un de ses confrères qu’il fait la connaissance de Patrice Emmery Lumumba, dont il deviendra disciple. Il est invité à assister à la table ronde à laquelle va se discuter l’indépendance du Zaïre, à Bruxelles, celle du Mouvement National Congolais (MNC), mené par Lumumba. C’est à cette occasion qu’il sera confirmé en tant que membre effectif du parti, au début de l’année 1960.

A partir du 30 juin 1960, lorsque l’indépendance de la RDC est effective, le gouvernement indépendant est mit en place, sous la direction de Joseph Kasa-Vubu, qui a pour premier ministre Lumumba. Mobutu en devient le secrétaire d’Etat, c’est à partit de là qu’il mettra en action son génie, se montrant un fin stratège en manipulant les opinions. Il se sert de la sympathie que Lumumba a pour lui et de son expérience militaire pour évoluer dans la hiérarchie de l’Etat Major. Il est décrit comme un bon soldat, calme et sachant diriger ses hommes d’une main de  fer. Très apprécié des occidentaux, et surtout du roi belge, c’est sans difficulté qu’il accèdera au pouvoir, quelques années plus tard.

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Trahisons et manipulations

En 1960, Mobutu décide de profiter d’une situation politique délicate : En effet, les européens, appuyés par la CIA, souhaitent l’élimination de Lumumba. Réalisant une trahison spectaculaire, Mobutu participe à l’arrestation puis à l’assignation à résidence de son ami et mentor. Après ce coup d’état pacifique, il prend le pouvoir et met en place un régime transitoire, le Collège des commissaires généraux, le 14 septembre 1960 .  Afin de s’attirer le soutien des Etats-Unis, il accuse publiquement Lumumba d’être un pro communiste, ce qui, dans le contexte de Guerre Froide de l’époque, renforce l’image de dangereux révolutionnaire du premier ministre déchu, et fait de Mobutu un personnage d’autant plus apprécié. Il  pourchassera Lumumba, qui tente alors de s’enfuir, et le fera jeter en prison, où il sera torturé. Envoyé au Katanga, ce dernier sera assassiné le 17 janvier 1961, sans que son corps ne soit jamais retrouvé. Le Katanga, province la plus riche du pays, souhaite la rupture d’avec le reste du territoire depuis l’indépendance. Après le meurtre, s’ensuit donc un soulèvement des pro-Lumumba, qui est également une guerre de sécession. Grâce à l’aide extérieure, celle des Etats-Unis notamment, la crise est rapidement maîtrisée. Mobutu en profite pour tourner à son avantage ce retour au calme, endossant ainsi le rôle de pacificateur et d’unificateur national. Plus que tout, il veut imposer une stabilité durable sur son territoire, profitant de la guerre froide pour manipuler les puissances extérieures. En 1965, Mobutu est nommé Lieutenant général de l’armée, même grade que le roi Belge, Beaudoin I, du même âge que lui.

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Le 25 novembre 1965, il renverse le président Joseph Kasa-Vubu. Les principaux syndicats du pays, ainsi que les étudiants soutiennent tous le nouveau pouvoir. A l’étranger également, Mobutu est acclamé, les anciennes puissances coloniales aiment traiter avec lui, car, c’est avec zèle qu’il les flatte…bien qu’il n’e pense pas moins. Toujours dans la stratégie, il instrumentalise la mort de Lumumba et l’érige en martyr afin de remporter l’adhésion de tous les congolais. Les américains s’appuient sur lui car le voient comme un rempart efficace à la montée du communisme en Afrique. Mobutu soutient l’Angola dans sa lutte pour l’indépendance, en acceptant le gouvernement en exil sur son territoire tout en prenant soin de refouler les communistes.

Pourtant, la population ne tardera pas à s’apercevoir de la cruauté et de son nouveau dirigeant. Le 2 juin 1966, il fait pendre sur la place publique quatre anciens ministres, accusés de complot par une machination qu’il a lui-même élaborée : Jerôme Anany, Alexandre Mahamba, Emmanuel Bamba et Evariste Kimba.

La population locale et internationale est horrifiée, cela donne le ton de ce que sera le climat de terreur sous le règne de Mobutu.

En 1969, il fait violemment réprimer une manifestation estudiantine, exposant les cadavres des malheureux dans les fosses communes et condamnant à perpétuité douze des leaders du mouvement. Après cela, il fait fermer l’université durant un an et envoie de force 2000 étudiants au service militaire afin de les rendre dociles.

Mise en place de la dictature

La même année, il instaure le parti unique : le Mouvement populaire de la révolution (MPR) qui a pour devise « un seul chef, un seul peuple, un seul pays », et se fait désormais appeler « président fondateur ». Tout citoyen congolais doit y adhérer, ainsi que les ancêtres et même les fœtus… Son programme consiste à faire retrouver l’identité Bantoue, congolaise primaire ainsi que ses valeurs. Mobutu a le profond désir de briser les derniers vestiges de la colonisation et souhaite que les siens s’affirment en tant qu’africains, noirs, congolais. Aussi, les prénoms européens deviennent interdits et c’est ainsi qu’il donne l’exemple en changeant son nom, Joseph-Désiré Mobutu, en Mobutu Sese Seko kuku ngbendu wa za banga. Il impose le lingala comme langue nationale unique et prône la gestion d’une Afrique pour les noirs et par les noirs. Il faut penser, manger et respirer zaïrois, il instaure donc également les trois Z : la monnaie s’appellera désormais Zaïre tout comme le fleuve et le pays. Toutes les statues et autres vestiges de la colonisation érigés en ville sont détruits.

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Partant d’une démarche d’émancipation du peuple Kongolais, c’est dans la réalisation de son projet que l’humanité lui fera défaut. Paradoxalement, bien que fin diplomate, c’est en privilégiant ouvertement ses concitoyens (ses sujets) qu’il vexe les européens, politiques comme hommes d’affaires. En effet, dès 1966, il nationalise toutes les entreprises minières du pays. Le contexte économique et la croissance exceptionnelle rendent le Congo prospère en cette époque. Néanmoins, force est de constater que la terreur s’appliquait également à ces occidentaux, qui, souhaitant plus que tout voir mort Lumumba, avaient donc favorisé l’accession au pouvoir du nouveau chef, mais étaient incapables de contester (ouvertement et efficacement) son pouvoir tyrannique. C’est d’ailleurs sans réserves qu’il dénoncera l’ingérence de la Belgique dans ses affaires politiques.

Les crimes se multiplient, Mobutu tue sans aucun scrupule tout zaïrois se montrant  hostile à son autorité. Parmi les contestataires, des exilés lumumbistes pour la plupart, dont un, Pierre Mulele. A l’époque réfugié au Congo Brazzaville, Mobutu l’invite publiquement à rentrer en lui promettant l’amnistie. Il envoie l’un de ses ministres le chercher ; une fois rentré au pays, Mulele est enlevé et sauvagement assassiné. Personne, pas même l’église, n’a le droit de remettre en question le pouvoir du chef bantoue, chef suprême du Zaïre ; des milliers de cadavres sont largués dans le Fleuve Congo.

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Rentrant d’un voyage dans l’Asie communiste, au début des années 70, il instaure le culte de la personnalité : tous chantent et louent Mobutu, du lever du soleil jusqu’à son coucher. C’est le « mobutisme ». Bien qu’il n’ait jamais formulé officiellement être le président à vie du Zaïre, ils e comportait comme tel et se fait sacrer Maréchal du pays. Il pense être investit d’une mission et de pouvoirs divins. Toutefois, malin et désireux de jouer avec les règles internationales, il organise les élections en respectant les échéances, même si l’issue est sans surprise. Chaque citoyen associe la contestation du président à la mort, aussi tous se plient machinalement à l’exercice de glorification. Sa toute-puissance repose également sur le fait que l’économie du pays est alors en pleine santé.

Mobutu est décrit comme un félin, pour son habileté machiavélique et sa façon d’attaquer ses proies par surprise. Il se sent d’ailleurs investit de la force et e l’esprit su léopard, qui deviendra son emblème. Léopard qui, dans la tradition bantoue est le signe des chefs et de l’aristocratie, ainsi que le symbole de la puissance.

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Déclin et chute

En 1977, des exilés lumumbistes envoient des frappes militaires à Kolwezi, au Zaïre. Prit de court, Mobutu ne parvient pas à endiguer la situation et demande l’aide des puissances occidentales, en vain. Il est obligé de ruser : Il donne l’ordre à ses hommes de massacrer des familles françaises expatriées dans la zone, ce qui oblige le président de l’époque (VGE) à envoyer des troupes. Le problème est que, instrumentalisé par les Etats-Unis dans la lutte contre le communisme en Afrique, il est forcé d’intervenir pour soutenir les révolutionnaires pro-libéraux contre le président communiste Agostinho Neto en Angola. Ses troupes sont vaincues mais Mobutu est identifié comme pro-américain et donc partisan de l’apartheid. C’est donc Neto qui est à l’origine de ce soulèvement, qui fait écho à un contexte délicat : le modèle économique instauré par Mobutu se base sur les rentes des matières premières. Avec son programme de « Zaïrianisation », il a réquisitionné toutes les entreprises, destituant leurs chefs occidentaux afin d’en confier la propriété à sa garde zaïroise. Ces militaires, n’ayant aucune notion de gestion, dilapident le capital et les biens des ces entreprises. D’autre part, le cours du cuivre s’effondre, les rentrées d’argent se réduisent et la corruption s’accroît et se généralise. Les soldats de l’armée zaïroise, mal entraînés, mal équipés et n’ayant pas reçu de salaire depuis des mois, organisent le pillage des commerces en ville, bientôt rejoints par les villageois. En 1986, une grave crise éclate, le peuple n’a plus peur de dénoncer les dérives du régime mobutiste. Les gens sont affamés alors que Mobutu et ses fidèles, une infime partie de la population, se remplissent les poches et donnent des réceptions fastueuses aux quatre coins du monde. En outre, Mobutu était l’homme de la Guerre Froide, c’est dans ce contexte qu’il a pu nouer des alliances avantageuses et consolider son pouvoir. Après la chute du mur de Berlin, lorsque le conflit prend fin, les puissances occidentales capitalistes l’abandonnent.

En 1990, sentant le vent tourner, il autorise le multipartisme politique, ouvrant légalement la porte à l’opposition. La conférence nationale qui s’ensuit permet à chacun de faire le procès du chef et de dénoncer les abus. Un de ses anciens hommes de confiance, ayant occupé plusieurs postes sous sa direction, Etienne Tshisekedi, a endossé depuis quelques années le rôle de leader de l’opposition. La non-sanction de ce dernier envoie un message clair au peuple : la répression faiblit, on peut publiquement accuser le chef Mobutu sans le payer de sa vie.

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Mobutu s’isole dans sa villa majestueuse de Kawele, en plein cœur de la jungle. Déclinant moralement, il est bientôt atteint d’un cancer de la prostate. Alors que la révolte gronde, il se rend à Genève afin d’être soigné. Sa longue convalescence en Europe aura pour effet de précipiter sa chute. Il revient quelques mois après, sur une terre où les gens ne veulent plus de lui.

A partir de 1994, des rwandais se réfugient à Kinshasa pour fuir le génocide, dans ce contexte de crise économique et politique, la tension monte. L’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo, qui est en fait le bras armé du Front patriotique rwandais et de l’Ouganda progressent dans le pays à partir de 1996. Menés par le futur président Laurent-Désiré Kabila, ces forces entrent à Kinshasa le 17 mai 1997. Vaincu, et grâce à la médiation de Nelson Mandela, Mobutu quitte le pouvoir et le pays humilié. En plus des étrangers, ses ministres les plus fidèles se détournent de lui ; abandonné de tous il fuit avec sa famille au Maroc, cédant le pouvoir à Kabila père. Il meurt à Rabat le 7 septembre 1997 ; la majorité de ses biens ainsi que l’argent sont gelés.

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Vie privée

Sa vie personnelle est plutôt trouble. Il épouse, en premières noces, Marie-Antoinette Gbiatibwa Yetene en 1955, alors qu’elle est âgée de 14 ans. Avec elle il a neuf enfants et entretient parallèlement une liaison suivie avec Bobi Ladawa, institutrice, avec qui il a quatre enfants. Après la mort de  Marie-Antoinette, le 22 octobre 1977, il fait de Bobi et de sa jumelle Kosia, ses épouses le 1 janvier 1980, il aura trois enfants avec la deuxième. En dehors de ces noces, il entretient des relations avec plusieurs femmes de qui il aura également des enfants, soit vingt et un déclarés.

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Par ailleurs, il a pour réputation d’être un grand amoureux des femmes, et un stratège, même dans les relations qu’il entretient avec elles. Ainsi, Mobutu vivra des idylles avec les femmes de ses collaborateurs, afin de les diminuer eux et de soutirer des informations à celles-ci. Par ailleurs, on dit qu’il utilisait activement la magie noire et donc la soumission aux esprits. Alors qu’il est encore colonel, il confie à a télévision belge: « Nous devons marcher à fond, conclure même des alliances avec le diable, rien n’à faire, le Congo restera un et indivisible». Certainement un présage. Quoi qu’il en soit, après sa mort, certains de ses ex-ministres et proches collaborateurs diront avoir été au courant de ses pratiques mystiques et même l’avoir vu boire du sang…C’est son attachement aux sciences occultes qui serait responsable de la mort de quatre de ses fils, avant la sienne.

*Mobutu le guerrier qui va de victoire en victoire sans que personne ne puisse l’arrêter

SK
SK
SK est la rédactrice/ journaliste du secteur Politique, Société et Culture. Jeune femme vive, impétueuse et toujours bienveillante, elle vous apporte une vision sans filtre de l'actualité.

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