Dans les années 1970 naissait le black Feminism, volontairement différencié du féminisme de base par des femmes noires se sentant doublement exclues d’un féminisme blanc bourgeois et d’un nationalisme noir sexiste. Aujourd’hui, quelle est la vision et l’interprétation du féminisme et du droit des femmes par les noirs dans la société française?
Le mouvement du Black feminism aux Etats-Unis.
Le black feminism revendiquait à la fois l’oppression ressentie par les femmes par leur couleur de peau et par leur sexe. Ainsi en 1970, la Third word women’s alliance (L’alliance des femmes du tiers monde) publiait le texte Black Women manifesto, déclarant par celui-ci qu’il existe une oppression particulière envers les femmes noires. Parce qu’elles sont noires et parce qu’elles sont femmes. On pouvait lire dans le texte :
« La femme noire demande une nouvelle gamme de définitions de la femme, elle demande à être reconnue comme une citoyenne, une compagne, une confidente et non comme une vilaine matriarche ou une auxiliaire pour fabriquer des bébés. »
Les mouvements féministes noirs aux États-Unis, souvent liés aux mouvements révolutionnaires antiracistes et antiségrégationnistes, ont réussi à avoir un réel impact sur la condition de femmes noires aux Etats unis. Notamment avec les opérations menées contre la stérilisation contrainte des femmes noires lors des années 1970. Les féministes noires ont voulues se différencier du « féminisme blanc » en signifiant que « Toutes les femmes ne sont pas des Blanches et tous les Noirs ne sont pas que des hommes » (Black Women’s Studies. Gloria T. Hull, Patricia Bell, Scott et Barbara Smith, 1982).Ainsi, la militante et célèbre membre des Black Panthers Angela Davis explorait les liens idéologiques entre le pouvoir esclavagiste, le système des classes et la suprématie masculine en prouvant que les femmes noires souffrent d’une double oppression : celle par le système et celle subie à cause du sexe.
Le féminisme noir en France
Nous pouvons nous demander pourquoi le féminisme noir n’a jamais existé en France. En effet, les principaux mouvements et revendications sont nés et se sont développés aux États-Unis. On peut éventuellement se pencher sur l’hypothèse selon laquelle le féminisme serait abordé d’une façon différente en France, cette dernière aillant accueilli une grande partie de ses immigrés noirs entre les années 1960 et 1970, ayant comme bagage la culture de leurs pays d’origine. La complexité du féminisme africain réside dans le fait qu’il y aurait un schéma de la femme, cœur de la famille, femme au foyer, s’occupant des enfants et qui n’a pas les mêmes droits civiques que ceux de l’homme. Dans beaucoup de pays africains, le féminisme est vu comme un danger par les hommes et de nombreuses femmes ont souvent peur de prendre position pour affirmer leurs droits dans un pays politiquement dominé par les hommes.
Le livre d’Awa Thiam « la parole aux négresses » sorti en 1978, est l’exception qui confirme la règle. Le livre quasiment absent des travaux d’études féministes contemporains en France traite de la polygamie, de la clitoridectomie, du blanchiment de la peau ou encore de l’initiation sexuelle. Le livre est intéressant dans le sens ou l’auteure nous montre comment l’analogie du sexisme et du racisme a eu pour répercussion d’invisibiliser les femmes noires. Awa Thiam confirme aussi la théorie citée plus haut selon laquelle le féminisme ne peut pas être abordé de la même façon pour des femmes africaines et pour des femmes venant de pays industrialisés. Ces dernières années ont tout de même vus des revendications ressemblant fortement à du féminisme noir. On se souvient tous de la lutte du mannequin Katoucha contre l’excision qu’elle a elle-même subie, grâce à son association KPLCE.
Le féminisme noir est donc légitime au vue des idées défendues et par le fait que de nombreuses femmes noires ne se reconnaissent pas dans le féminisme ordinaire. Béatrice Borghino, du collectif marseillais Perspectives Plurielles, avait écrit lors de son exposition sur le féminisme:
« Si ces féministes noires, de couleur et du «tiers-monde», ne se reconnaissent pas dans le féminisme (sous-entendu «blanc»), c’est qu’il est perçu comme EXCLUANT les réalités des autres femmes de par sa manière de penser, ET les autres femmes elles-mêmes, de par sa façon de se comporter avec elles… »
Sources :
http://ancrages.org/wp-content/uploads/2012/02/feminisme-noirleger.pdf