Peut-on dire que le gang est l’une des rares formes d’organisation noire à avoir fonctionné ?
Avant que ces groupes aient une image désastreuse, de violence et de haine, notamment amplifiée par les médias ; ils furent, pour certains, une organisation noire porteuse de valeurs. A l’origine, ce sont des groupes organisés qui tentent de s’élever de cette condition misérable, de l’oppression subie par les noirs dans différents coins du monde. Ils se sont crées autour d’un message, d’une idéologie et d’un désir de fraternité.
Ainsi, il sera question d’évoquer les différents gangs de noirs ou formes analogues, leur motivation et leur portée, afin d’approfondir la réflexion.
Le Black Panthers Party
Ce mouvement, est né en 1966, à Oakland en Californie, à l’initiative de Bobby Seale et Huey P. Newton. Rapidement, il sera qualifié de gang par le gouvernement américain, qui voit en ce rassemblement de noirs conscients « la menace la plus sérieuse à la sécurité interne du pays » (selon J.Edgard Hoover). A l’origine, ces deux étudiants militants étaient partisans du combat de Martin Luther King, qui prônait la reconnaissance des droits des noirs par la non-violence. Pourtant, comme plusieurs jeunes noirs américains, lassés par les violences régulières de la police à leur égard, ils décident de suivre des mouvements plus radicaux.
Ainsi, après avoir adhéré à différents partis, ils décident de fonder le leur, le Black Panther Party For Self-Defense, qui deviendra le Black Panther Party. L’avènement de ce groupuscule marque un tournant historique dans l’évolution du militantisme afro-américain et, constitue une rupture avec le SCLC (South Christian League Conference) de Luther King.
Entendons bien qu’à l’origine, le Black Panther Party n’est pas une organisation anti-blanc. C’est un mouvement pro-noir, désireux de faire les choses par lui-même et qui contrôle minutieusement les rapports avec les blancs, afin qu’aucune influence insidieuse de ces derniers ne puisse être exercée sur les noirs.
La non-violence est un point de discorde, car beaucoup de jeunes attendent des actions concrètes. Ici aussi, la violence est utilisée comme réponse à une violence préexistante. Les BP se structurent alors de façon méticuleuse, en veillant prioritairement à respecter la loi ; dix points sont établis comme la charte du parti.
Ils s’arment afin de pouvoir se défendre et organisent une milice de sécurité, qui exerce des rondes et est chargée de vérifier que les contrôles de police sur les noirs se fassent dans les règles. Le BPP, qui s’inspire de Malcolm X, mais aussi de Mao, vend les livres rouges de ce dernier pour financer l’achat d’armes. Ainsi, le parti fonctionne comme une petite communauté, structurée par une économie. Les BP tiennent tête à la police d’Oakland ce qui fait rapidement croître le nombre d’adhérents. Son influence s’étend notamment grâce aux différentes alliances qu’ils font avec d’autres partis, partageant le même combat. L’affluence les force à aménager le parti : Le comité central, dirigé par un Ministre de la Défense et le président du parti, puis chaque état possède son « chapitre » et chaque grande ville une branche, divisée en sections, elles-mêmes divisées en sous-sections.
Cette organisation fonctionnelle, essentiellement menée par des noirs et pour des noirs, devient risque parce qu’elle trouve un accueil plus que favorable chez les afro-américains et les conscientise. Par ailleurs, elle s’auto-finance et se donne les moyens de combattre le système avec les mêmes armes, jusqu’à devenir une société quasi indépendante. Car, au-delà de la défense, le BPP lance un programme social d’envergure pour la communauté noire :
- Des cliniques gratuites
- Des dépistages de la drépanocytose et des études politiques de cette maladie (exigeant plus de recherches sur le fait qu’elle touche en grande partie des noirs)
- Le « Free Breakfast for children programme » qui a nourrit environ 30 000 enfants
- Le don de vêtements
- Des cours de politique et d’économie
- Des cours d’auto-défense et de premiers soins ainsi que la mise en place d’ambulances d’urgence
- La mise à disposition de transports pour les familles allant visiter des détenus du parti
- Des programmes de réhabilitation pour les alcooliques et les toxicomanes
Le parti voulait une communauté noire forte et digne et luttait donc contre tout fléau, volontairement induit, qui empêchait cette élévation. Ses objectifs étaient : nourrir, soigner, éduquer.
Ainsi, le FBI, dirigé par J. Edgard Hoover de 1924 à 1972, n’a d’autres moyens pour les éradiquer, que de les infiltrer. La chute du parti est due à des luttes intestines, fomentées par les agents du FBI. Pour le combattre, ils utilisent le même programme que celui visant à détruire le communisme dans les années 50 : le COINTELPRO. Le déploiement des autorités pour faire imploser le parti est d’une envergure inédite.
Un soir de 1967, la police contrôle Huey P. Newton et la rencontre tourne à la fusillade. Un policier est tué, un autre blessé et Newton emprisonné. Commencera alors une campagne de libération (« Free Newton ») qui, au lieu de calmer l’engouement de la population pour le mouvement, lui donnera une popularité encore plus retentissante. Toutefois, l’acharnement du FBI aura raison de cette initiative et tous les militants les plus dévoués seront tués, emprisonnés ou exilés. Le Black Panther parti disparaît en 1973.
Nous pouvons donc dire que ces gangs sont nés en réponse à des lacunes des gouvernements et à un désir de structuration et d’autonomie des noirs par et pour eux-mêmes. Ils sont, à l’origine, des initiatives répondant aux besoins d’une communauté donnée et ont tenté de s’organiser le mieux possible pour servir leurs intérêts toujours relégués au second plan. Tous sont devenus gang, menaces, dès lors que leur projet était reçu favorablement par les autres noirs et qu’ils firent preuve de détermination, de courage et d’intelligence, ne cédant pas aux pressions de l’establishment politique. Pourtant, ces gangs sont nécessairement des groupuscules politiques de par leur nature et leur raison d’être.
On constate que les difficultés à faire perdurer ces organisations sont effectivement du fait de l’Etat, mais aussi et surtout dues à ce manque de solidarité caractéristique du noir. A ce manque de ténacité des générations qui suivent et pourraient utiliser ces erreurs pour reprendre le flambeau, en améliorant. Force est donc de constater que le noir peine aujourd’hui encore à faire le choix des siens et à s’interroger sur sa condition pour enfin se libérer et vivre dignement.