Le ‘land grabbing’, nouvelle facette du colonialisme

Le land grabbing en Afrique : spéculation foncière ou sécurité alimentaire ? Découvrez les véritables motivations derrière ce phénomène.

La razzia des pays riches sur les terres arables partout dans le monde est, de nos jours, l’un des phénomènes qui freine le plus dangereusement l’émergence du continent. Sécurité alimentaire pour les uns, pure spéculation foncière pour les autres, cette logique anti-développement de l’Afrique se base sur une législation foncière faible et la course aux investisseurs dans les pays pauvres. Et sur un processus d’acquisition forcée à des conditions de cession opaques, entraînant l’expropriation pure et simple des agriculteurs locaux. 

Qu’est-ce que le land grabbing ?

Le land grabbing, ou accaparement des terres, est un phénomène complexe qui a des implications profondes pour les pays en développement, en particulier en Afrique. En théorie, ce terme désigne la vente, la location ou la cession de terres arables à grande échelle, impliquant souvent plusieurs milliers d’hectares, entre un État et un investisseur. Cet investisseur peut être local ou étranger, public ou privé. Ces transactions sont souvent présentées comme des opportunités de développement économique pour les pays hôtes, promettant des investissements en infrastructures, la création d’emplois et une augmentation de la production agricole.

Cependant, en pratique, le land grabbing se traduit fréquemment par l’expropriation et l’expulsion des populations locales qui dépendent de ces terres pour leur subsistance. Les terres acquises par les investisseurs sont souvent transformées en exploitations agricoles industrielles destinées à l’exportation, à la production de biocarburants, ou à d’autres usages commerciaux. Cette transformation entraîne une perte de moyens de subsistance pour les agriculteurs locaux, qui se retrouvent sans terre et sans ressources.

Les exploitations agricoles résultant du land grabbing sont généralement orientées vers la monoculture intensive, utilisant des techniques agricoles industrielles telles que les organismes génétiquement modifiés (OGM), les pesticides et les engrais chimiques. Ces pratiques agricoles peuvent avoir des effets dévastateurs sur l’environnement local, contribuant à la dégradation des sols, à la pollution des ressources en eau et à la perte de biodiversité.

L’une des principales justifications du land grabbing est la sécurité alimentaire pour les pays investisseurs. Face à la croissance démographique mondiale et à la demande croissante en aliments et en énergie, des pays riches, souvent confrontés à des contraintes foncières et climatiques, cherchent à sécuriser leur approvisionnement en denrées alimentaires et en biocarburants en acquérant des terres à l’étranger. Ainsi, des États comme les Émirats Arabes Unis, la Chine et l’Inde investissent massivement dans les terres agricoles des pays en développement pour garantir leur approvisionnement à long terme.

Cependant, cette pratique soulève des questions éthiques et économiques. Les contrats de cession de terres sont souvent négociés dans des conditions opaques, sans consultation adéquate des communautés locales, et avec des compensations souvent insuffisantes ou inexistantes pour les populations déplacées. Les gouvernements des pays hôtes, parfois motivés par la corruption ou la pression économique, peuvent favoriser ces transactions au détriment des droits de leurs propres citoyens.

En outre, le land grabbing accentue les inégalités foncières et aggrave la pauvreté rurale. Les petits agriculteurs, qui dépendent des terres pour leur subsistance, sont les plus touchés. Privés de leurs terres, ils perdent non seulement leurs moyens de production, mais aussi leur identité culturelle et leur lien avec la terre. Les conflits fonciers et les déplacements forcés qui en résultent peuvent provoquer des tensions sociales et des troubles politiques.

Le land grabbing a également des implications sur la souveraineté alimentaire des pays hôtes. Alors que les terres arables sont détournées pour des productions destinées à l’exportation, les paysans locaux se retrouvent sans accès à des terres pour cultiver leur propre nourriture. Cette situation peut exacerber l’insécurité alimentaire et la dépendance à l’égard des importations alimentaires, rendant les pays hôtes vulnérables aux fluctuations des prix mondiaux des denrées alimentaires.

Un phénomène aggravé par les crises

Le phénomène du land grabbing a connu une intensification notable suite aux crises financières et alimentaires de 2007-2008. Ces crises ont provoqué une augmentation rapide des prix des denrées alimentaires, entraînant une inquiétude mondiale quant à la sécurité alimentaire. En réponse, de nombreux pays riches ont cherché à sécuriser leur approvisionnement en aliments en acquérant des terres agricoles dans les pays en développement.

Ces crises ont révélé la vulnérabilité des systèmes alimentaires mondiaux et ont incité les États riches à adopter des stratégies agressives pour garantir leur accès à des ressources agricoles stables. En parallèle, l’expansion rapide de l’agro-industrie, motivée par les perspectives de profits élevés dans le secteur agricole, a amplifié le mouvement d’accaparement des terres. Les investisseurs voient dans ces acquisitions une opportunité de diversifier leurs portefeuilles et de bénéficier de la hausse des prix des produits agricoles.

À ce jour, plus de 80 millions d’hectares de terres agricoles auraient changé de mains dans le cadre de transactions souvent opaques et controversées. Ces acquisitions massives de terres s’accompagnent fréquemment de la prise de contrôle des ressources en eau, un élément essentiel pour la production agricole. Des États comme les États-Unis, Israël, les Émirats Arabes Unis, le Qatar, l’Inde, le Royaume-Uni, l’Égypte et la Chine sont parmi les principaux acteurs de ce phénomène. Ces pays, confrontés à des contraintes foncières et hydriques chez eux, cherchent à sécuriser leurs besoins alimentaires en externalisant leur production agricole.

Les investisseurs, qu’ils soient étatiques ou privés, justifient ces acquisitions par la nécessité de garantir la sécurité alimentaire de leurs populations. Cependant, en pratique, les terres arables acquises sont souvent destinées à des cultures d’exportation ou à la production de biocarburants, plutôt qu’à satisfaire les besoins alimentaires locaux des pays hôtes. Cette dynamique aggrave l’insécurité alimentaire dans les régions concernées, où les terres agricoles sont détournées de leur usage traditionnel.

La prise de contrôle des ressources en eau est une composante clé de ce phénomène. Les terres agricoles ne peuvent être pleinement exploitées sans un accès sécurisé à l’eau pour l’irrigation. Par conséquent, les accords de land grabbing incluent souvent des droits sur les sources d’eau locales, ce qui peut exacerber les conflits et les tensions autour de ces ressources vitales. Les communautés locales, déjà vulnérables, se retrouvent souvent privées de l’accès à l’eau nécessaire pour leurs besoins quotidiens et agricoles.

L’impact de ces acquisitions sur les communautés locales est dévastateur. Les paysans, qui dépendent de ces terres pour leur subsistance, sont souvent expropriés sans compensation adéquate, perdant ainsi leurs moyens de production et leur patrimoine culturel. Les déplacements forcés et la perte de terres exacerbent la pauvreté rurale et créent des tensions sociales. Les conflits fonciers deviennent plus fréquents, alimentant l’instabilité politique dans les régions touchées.

Les gouvernements des pays hôtes, dans leur quête de capitaux étrangers et de développement économique, se retrouvent souvent complices de ces transactions. Motivés par la promesse d’investissements en infrastructure et de création d’emplois, ils accordent des concessions foncières à grande échelle sans tenir compte des droits des populations locales. La législation foncière faible et la corruption généralisée facilitent ces acquisitions, qui se font généralement au détriment des communautés locales.

Les principaux acteurs du land grabbing

Le phénomène du land grabbing implique une diversité d’acteurs, chacun ayant ses propres motivations et objectifs. Parmi les principaux accapareurs de terres, on trouve des gouvernements nationaux, des entreprises multinationales et des investisseurs financiers, tous attirés par la promesse de rendements élevés et de sécurité alimentaire à long terme.

Les gouvernements des pays riches

Les pays du Golfe : Les gouvernements des pays riches du Golfe, notamment l’Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis et le Qatar, sont parmi les plus actifs dans l’acquisition de terres à l’étranger. Ces pays, confrontés à des contraintes environnementales sévères, telles que le manque d’eau et de terres arables, cherchent à sécuriser leur approvisionnement alimentaire en investissant massivement dans des terres agricoles à l’étranger. En achetant ou en louant de vastes étendues de terres dans des pays en développement, ils visent à assurer leur autosuffisance alimentaire et à réduire leur dépendance aux marchés mondiaux.

Les pays européens : En Europe, des pays comme l’Allemagne, la Suède et le Royaume-Uni participent également à ce phénomène. Ces gouvernements soutiennent souvent les entreprises nationales dans leurs investissements à l’étranger, cherchant à diversifier leurs sources d’approvisionnement en denrées alimentaires et en matières premières. Les pays européens sont également motivés par des considérations écologiques et économiques, utilisant parfois ces terres pour des projets de bioénergie et de conservation.

Les pays asiatiques : En Asie, des pays tels que la Chine, la Corée du Sud, l’Inde et le Japon sont fortement impliqués dans le land grabbing. La Chine, par exemple, a besoin de vastes quantités de terres agricoles pour soutenir sa population croissante et son industrie agroalimentaire en pleine expansion. La Corée du Sud et le Japon, confrontés à des contraintes foncières internes, cherchent également à externaliser leur production agricole pour garantir la sécurité alimentaire.

Les acteurs privés

Les multinationales : Les entreprises multinationales jouent un rôle central dans le land grabbing. Ces entreprises, souvent basées dans les pays développés, investissent dans les terres agricoles des pays en développement pour des raisons commerciales. Elles voient dans ces terres une opportunité de maximiser leurs profits en utilisant des méthodes agricoles industrielles pour produire des cultures destinées à l’exportation. Les multinationales de l’agro-industrie, en particulier, sont attirées par la possibilité de produire des aliments à moindre coût grâce à la main-d’œuvre bon marché et aux régulations environnementales moins strictes dans les pays hôtes.

Les groupes de capital-risque et les banques d’investissement : Les groupes de capital-risque et les banques d’investissement voient dans les terres agricoles une classe d’actifs attrayante offrant des rendements potentiellement élevés. Ces investisseurs financiers, souvent basés dans les centres financiers mondiaux, achètent des terres pour spéculer sur leur valeur future ou pour diversifier leurs portefeuilles d’investissement. Les fonds de couverture et autres institutions financières utilisent des modèles sophistiqués pour identifier les opportunités d’investissement dans les terres agricoles, capitalisant sur les tendances mondiales de la demande alimentaire et énergétique.

Les fonds de couverture : Les fonds de couverture et autres fonds spéculatifs sont également des acteurs majeurs du land grabbing. Attirés par la perspective de rendements élevés, ces fonds investissent dans les terres agricoles avec l’intention de les revendre à un prix plus élevé ou de tirer des profits de leur exploitation. Leur approche purement financière contraste souvent avec les besoins et les droits des communautés locales, qui sont rarement consultées ou indemnisées de manière adéquate.

Impact et motivations

Les motivations derrière le land grabbing varient selon les acteurs. Pour les gouvernements, il s’agit principalement de garantir la sécurité alimentaire et de stabiliser l’approvisionnement en denrées essentielles. Pour les entreprises multinationales, l’objectif est de maximiser les profits en accédant à des terres fertiles et à des ressources bon marché. Pour les investisseurs financiers, il s’agit de diversifier leurs portefeuilles et de spéculer sur l’augmentation future de la valeur des terres agricoles.

Cependant, les conséquences pour les pays hôtes et les populations locales sont souvent désastreuses. L’acquisition massive de terres entraîne des déplacements forcés, la perte de moyens de subsistance, et des conflits sociaux. Les terres agricoles, autrefois utilisées pour nourrir les communautés locales, sont transformées en monocultures industrielles destinées à l’exportation, exacerbant ainsi l’insécurité alimentaire dans les régions concernées.

L’Afrique, principale cible

L’Afrique est particulièrement touchée par le land grabbing, un phénomène qui exacerbe les problèmes de pauvreté et d’insécurité alimentaire sur le continent. La diversité des pays concernés par cette pratique illustre l’ampleur du problème. Des pays comme le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, l’Égypte, l’Éthiopie, le Ghana, le Kenya, le Liberia, Madagascar, le Mali, le Maroc, le Mozambique, le Niger, le Nigeria, la République Démocratique du Congo, le Sénégal, la Sierra Leone, le Soudan, la Tanzanie, le Togo, la Zambie et le Zimbabwe sont parmi les principales cibles de l’accaparement des terres.

Les gouvernements africains, souvent sous la pression économique et politique, sont incités à céder des terres arables à des investisseurs étrangers. Ces transactions sont fréquemment entourées d’opacité et de manque de transparence, avec peu ou pas de consultation des communautés locales affectées. Les contrats signés avec les investisseurs comportent rarement des clauses protectrices pour les populations locales, qui se retrouvent souvent expropriées sans compensation adéquate.

L’attrait pour les terres africaines s’explique par plusieurs facteurs. L’Afrique possède des vastes étendues de terres fertiles et relativement bon marché comparées aux terres des pays développés. De plus, la législation foncière dans de nombreux pays africains est souvent faible ou mal appliquée, ce qui facilite les acquisitions de terres par des investisseurs étrangers.

Les conséquences de ces acquisitions massives de terres sont dévastatrices pour les communautés locales. Les paysans et les agriculteurs, qui dépendent de ces terres pour leur subsistance, se voient privés de leur principal moyen de survie. L’expulsion des habitants de leurs terres entraîne des déplacements forcés et la destruction des moyens de subsistance traditionnels. En outre, les projets agricoles à grande échelle souvent introduits sur ces terres se concentrent sur des cultures destinées à l’exportation, comme le palmier à huile, le sucre et les biocarburants, plutôt que sur les cultures vivrières nécessaires pour nourrir les populations locales.

Par exemple, en Éthiopie, des vastes étendues de terres sont louées à des investisseurs étrangers, notamment des pays du Golfe, pour produire des denrées alimentaires destinées à l’exportation, tandis que la sécurité alimentaire des Éthiopiens est négligée. Dans de nombreux cas, ces projets entraînent des conflits locaux et des tensions sociales, exacerbant la pauvreté et l’instabilité.

Le land grabbing a également des impacts environnementaux considérables. Les pratiques agricoles industrielles introduites par les investisseurs comprennent souvent la monoculture intensive, l’utilisation excessive de pesticides et d’engrais chimiques, et le recours à des techniques qui épuisent rapidement les sols. Ces pratiques dégradent l’environnement local, entraînant la perte de biodiversité, la déforestation et la pollution des ressources en eau.

La République Démocratique du Congo (RDC), riche en ressources naturelles et terres arables, est une cible de choix pour les investisseurs étrangers. Les vastes territoires de la RDC sont souvent cédés à des entreprises multinationales pour l’exploitation minière et agricole, au détriment des droits des communautés locales. Cette situation illustre un schéma similaire dans d’autres pays africains où les terres sont accaparées pour des projets extractifs ou agricoles.

Bien que l’Afrique soit la principale cible du land grabbing, cette pratique est également répandue en Amérique Latine et dans les Caraïbes, en Europe de l’Est, et en Asie du Sud-Est. En Amérique Latine, des pays comme Cuba, la Colombie, l’Argentine et le Brésil voient leurs terres accaparées pour des projets agricoles et énergétiques. En Europe, des pays comme l’Ukraine, la Russie, la Géorgie et la Turquie sont également touchés. En Asie, des nations comme l’Indonésie, les Philippines, l’Inde, la Thaïlande, le Laos et le Pakistan font face à des défis similaires.

Conséquences pour les populations locales

Depuis 2001, l’Afrique a perdu plus de 33 millions d’hectares de terres arables en raison du land grabbing, affectant gravement les populations locales. Cette perte massive de terres, souvent réalisée sans consultation ni consentement des communautés locales, a des répercussions dévastatrices sur leur sécurité alimentaire et leurs moyens de subsistance.

Le land grabbing se traduit fréquemment par l’expropriation et l’expulsion des populations locales. Les terres, qui sont le principal moyen de subsistance pour de nombreuses communautés rurales, sont accaparées par des investisseurs étrangers ou locaux pour des projets agricoles industriels, miniers ou de biocarburants. Les paysans, souvent sans titres fonciers officiels mais ayant des droits coutumiers anciens, se retrouvent dépouillés de leurs terres sans compensation adéquate.

Ces déplacements forcés entraînent des pertes économiques et sociales significatives. Les familles expropriées perdent non seulement leurs terres, mais aussi leurs maisons, leurs sources de nourriture, et leur accès à des ressources vitales comme l’eau. Elles sont souvent relogées dans des zones moins fertiles ou urbaines où il est difficile de trouver du travail, augmentant ainsi leur vulnérabilité à la pauvreté et à l’insécurité alimentaire.

L’impact du land grabbing sur la sécurité alimentaire est particulièrement préoccupant. Les terres accaparées sont généralement utilisées pour des cultures destinées à l’exportation ou à la production de biocarburants, plutôt que pour la production alimentaire locale. Cette orientation vers les cultures de rente entraîne une réduction des surfaces disponibles pour les cultures vivrières, exacerbant ainsi l’insécurité alimentaire dans les régions concernées.

Selon l’OCDE, les cours des denrées agricoles devraient se maintenir à des niveaux élevés pendant les dix prochaines années, augmentant encore la pression sur les terres arables. Cette situation aggrave la vulnérabilité des populations locales, qui voient leurs ressources alimentaires se raréfier et devenir plus coûteuses. L’incapacité des gouvernements à assurer la priorité des besoins alimentaires locaux dans les contrats de cession de terres aggrave encore ce problème.

La perte de terres arables affecte également les conditions de vie des populations locales. L’agriculture est souvent la principale source de revenus pour les familles rurales, et la perte de terres signifie une perte de revenus. Les projets d’accaparement des terres introduisent souvent des techniques agricoles intensives qui dégradent l’environnement local, rendant les terres encore moins productives pour les cultures vivrières futures.

Les nouvelles méthodes de production agricole mises en œuvre par les investisseurs, telles que la monoculture et l’utilisation intensive de produits chimiques, peuvent épuiser les sols et polluer les ressources en eau. Ces pratiques nuisent à la durabilité de l’agriculture locale et menacent la biodiversité, réduisant les options de subsistance pour les générations futures.

Le land grabbing engendre également des conflits sociaux et des tensions au sein des communautés locales. Les différends sur les droits fonciers et les expulsions forcées peuvent provoquer des conflits entre les communautés et les nouveaux investisseurs, ainsi qu’entre les communautés elles-mêmes. Ces conflits peuvent mener à des violences, des troubles civils et une instabilité politique.

Les tensions sont exacerbées par l’absence de transparence et de participation des communautés locales dans les processus de négociation et de décision concernant les transactions foncières. Les communautés locales sont souvent laissées dans l’ignorance des accords conclus, et leurs préoccupations et besoins ne sont pas pris en compte. Cette marginalisation alimente le ressentiment et la méfiance envers les autorités locales et les investisseurs étrangers.

Pour atténuer les impacts négatifs du land grabbing sur les populations locales, plusieurs mesures peuvent être mises en place :

  1. Renforcement des droits fonciers : Il est crucial de renforcer les droits fonciers des communautés locales en reconnaissant et en protégeant les droits coutumiers et en assurant des procédures transparentes pour l’enregistrement des terres.
  2. Consultation et consentement préalable : Les communautés locales doivent être consultées de manière significative et leur consentement doit être obtenu avant toute transaction foncière. Cela implique des processus transparents et inclusifs de prise de décision.
  3. Compensations adéquates : Les personnes expropriées doivent recevoir des compensations adéquates et équitables pour la perte de leurs terres, de leurs maisons et de leurs moyens de subsistance.
  4. Priorité à la sécurité alimentaire : Les projets d’accaparement des terres doivent inclure des clauses qui assurent la priorité des besoins alimentaires locaux et l’approvisionnement des marchés nationaux.
  5. Surveillance et régulation : Il est nécessaire de mettre en place des mécanismes de surveillance et de régulation pour assurer que les transactions foncières respectent les droits humains et environnementaux.

Sécurité alimentaire ou spéculation foncière ?

La ruée vers les terres arables dans les pays en développement est souvent présentée sous le prétexte de garantir la sécurité alimentaire. Cependant, derrière cette justification se cachent fréquemment des motivations purement spéculatives. Les contrats fonciers conclus entre les gouvernements des pays hôtes et les investisseurs étrangers manquent souvent de transparence et ne contiennent généralement pas de clauses obligeant les investisseurs à contribuer à la sécurité alimentaire des populations locales.

Pour de nombreux pays riches et investisseurs étrangers, la sécurisation des approvisionnements alimentaires est une préoccupation majeure. Les crises alimentaires de 2007-2008 ont mis en lumière la vulnérabilité des systèmes alimentaires mondiaux et ont poussé ces acteurs à chercher des moyens de stabiliser leur accès à des denrées essentielles. Ainsi, les investissements dans les terres agricoles des pays en développement sont présentés comme une solution pour produire des aliments destinés à l’exportation, garantissant ainsi l’approvisionnement des pays investisseurs.

Cependant, cette justification masque souvent les véritables motivations derrière ces acquisitions massives de terres. Bien que la sécurité alimentaire soit un argument couramment avancé, les investissements sont souvent orientés vers des cultures de rente ou des productions de biocarburants, qui ne profitent pas directement aux populations locales.

En réalité, de nombreux investisseurs voient dans les terres agricoles une opportunité de spéculation financière. Les terres arables sont perçues comme des actifs tangibles dont la valeur est susceptible d’augmenter en raison de la demande croissante en nourriture et en énergie. Les fonds de couverture, les banques d’investissement et les groupes de capital-risque sont particulièrement attirés par ces perspectives de profits élevés à long terme.

Ces investisseurs spéculatifs achètent des terres non pas pour y développer des projets agricoles durables, mais pour capitaliser sur l’appréciation future des prix fonciers. Ils exploitent les failles des régulations foncières et l’opacité des transactions pour maximiser leurs gains, souvent au détriment des communautés locales.

Les contrats fonciers sont souvent conclus dans des conditions opaques, avec peu de consultation des populations locales. Les gouvernements des pays hôtes, désireux d’attirer des investissements étrangers, accordent des concessions foncières à grande échelle sans imposer de conditions strictes aux investisseurs. Ces contrats manquent généralement de clauses obligeant les investisseurs à garantir l’approvisionnement des marchés locaux ou à contribuer à la sécurité alimentaire des communautés hôtes.

Par exemple, en Éthiopie, de vastes portions de terres sont cédées à des investisseurs étrangers, notamment des pays du Golfe, pour des projets agricoles destinés à l’exportation. Ces accords négligent souvent les besoins alimentaires de la population éthiopienne, qui continue de faire face à des défis importants en matière de sécurité alimentaire.

Les populations locales sont les premières victimes de ces pratiques spéculatives. Expropriées de leurs terres, elles perdent leurs moyens de subsistance et sont souvent relogées dans des zones moins fertiles, ce qui aggrave leur insécurité alimentaire. Les nouveaux projets agricoles, orientés vers les cultures de rente ou les biocarburants, ne bénéficient pas directement aux communautés locales et contribuent à l’augmentation des prix alimentaires.

Les contrats fonciers sans garanties pour les populations locales aggravent également les inégalités économiques et sociales. Les bénéfices générés par ces projets profitent principalement aux investisseurs étrangers et aux élites locales, tandis que les communautés rurales sont laissées pour compte.

Pour remédier à ces problèmes, il est crucial de mettre en place des régulations plus strictes et transparentes concernant les transactions foncières. Les gouvernements des pays hôtes doivent exiger des contrats plus équitables, incluant des clauses de protection des droits des populations locales et des obligations de contribuer à la sécurité alimentaire nationale.

Les investisseurs doivent également être tenus responsables de leurs actions et des impacts de leurs projets sur les communautés locales. Des mécanismes de suivi et de reddition de comptes doivent être instaurés pour garantir que les projets agricoles bénéficient réellement aux populations locales et ne servent pas uniquement des intérêts spéculatifs.

La nécessité d’une action ferme

Pour contrer le phénomène du land grabbing et protéger les populations locales, une action ferme et déterminée des gouvernements des pays africains est indispensable. Voici plusieurs mesures essentielles pour atteindre cet objectif.

La souveraineté alimentaire doit être la priorité absolue des gouvernements africains. Cela implique un contrôle total de la politique agricole nationale, visant à garantir que les terres arables soient principalement utilisées pour la production de denrées alimentaires destinées à satisfaire les besoins locaux. Les gouvernements doivent mettre en place des politiques agricoles qui favorisent la production vivrière et réduisent la dépendance aux importations alimentaires.

Les droits des populations locales à utiliser et à posséder leurs terres doivent être fermement protégés. Cela peut être réalisé par :

  1. Renforcement des droits fonciers coutumiers : La reconnaissance et la protection des droits fonciers coutumiers sont cruciales. Les gouvernements doivent adopter des lois et des régulations qui reconnaissent officiellement ces droits et empêchent l’expropriation sans compensation adéquate.
  2. Enregistrement des terres : Mettre en place des systèmes d’enregistrement foncier accessibles et transparents pour garantir que les terres des communautés locales soient officiellement reconnues et protégées contre les acquisitions illégales.
  3. Consultation et consentement préalable : Les populations locales doivent être consultées de manière significative avant toute transaction foncière. Leur consentement libre, préalable et éclairé doit être obtenu pour toutes les transactions affectant leurs terres.

Il est crucial d’introduire des mécanismes de transparence et de régulation pour toutes les transactions foncières. Les contrats doivent être publics et inclure des clauses garantissant la protection des droits des populations locales et des obligations claires pour les investisseurs de contribuer à la sécurité alimentaire nationale.

  1. Contrats transparents et équitables : Les contrats de cession de terres doivent être rédigés de manière transparente et inclure des conditions qui assurent la priorité aux besoins alimentaires locaux.
  2. Suivi et évaluation : Mettre en place des mécanismes de suivi et d’évaluation pour surveiller les impacts des projets d’investissement sur les populations locales et l’environnement. Ces mécanismes doivent inclure des procédures de recours pour les communautés affectées.

Informer et sensibiliser l’opinion mondiale est également crucial pour créer une pression internationale sur les gouvernements et les investisseurs. Les organisations non gouvernementales (ONG), les médias, et les groupes de la société civile jouent un rôle clé dans cette sensibilisation.

  1. Campagnes de sensibilisation : Lancer des campagnes de sensibilisation pour informer le public sur les impacts négatifs du land grabbing et mobiliser le soutien international pour des politiques plus équitables.
  2. Plaidoyer et lobbying : Faire pression sur les institutions internationales, telles que les Nations Unies, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), et la Banque mondiale, pour qu’elles adoptent des politiques et des régulations qui protègent les droits des populations locales et promeuvent la souveraineté alimentaire.

Les pays africains doivent également renforcer leur coopération régionale pour lutter contre le land grabbing. En travaillant ensemble, ils peuvent adopter des politiques cohérentes et présenter un front uni contre les pressions des investisseurs étrangers.

  1. Politiques régionales harmonisées : Adopter des politiques régionales harmonisées pour la gestion des terres et la protection des droits fonciers, afin de prévenir les acquisitions illégales et les conflits fonciers transfrontaliers.
  2. Partage des bonnes pratiques : Partager les bonnes pratiques et les leçons tirées des expériences de différents pays pour améliorer la gestion foncière et renforcer la résilience des communautés locales.

Le land grabbing représente une menace sérieuse pour l’Afrique et d’autres régions du monde. Il est impératif de mettre en place des mesures pour protéger les terres arables et assurer la sécurité alimentaire des populations locales. Comme le souligne Amadou Kanouté de Cicodev Africa :

« L’Afrique ne peut se contenter d’être une mère porteuse pour les autres continents. Le continent se doit d’être une mère nourricière d’abord pour ses enfants.« 

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https://www.nofi.media/2018/07/neo-colonialisme/56383
SK
SK
SK est la rédactrice/ journaliste du secteur Politique, Société et Culture. Jeune femme vive, impétueuse et toujours bienveillante, elle vous apporte une vision sans filtre de l'actualité.

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