Forcer les élus locaux à s’intéresser à la mémoire de la traite pour que les citoyens ouvrent les yeux sur la grosse part d’ombre que comporte le passé de la ville, tel est le pain quotidien de ce Sénégalais résidant à Bordeaux, qui s’est enrichie, en grande partie, avec le trafic des populations afro-caribéennes. Objectif : faire un travail de mémoire de la traite négrière dans la capitale girondine.
Bordeaux, ville du bon vin, des poêlée de cèpes en hiver et des cannelés, mais également la ville de résidence du Dakarois Karfa Diallo qui a décidé de rappeler à la cité bordelaise son passé lié au trafic d’esclaves. Un message que ce Sénégalais engagé tient à faire passer, malgré les difficultés.
Près d’une vingtaine de rues portent les noms de personnes, voire familles, qui se sont enrichies grâce à la traite négrière. Est-il normal « d’honorer ces gens » ? Un vrai débat.
Pourtant, la Mairie de Bordeaux estime que Karfa en fait un peu trop parfois : après tout, la traite des Noirs appartient au passé n’est-ce pas?
La municipalité organise des manifestations pour la journée du 10 mai en commémoration de l’abolition de l’esclavage en France : par exemple, une exposition permanente au musée d’Aquitaine consacrée à la traite figure parmi les plus visitées, que ce soit par les étudiants ou les familles de la région.
Désormais, Karfa Diallo organise des visites hebdomadaires du « Bordeaux nègre », une façon de faire découvrir cette histoire trop longtemps enfouie. En grand passionné le partage de la culture noire et l’actualité africaine, il se lance dans la rédaction d’un site, Senenews.com.
Karfa Diallo ne jette pas la pierre que sur les pays occidentaux. Il entend également parler de la traite organisée par les Arabes, sujet encore trop souvent tabou. Son travail mérite d’être salué et soutenu.
De cette histoire tragique, qui a vu le jour sur les bords de l’Atlantique, Karfa Diallo croit possible de réunir des gens dans une société unie et réveillée. Son livre au titre évocateur, Le Nègre de Bordeaux, raconte le récit d’un exil en terre d’oubli. Cet essai retrace quatorze années d’engagement citoyen. Les rives de cette Garonne, comme dans d’autres régions de l’Hexagone, renferment une lourde histoire dont il est essentiel de parler.