Harriet Tubman, c’est toi, c’est moi, c’est nous, car une héroïne sommeille en chaque Femme Noire, où qu’elle soit et quelle que soit son époque.
Par Natou Seba Pedro Sakombi
L’histoire commence en 1821, dans la ville de Araminta Ross, dans le Maryland, au sud des États-Unis. Une esclave noire donne naissance à son premier enfant, une petite fille qu’elle prénomme simplement Harriet, car à cette époque, les esclaves n’ont pas de nom de famille. En grandissant, Harriet verra naître ses neuf frères et sœurs et exécutera comme eux des tâches diverses, telles que le ménage dans la maison du maître, l’extraction de coton sur les plantations ou les travaux pénibles de la ferme. Ses journées sont remplies, elle ne fait rien d’autre que ça. Chaque fois qu’elle décide de souffler un peu ou de travailler à son aise, elle reçoit d’horribles coups de fouet, et même si Harriet n’est qu’une enfant, tout ça lui semble terriblement injuste !
Harriet n’est encore qu’une fillette lorsqu’elle décide d’aider un petit esclave à fuir de la plantation. Le gamin a commis une grave bêtise et on lui a promis un terrible châtiment. Certains esclaves supportent mal leurs punitions et y perdent la vie, Harriet préfère alors que son ami prenne le risque de fuir. Malheureusement, la tentative de fuite échoue, elle et son compagnon ramassent plusieurs coups de massue sur la tête. Harriet qui frôle la mort finit quand même par s’en remettre.
La chance accompagne Harriet : elle rencontre un homme noir qui fait parti de l’Underground Railroad (« Chemin de Fer Souterrain »), un réseau qui aide les Noirs à fuir des plantations et atteindre les États du Nord, où l’esclavage a déjà été aboli. L’employé aidera Harriet à se dissimuler dans un train, dans un sac de marchandises. Après plusieurs jours de souffrance extrême, elle parvient à destination sans s’être fait repérer.
Toutefois, malgré une nouvelle vie et une liberté gagnée, Harriet ne cesse de penser aux mauvais traitements et autres atrocités que subissent les compagnons qu’elle a laissés. La colère va vite s’emparer d’elle : elle se dit qu’il faut absolument arracher tous les Noirs des mains des esclavagistes. Il n’est pas question pour elle de rester à Philadelphie pendant que ses compagnons frôlent la mort tous les jours. Il faut retourner sur place et les aider à s’enfuir !
C’est ainsi qu’Harriet décide de rejoindre l’Underground Railroad et devient « passeuse », au péril de sa vie. Elle étudiera attentivement les leçons apprises par les membres de l’Underground Railroad : comment s’infiltrer secrètement dans les plantations, comment entrer en contact avec les esclaves désireux de s’enfuir, comment aider des familles entières à passer les frontières, comment manipuler une arme à feu, comment échapper aux chasses policières, etc. Tout un tas de techniques quasi militaires.
Une fois prête, Harriet décide de retourner dans son ancienne plantation pour délivrer sa sœur et ses deux enfants. L’opération réussit et l’encourage à continuer à libérer les esclaves qui le désirent. Petit à petit, elle devient une experte des « passes », et on dénombre pas moins de 19 voyages d’Harriet dans les plantations du Sud.
Au bout de quelques années, elle aura aidé plus de 300 esclaves à fuir et devenir libres sans qu’aucun d’entre eux ne soit capturé. Voici les différentes péripéties auxquelles Harriet fait face lors des voyages clandestins :
• elle doit parfois se montrer fin psychologue car pendant ces passes, beaucoup d’esclaves manifestent des crises d’angoisses. Harriet passe souvent des nuits entières à leur parler pour chasser leur panique.
• Pour calmer les bébés susceptibles de pleurer et de les faire remarquer, Harriet se voit obligée d’avoir sur elle des somnifères qu’elle leur administre quand c’est nécessaire.
• Il faut faire vite, car ils n’ont que quarante-huit heures avant que le maître esclavagiste n’alerte la presse pour qu’elle publie des avis de disparitions. Ce laps de temps doit leur permettre de s’éloigner le plus possible avant que la police se lance à leur poursuite
• Il faut habilement éviter les chasses et les battues des policiers lancés à leur recherche. Harriet devra utiliser son fusil au cas où. Il lui est même arrivé de pointer ce même fusil sur l’un des esclaves qui décidera de ne plus continuer et de se rendre à son maître. Par ce geste brutal, Harriet veut lui faire comprendre que s’il se rend, il est déjà un homme mort ; elle préfèrerait donc le tuer elle-même plutôt que laisser un Blanc le faire. Cet esclave choisira de continuer.
Les maîtres esclavagistes n’en peuvent plus de voir autant d’esclaves leur filer entre les doigts. Ils créent, en 1850, un décret qu’ils nomment le Fugitive Slaves Act. Ce décret prévoit que les maîtres ont le droit de poursuivre les esclaves dans tous les États-Unis, c’est-à-dire même dans ceux où l’abolition de l’esclavage a été proclamée.
Cette loi ne refroidira en rien Harriet, bien au contraire ! Mieux vaut risquer sa vie en essayant de la sauver que mourir dans la lâcheté. La renommée d’Harriet se répand dans tous les États-Unis. Son activisme la rend célèbre. Les Noirs l’admirent et la vénèrent, tandis que les Blancs cherchent à avoir sa peau. Elle ne cesse de narguer les autorités et va jusqu’à libérer ses propres parents, pourtant devenus très vieux.
Même si Harriet pense qu’elle mourra certainement si elle n’abandonne pas son rôle de « passeuse », c’est un autre élément historique qui viendra lui donner l’assurance d’une longue vie. En effet, la Guerre de Sécession (la Guerre Civile) éclate et oppose les États du Nord à ceux du Sud. L’abolition de l’esclavage sera l’un des points clés de cette fameuse guerre. Et suite à cela, en 1863, le président des États-Unis Abraham Lincoln proclame l’abolition de l’esclavage.
Harriet Tubman, c’est toi, c’est moi, c’est nous, car une héroïne sommeille en chaque Femme Noire, où qu’elle soit et quelle que soit son époque.