HANGBE, LA SEULE REINE DU DAHOMEY

Si les reines-mères du royaume de Dahomey exerçaient une influence politique notable, la fonction de souverain était réservée aux hommes. C’est par un accident de l’histoire, comme pour l’ascension de la reine Hatchepsout en Egypte qu’ Hangbe, sœur des rois Akaba et Agadja de Dahomey règnera brièvement à la mort du premier, devenant la seule reine de l’histoire du royaume.Peut-être à l’origine d’événements marquants comme la fondation du corps de Mino (ou amazones de Dahomey), le nom d’Hangbe est toutefois terni, dans la tradition par un certain nombre propos négatifs quant à ses mœurs

Par Sandro CAPO CHICHI
1. Origines

Hangbe est la fille d’Houegbadja, roi de Dahomey entre 1640-45 et 1680-85 et d’une femme appelée Adonon, la première Reine-Mère de l’histoire du royaume. Elle est la sœur jumelle de Yewunme, plus connu sous son nom de règne d’Akaba (vers 1685-1708) et la grande sœur -de père comme de mère-de Dosu, connu sous le nom d’Agadja (1708-1740). Bien qu’elle vécu entre les 17ème et 18ème siècles, la première mention écrite d’Hangbé est plus tardive et date du 19ème siècle.

2. Sous le règne d’Akaba

A la mort de son père Houégbadja vers 1680-85, c’est le jumeau d’Hangbé, Yewunme qui monte sur le trône. Son nom de couronnement, Akaba, qui est dérivé d’une phrase le comparant son accession au pouvoir à la lenteur du caméléon est interprétée comme un avènement à un âge avancé que devait aussi avoir Hangbe à ce moment. Les Fon étant une population accordant aux jumeaux un statut sacré et égalitaire, la montée sur le trône d’Akaba dût s’accommoder de sa gémelléité avec Hangbé. C’est ainsi que bien que le pouvoir royal serait resté entre les seules mains d’Akaba, l’ensemble des fonctions masculines de la société du royaume se seraient vues reproduites dans la sphère féminine. En raison du statut d’Hangbe, à partir du règne d’Akaba ou plus tard en son souvenir, les postes occupés par des hommes se seraient vus accorder des contreparties féminines, y compris dans les domaines politiques et militaires. Ainsi, à Dahomey, on trouvait des homologues féminins aux ministres du roi de Dahomey, que ce soit le Migan (ministre de la justice), le Gawu ou le Kposu (ministres de la guerre). En résidence au célèbre palais de Singbodji, elles secondaient les ministres masculins et s’occupaient aussi des problèmes exclusivement féminins. De cette dualité institutionnelle aurait aussi été créé les femmes guerrières, les Mino de Dahomey dont la première apparition est présentée par les chants des Mino et les traditions étrangères ouéménou comme ayant eu lieu en 1708, soit au moment du règne d’Akaba ou même peut-être de sa régence par Hangbe. En tant que sœur aînée de l’ancien roi Houégbadja, Hangbe jouissait en outre d’une autorité considérable sur l’ensemble du palais.

3. Régence et défaite

A la mort de son jumeau Akaba vers 1708, le prince héritier de ce dernier, Agbo Sasa aurait été trop jeune pour régner. Hangbe aurait assuré l’intérim tout en supportant Agbo Sasa. Plutôt que son propre fils. Etait-ce pour préserver la loi d’accession au pouvoir par une appartenance paternelle à la lignée royale ou pour pouvoir elle-même goûter au pouvoir  ? Toujours est-il qu’à la mort de son frère, plusieurs traditions orales mentionnent qu’Hangbe aurait profité de sa ressemblance avec Akaba pour garder la nouvelle de sa mort inconnue de ses troupes pour ne pas les démoraliser. Cette ruse aurait permis à Hangbe de mener ses troupes victorieusement contre les Ouéménous devant lesquels son frère avait perdu la vie. Hangbe reste semble-t-il trois ans au pouvoir avant que n’éclate un conflit entre Agbo Sassa, soutenu par Hangbe et Dosu, le frère de cette dernière à propos du trône. De ce conflit émerge victorieusement Dosu, qui prendra le nom d’Agadja et régnera sur Dahomey entre 1718 à 1740. Le fils d’Hangbe est assassiné, Agbo Sasa s’enfuit au nord et sa mère Hangbe est démise de son pouvoir effectif. La tradition rapporte qu’elle aurait, lors de sa déchéance, maudit publiquement le royaume prédisant sa conquête par les Européens. Malgré son règne, elle n’apparaît pas dans la liste des douze rois d’Abomey. Etait-ce pour avoir été l’opposante de son frère Agadja, ou pour avoir été une femme  ? Les témoignages de femmes au pouvoir écartées de la tradition historique officielle en raison de leur sexe ne manquent pas dans le monde, d’Hatshepsout d’Egypte ancienne à la reine Himiko du Japon. Des traditions font également d’Hangbe un personnage aux mœurs extrêmement libérées, voire dépravées. Qu’en est-il  ? Comme toutes les princesses royales de Dahomey, elle jouissait de privilèges sexuels dont ne jouissaient pas du tout les autres femmes du royaume. Il est toutefois possible que cette sexualité débridée ne soit que le résultat d’un processus de calomnie dirigé vers une ancienne opposante. Ici, les cas similaires dans l’Histoire du monde ne manquent pas non plus. Qu’il s’agisse de fiction ou de réalité historique, ces appréciations de la vie d’Hangbe n’entravent en tous cas en rien son rôle exceptionnel et remarquable dans l’histoire de Dahomey, de l’Afrique et du monde noir.

SK
SK
SK est la rédactrice/ journaliste du secteur Politique, Société et Culture. Jeune femme vive, impétueuse et toujours bienveillante, elle vous apporte une vision sans filtre de l'actualité.

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