François Duvalier fut le dirigeant austère de la République d’Haïti de 1957 à 1971. Au départ, docteur engagé dans la lutte contre les maladies de misère et les inégalités sociales, il se transforme progressivement en un autocrate sadique. Autoritaire et violent, il maintiendra Haïti dans la terreur et la désolation durant quatorze années pénibles, où militaires et miliciens se confondent et sont le seul véritable pouvoir de l’Etat. Répression, brutalité, frustration seront le régime du peuple haïtien durant le règne de Papa Doc, auquel succèdera celui de son fils, parfaitement analogue
Parcours
François Duvalier naît le 14 avril 1907 à Port-au-Prince, de parents originaires de la Martinique. Il obtient son diplôme de fin d’études en 1928 et intègre l’école de médecine de la Capitale. Une fois médecin, Duvalier choisit d’exercer dans les zones rurales, qui sont, malgré des conditions difficiles généralisées, davantage en proie à des maladies mortelles. Combattant ces maladies provoquées par la misère, il s’attire les faveurs de la population qui lui donne le surnom affectueux de « Papa Doc ». Intellectuel, il fréquente des confrères mais aussi des ethnologues et des spécialistes du vaudou, comme Lorimer Denis, qui lui sera très utile pour sa carrière politique future. Proche de certains militants de la cause noire, il partage également leurs idées et écrit même pour des revues indépendantes. Profitant des relations de Lorimer, François Duvalier fait la rencontre de Daniel Fignolé, professeur de mathématiques engagé, avec qui il crée Le Mouvement des Ouvriers Paysans (MOP) en 1946, dont il devient le secrétaire générale. La même année, grâce à son aisance et à sa popularité, il est nommé directeur de la Santé Publique par le président Dumarsais Estimé.
Vie privée
En 1939, il épouse Simone Ovide, infirmière et mère de ses quatre enfants : Marie-Denise, Nicole, Simone et Jean-Claude…
Entrée en politique
En 1949, Duvalier devient ministre de la Santé Publique et du Travail, avant d’être contraint à l’exile l’année d’après. En effet, prenant le parti de s’opposer au coup d’état du président Paul Magloire à la défaveur d’Estimé en 1950, il est forcé de s’en aller pour protéger sa vie. La situation politique se dégrade à Haïti, où règne désormais une confusion générale, ce dont va se servir Duvalier pour son retour sur l’île par la grande porte : lorsque l’amnistie entre e vigueur en 1956, il propose sa candidature à la présidence. Cinq gouvernements se sont succédé entre décembre 1956 et juin 1957, et les différentes milices continuent de s’affronter, au détriment des citoyens, c’est le chaos.
Convaincu que les inégalités proviennent de l’opposition entre haïtiens noirs afro-descendants et haïtiens mulâtres, il prône pendant sa campagne un discours pro-noir, défendant la négritude. Selon lui, cette majorité noire haïtienne doit gouverner la République, aux dépens des métis. Le discours fait mouche et Duvalier accède au pouvoir le 22 septembre 1957 avec 69,1% des voix.
Instauration de la terreur
En juillet 1958, un putsch visant le président Duvalier le pousse à instaurer l’Etat de siège. C’est la terreur qui commence. Le 31 juillet 1958, il obtient du parlement le pouvoir de gouverner par décret et donc de pouvoir annuler ou promulguer des lois, au gré de ses propres désirs : Les médias sont contrôlés, les partis d’opposition sont interdits, un couvre-feu est instauré, les tribunaux militaires remplacent les tribunaux civiles, l’armée remplace la police, la population est épiée…Tous les officiers que Duvalier juge déloyaux sont écartés de l’armée nationale. Le chef de la police et barbouze, Clément Barbot, est nommé à la tête d’une milice officieuse de répression, groupuscule paramilitaire et abrupte de quelques milliers d’hommes : Les volontaires de la sécurité nationale (VSN), inspiré des chemises noires de l’Italie fasciste. Cependant, la population et le monde entier les connaîtront plus sous le nom de ses membres, les Tonton Macoutes*. Ces derniers, qui sont en fait la garde rapprochée de Duvalier, participent à la dégradation de la situation sociale du pays. En effet, ne recevant aucune rétribution pour leurs services, ils se paieront aux frais de la population, notamment en la rackettant et en la torturant. La violence et les superstitions découlant du vaudou, maintiendront une grande partie des habitants dans un état de frayeur psychologique, les empêchant ainsi de se rebeller.
En 1959, François Duvalier est hospitalisé suite à une attaque cardiaque. Profitant de cet affaiblissement, un commando d’exilés débarque sur l’île avec l’intention d’en découdre. Barbot, prit au dépourvu, réussit à rétablir la situation grâce à l’intervention de la marine américaine. Une fois sur pied, Duvalier fait emprisonner Barbot, le soupçonnant d’avoir tenté » de prendre le pouvoir en son absence. Il l’accuse de complot et le laisse aux mains de ses troupes, les Tontons macoutes, qui le tuent en 1963, ainsi que ses frères et ses plus proches compagnons. Pourtant, pendant la plus grande partie de son règne, Duvalier doit esquiver des tentatives de coup d’états et d’attentats contre sa personne. Ceci a pour conséquence le durcissement de sa politique et le renforcement de son pouvoir, Duvalier se croyant grand défenseur de la République d’Haïti. La corruption, gangrène de la société, s’accroit ; les viols et les pillages deviennent des activités quotidiennes…normales. L’armée est désormais à la botte du chef d’état et plus aucun citoyen ne possède quelque liberté que ce soit. La débrouillardise pour les plus misérables, s’oppose à la gourmandise des plus puissants et rend le climat mortifère.
Ne pouvant fonctionner sans argent, Duvalier instrumentalise la phobie du communisme pendant la Guerre Froide, afin de s’attirer les aides américaines. Dans son discours prononcé à Jacmel (sud-est) le 25 juin 1960, il justifie son régime de répression comme étant nécessaire pour lutter contre le fléau communiste. Il insiste également sur le fait que l’aide financière américaine doit participer à la conservation de la République d’Haïti, afin que cette dernière puisse rester un allié.
Prise en otage du pouvoir
En 1961, voyant la fin de son mandat approcher, Duvalier réécrit la constitution et organise une élection présidentielle pour laquelle il est le seul candidat. Il est élu avec plus d’1 million des voix et personne ne vote contre lui… réélu pour six ans, il dissout le parlement.
L’église catholique commence à protester ouvertement contre cet abus de pouvoir et en paye sévèrement les conséquences : Le président chasse plusieurs prêtres et archevêques, dont l’archevêque de Port-au-Prince, à la suite de quoi il est excommunié. Trois ans plus tard, tous les jésuites seront également chassés. En avril 1963, une attaque est menée contre deux de ses enfants, une tentative de kidnapping qui échoue et donne lieu à un massacre organisé : le massacre du 26 avril 1963. Des dizaines d’opposants présumés et leurs familles sont tués, enlevés ou assassiner. Des centaines de maisons sont brûlées, avec leurs habitants à l’intérieur.
En juin 1964, afin que son autorité ne soit plus remise en question, il se proclame président à vie par un referendum favorable au « oui » à 99,9%… Le drapeau haïtien devient noir et rouge (au lieu de bleu ou rouge), en symbole de la lutte des classes. Dès lors, commence le culte de la personnalité, Duvalier impose qu’un portrait de lui soit affiché dans chaque rue, bâtiment publique et établissement scolaire.
Entre 1960 et 1970, le PIB chute de 40%, provoqué par le climat de répression qui a lui-même entraîné l’exil des cadres administratifs. De plus, la corruption et le pillage ont gangréné l’économie haïtienne de l’intérieur.
François Duvalier, par stratégie, mais aussi par conviction personnelle, est hostile aux haïtiens « mulâtres ». Il favorise exclusivement les citoyens noirs de peau, ce qui perpétue des tensions entre les habitants. En 1966, il prend contact avec le Vatican et obtient le droit de nommer lui-même la hiérarchie catholique du pays. Là encore, il ne nomme que des haïtiens au teint noir et s’offre, par la même occasion, le contrôle religieux de l’île. Néanmoins, les traditions vaudou tiennent une grande place dans sa vie et sa façon de diriger. Il les utilise pour consolider son pouvoir, se définissant lui-même comme un hougan, chef spirituel vaudou et messager des esprits. Sur les images, il se représente comme l’un des aspects de la divinité Vaudou Iwa afin d’inspirer davantage de crainte à son peuple. Pour être encore plus dans son rôle, il porte souvent des lunettes de soleil et parle fort, avec un accent nasal, censé reproduire la voix des esprits. Duvalier déclare être à l’origine de la mort de John Fitzgerald Kennedy, le 22 novembre 1963, prétendant lui avoir lancé un sort.
La dynastie Duvalier
« Papa Doc » tombe malade. Affaiblit, il fait modifier la constitution en 1970 afin que son fils, Jean-Claude Duvalier (aka « Bebe Doc »), tout juste âgé de 19 ans, lui succède. La parodie de referendum est bien approuve évidemment cette décision en 1971.
François Duvalier meut le 21 avril 1971, après 13 ans de dictature absolue. Son fils lui succède dès le lendemain.
A cause d’un régime sévère et injuste imposé par Duvalier père et fils, la rancœur du peuple est à son comble. Lorsque le fils est contraint de quitter le pouvoir le 8 février 1986, les haïtiens profanent le mausolée et la dépouille de Papa Doc. Tout est détruit, le corps est sortit de la tombe, frappé et souillé rituellement, après que le peuple ait dansé sur sa tombe. Ils se moquent de lui et jouent avec ses lunettes en chantant contre les tontons macoutes. Plusieurs d’entre eux sont d’ailleurs sauvagement abattus ce jour là.
De mémoire, les Duvalier, tous deux morts aujourd’hui, restent et resteront des autocrates féroces et des bourreaux carnassiers. Leur milice débridée, les Tontons Macoutes, demeure l’une des plus violentes de l’histoire politique des noirs.
*Tonton macoute : Personnage populaire haïtien, tiré du folklore. Il représente un vieux paysan avec un sac en bandoulière, le « macoute ». Avec le temps, sa signification a dérivé jusqu’à ce qu’il soit assimilé à un personnage de terreur, un père fouettard, effrayant les enfants. Violents et superstitieux, ils ont pour mission de « punir » la population récalcitrante.