L’écriture méroïtique est un système d’écriture qui a servi à retranscrire la langue des Kouchites, un peuple antique du Soudan. Elaborée vers le deuxième siècle avant notre ère, elle peut être considérée comme un système indigène qui s’est inspiré des hiéroglyphes égyptiens tout en les améliorant. Elle disparaîtra au 5ème siècle de notre ère avec la chute du royaume de Kouch.
Par Sandro CAPO CHICHI
Les origines
Lorsque les rois de Kouch conquièrent l’Egypte au VIIIe siècle avant notre ère, ils utilisent les hiéroglyphes égyptiens. Lorsque la nécropole du royaume de Kouch se déplace de la ville de Napata à celle de Méroé vers 300 avant notre ère, ils utilisent toujours cette écriture, ainsi que l’écriture démotique. L’écriture égyptienne démotique est une version très simplifiée et abrégée des hiéroglyphes égyptiens.
Au IIe siècle avant notre ère, semble-t-il, s’est développée une écriture cursive[1] méroïtique. Elle emprunte des signes égyptiens, mais leur valeur phonétique en est quelque peu différente. Cette écriture est utilisée pour les besoins de la vie quotidienne. Les rois de Méroé continuent alors d’utiliser l’écriture hiéroglyphique égyptienne dans les textes royaux. Environ un siècle plus tard, sous le règne du roi de Méroé Taneyidamani est créé un système d’écriture hiéroglyphique méroïtique. Cette décision est peut-être due à une volonté des rois de Méroé de décorer leurs monuments religieux de signes esthétiquement plaisants.
Le rapport à l’égyptien ancien
Les signes sont tous inspirés des signes égyptiens, mais leur prononciation diffère parfois et leur fonctionnement n’est souvent pas le même. L’écriture cursive et l’écriture hiéroglyphique méroïtiques ne sont que des variations graphiques d’un même système. Elles fonctionnent selon le même principe, mais ne peuvent que très rarement être utilisées ensemble. La plupart du temps le texte est exclusivement écrit en cursive ou exclusivement en hiéroglyphes. Bien que les signes méroïtiques soient inspirés de l’écriture égyptienne, leur fonctionnement n’est pas le même. Les hiéroglyphes égyptiens mélangent valeur phonétique et valeur idéographique[2]. En revanche, les signes méroïtiques n’ont qu’une valeur phonétique. Puisque l’on considère généralement que l’évolution de l’écriture va des dessins les plus concrets aux signes les plus abstraits avec une valeur phonétique, on peut penser que les scribes de Méroé ont produit une avancée scientifique par rapport à leurs prédécesseurs de l’Egypte ancienne.
Le système
Le méroïtique n’est pas un alphabet comme le système d’écriture utilisé en français. Certains signes ne représentent qu’un son mais ne sont en effet pas à proprement parler alphabétiques. C’est le cas du signe utilisé pour marquer à la fois les sons « é » et le « e » muet, celui utilisé pour marquer à la fois le « a » initial. Toutefois, il n’existe pas de signes véritablement consonantiques. Soit les signes marquent une voyelle, soit ils marquent tous une consonne suivie d’une voyelle par défaut, souvent le « a ». Pour marquer une autre consonne suivie d’une voyelle autre que « a », on ajoute un signe marquant une voyelle ou quelques rares signes utilisés pour marquer une consonne et une voyelle autre que « a ». C’est le cas des signes pour marquer « tou », « né », « té », et « sé ». Pour marquer des consonnes seules, on utilise les signes consonne-voyelle associés au signe pour « é » ou « e » muet.
La fin
Avec la fin du pouvoir méroïtique sous les coups conjugués des envahisseurs occidentaux nubiens et axoumites du sud-est, le royaume de Kouch et sa culture entrent dans une période de déclin. L’écriture semble avoir laissé ses dernières traces vers le Ve siècle de notre ère. Il ne meurt toutefois pas totalement, laissant une trace dans le système d’écriture du vieux nubien sous la forme de trois signes.
Référence
Claude Rilly, La langue du royaume de Méroé : un panorama de la plus ancienne culture écrite d’Afrique subsaharienne,
2007, Paris : Honoré Champion.
[1] Ecriture au tracé rapide
[2] Un signe est une représentation graphique inspirée de ce qu’il représente