Découvrez comment l’Éthiopie, sous le leadership de l’empereur Ménélik II, a remporté la bataille d’Adwa en 1896, marquant une victoire historique contre l’impérialisme italien et préservant son indépendance.
Au cœur de l’Afrique, à l’aube du XXe siècle, se déroule un événement qui allait ébranler les fondations de l’impérialisme européen et inspirer des générations entières à travers le continent. La bataille d’Adwa, survenue le 1er mars 1896, n’est pas seulement une confrontation militaire entre l’Éthiopie et l’Italie ; elle représente un chapitre emblématique de la lutte pour la souveraineté et la dignité africaines. Dans un monde où les puissances européennes se partageaient l’Afrique comme un gâteau, l’Éthiopie, sous la direction visionnaire de l’empereur Ménélik II, s’est levée pour tracer une ligne indélébile dans le sable, proclamant son refus d’être colonisée.
Cette victoire éclatante sur l’armée italienne à Adwa n’est pas seulement le triomphe d’une nation mais le symbole d’une résistance africaine farouche contre l’oppression et l’avidité coloniales. Elle résonne comme un appel à l’unité, à la résilience et à la fierté, réverbérant à travers le temps et l’espace, et rappelant au monde entier que la liberté est un droit inaliénable pour lequel de nombreux peuples ont combattu et continuent de se battre.
La bataille d’ Adwa, ou la victoire de l’Éthiopie sur l’impérialisme italien
La victoire éclatante de la bataille d’Adwa a marqué un tournant historique non seulement pour l’Éthiopie, mais aussi pour l’ensemble du continent africain et sa diaspora. En repoussant les forces coloniales italiennes le 1er mars 1896, l’Éthiopie a non seulement préservé sa souveraineté mais est également devenue un phare d’espoir et de résilience pour les peuples africains. Cette triomphe contre l’impérialisme européen a transformé l’Éthiopie en un symbole puissant de la capacité du monde africain à résister et à vaincre les ambitions coloniales, inspirant ainsi les mouvements de libération à travers l’Afrique et affirmant la dignité et la force indomptables de ses peuples.
Prélude à la bataille d’Adwa : l’ambition coloniale italienne et la résistance éthiopienne
Dans le contexte de la conférence de Berlin de 1884-18851, l’Italie, unifiée depuis peu en 1871, se lance dans la course coloniale africaine avec l’ambition de bâtir un empire qui marquerait la renaissance de sa grandeur impériale. À cette époque, l’Abyssinie2 (actuelles Éthiopie et Érythrée) devient la cible de ses aspirations expansionnistes, offrant à l’Italie une occasion de compenser les déséquilibres sociaux internes en promettant des terres aux populations défavorisées du Mezzogiorno3.
Cependant, l’empereur éthiopien Yohannes IV4, alors engagé dans des conflits à l’ouest avec le Soudan et dans les hauts-plateaux du nord, sous-estime initialement la menace italienne. Ce n’est qu’après une tentative d’invasion des hauts-plateaux par les Italiens que Yohannes IV prend conscience de l’urgence. Sous le commandement de Ras Alula Engeda5, une force éthiopienne inflige une défaite cinglante à un détachement italien lors de la bataille de Dogali en 18876, marquant le début d’une résistance farouche à l’expansion coloniale italienne.
Face à cet échec, l’Italie adopte une stratégie de division, armant et soutenant des factions rivales au sein de l’Éthiopie pour affaiblir le pouvoir central de Yohannes IV. Cette politique de « diviser pour mieux régner » témoigne de la détermination italienne à s’implanter dans la région, mais aussi de la complexité des dynamiques de pouvoir au sein de l’Éthiopie de l’époque.
Ces événements posent les jalons de la bataille d’Adwa, un affrontement décisif qui non seulement mettra fin aux ambitions coloniales italiennes en Éthiopie mais symbolisera également la capacité de résistance et d’unité du peuple éthiopien face aux forces impérialistes européennes.
Le traité de Wuchalé : un tournant dans les relations italo-éthiopiennes
La disparition de Yohannes IV sur le champ de bataille face aux Mahdistes7 ouvre la voie à Menelik II8, souverain du Shewa et rival historique, pour accéder au trône éthiopien. Cette transition marque le début d’une nouvelle ère dans les relations entre l’Éthiopie et l’Italie, cristallisée par la signature du traité de Wuchalé le 2 mai 18899. Ce traité, rédigé en deux versions linguistiques distinctes, italienne et amharique, devait symboliser un partenariat mutuellement bénéfique. En échange de concessions territoriales au nord, l’Éthiopie se voyait octroyer un prêt significatif de 800 000 dollars, la moitié sous forme d’armements et de munitions, consolidant ainsi sa capacité de défense.
Toutefois, les divergences entre les versions italienne et amharique du traité révèlent rapidement des intentions impérialistes de la part de l’Italie. Alors que la version italienne présente l’Éthiopie comme un protectorat italien, nécessitant l’approbation de l’Italie pour toute relation avec des puissances étrangères, la version amharique laisse à Menelik II la liberté de solliciter l’Italie à sa discrétion. Cette discordance sème les graines du conflit, Menelik II rejetant en 1893 la version italienne et affirmant l’indépendance de l’Éthiopie en remboursant le prêt avec intérêts tout en conservant les munitions.
La réponse ironique de Crispi10, Premier ministre italien, à la proclamation d’indépendance de Menelik II, sous-estime la détermination éthiopienne. L’escalade militaire qui s’ensuit voit les forces italiennes remporter des victoires initiales contre les Mahdistes et le gouverneur du Tigray11, exacerbant la tension dans la région. Cependant, la capacité de Menelik II à unifier les seigneurs de guerre éthiopiens face à la menace italienne culmine en décembre 1895, lorsqu’une armée éthiopienne de 30 000 hommes inflige une défaite humiliante à 2 450 soldats italiens et s’empare du fort de Mekele12.
Cette confrontation préfigure la bataille d’Adwa, où l’Éthiopie, sous la direction stratégique de Menelik II, défendra avec succès son indépendance contre l’impérialisme italien, réaffirmant sa souveraineté et inspirant les mouvements anticoloniaux à travers l’Afrique et au-delà.
La bataille d’Adwa : un triomphe éthiopien contre l’impérialisme
À l’aube du dernier jour de février 1896, une force italienne de 20 000 hommes, dont un tiers étaient des recrues des territoires occupés, s’élança depuis ses bastions près du Mont Entichay, dans le Tigray, avec l’intention de surprendre l’armée éthiopienne massée près d’Adwa. Malgré leur supériorité numérique, avec 90 000 combattants, les Éthiopiens faisaient face à un désavantage technologique notable : 20 000 d’entre eux étaient dépourvus de fusils, armés seulement de boucliers en peau de bête et d’armes blanches, tandis que ceux équipés d’armes à feu ne disposaient que de fusils de qualité inférieure, en contraste frappant avec l’arsenal moderne italien, fort de 40 canons.
L’état-major de Menelik II était composé de figures illustres, telles que Ras Makonnen13, père de Tafari Makonnen (le futur empereur Haile Selassie)14, l’impératrice Taytu15, épouse combative de Menelik, Ras Alula, déjà crucial à Dogali, et Balcha Safo16, qui se distinguerait comme le héros de cette confrontation.
Sous l’impulsion unificatrice de Menelik II et de Taytu, l’Éthiopie, traditionnellement fragmentée, se rassembla dans un élan de solidarité. Les femmes, présentes sur le champ de bataille, soutenaient l’effort de guerre en approvisionnant en eau et nourriture les combattants, qu’ils soient paysans ou soldats aguerris.
L’issue fut rapide : en quelques heures, l’armée italienne fut décimée, ses généraux survivants battant en retraite vers l’Erythrée. Menelik, dans un geste de clémence, décida de ne pas poursuivre les fuyards. En octobre, l’Italie, humiliée, fut contrainte de signer un traité abrogeant le traité de Wuchalé. Cette défaite cuisante, qui mena à la chute du Premier ministre Crispi, résonna comme un choc profond pour les peuples noirs opprimés à travers le monde.
La victoire d’Adwa ne se contenta pas de préserver l’indépendance de l’Éthiopie ; elle éleva la nation au rang de symbole mondial de résistance contre la colonisation, inspirant les mouvements de libération africains et contribuant à l’émergence du rastafarisme ainsi qu’à l’adoption des couleurs panafricaines par de nombreux pays du continent. Ce triomphe éthiopien contre l’impérialisme italien demeure un témoignage éclatant de la détermination d’un peuple à défendre sa liberté et son intégrité territoriale face aux ambitions coloniales européennes.
Un écho à travers l’Histoire
La bataille d’Adwa reste un symbole puissant de la résistance africaine contre l’oppression coloniale. L’Éthiopie, sous la sage direction de Ménélik II, a démontré au monde entier que la détermination et l’unité peuvent triompher face à l’adversité. Cette victoire historique n’est pas seulement un point tournant pour l’Éthiopie mais aussi une source d’inspiration pour les peuples africains dans leur lutte pour la liberté et la souveraineté.
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Notes et références
- Conférence de Berlin (1884-1885) : La Conférence de Berlin, tenue entre 1884 et 1885, marqua la division du continent africain entre les puissances coloniales européennes. Sans la présence de représentants africains, cette conférence établit les règles de la colonisation, menant à l’occupation et à l’exploitation systématique de l’Afrique. ↩︎
- Abyssinie : Terme historique désignant les territoires correspondant principalement à l’actuelle Éthiopie et, par extension, à certaines parties de l’Érythrée. L’Abyssinie a longtemps été synonyme de résistance contre les tentatives de colonisation, culminant avec la victoire d’Adwa. ↩︎
- Mezzogiorno : Désigne le sud de l’Italie, une région qui, à la fin du 19e siècle, était caractérisée par une économie moins développée et une plus grande pauvreté par rapport au nord. L’expansion coloniale était vue par certains comme un moyen d’améliorer les conditions de vie dans cette région. ↩︎
- Yohannes IV : Empereur d’Éthiopie de 1872 à 1889, Yohannes IV a joué un rôle crucial dans la défense de l’intégrité territoriale de l’Éthiopie contre les puissances coloniales et les menaces régionales. Sa mort au combat contre les Mahdistes du Soudan a ouvert la voie à son rival, Menelik II. ↩︎
- Ras Alula Engeda : Gouverneur et général éthiopien sous Yohannes IV, Ras Alula est célèbre pour sa victoire tactique à la bataille de Dogali en 1887, où il a infligé une défaite significative à une expédition italienne, démontrant la capacité militaire et la détermination éthiopienne. ↩︎
- Bataille de Dogali (1887) : Confrontation militaire entre l’Éthiopie et l’Italie près de Dogali, dans l’actuelle Érythrée. Cette bataille a été une réponse directe à l’incursion italienne dans les territoires éthiopiens, marquant une des premières résistances éthiopiennes significatives contre l’impérialisme italien. ↩︎
- Mahdistes : Mouvement islamique soudanais du 19e siècle, dirigé par Muhammad Ahmad, qui se proclama le Mahdi. Les Mahdistes menèrent une révolte réussie contre le contrôle égyptien et ottoman, affectant la stabilité régionale, y compris en Éthiopie. ↩︎
- Menelik II : Empereur d’Éthiopie de 1889 à 1913, est reconnu pour son rôle déterminant dans la modernisation du pays et la consolidation de son indépendance face aux ambitions coloniales, notamment à travers sa victoire à la bataille d’Adwa contre l’Italie. ↩︎
- Traité de Wuchalé : Signé le 2 mai 1889 entre l’Empire d’Éthiopie et le Royaume d’Italie, le traité de Wuchalé créa initialement une alliance, mais fut source de conflit en raison de divergences entre les versions amharique et italienne, menant finalement à la bataille d’Adwa. ↩︎
- Francesco Crispi : Premier ministre italien à deux reprises entre 1887 et 1896, fut un fervent défenseur de l’expansion coloniale italienne en Afrique. Sa politique agressive en Éthiopie aboutit à la désastreuse défaite d’Adwa, précipitant sa chute politique. ↩︎
- Tigray : Région historique située dans le nord de l’Éthiopie, le Tigray a été le théâtre de nombreux affrontements importants, notamment durant les tentatives d’invasion italienne. La région est caractérisée par son riche héritage culturel et historique. ↩︎
- Fort de Mekele : Situé dans la région du Tigray, le fort de Mekele fut le site d’un siège décisif en 1895, où les forces éthiopiennes repoussèrent les Italiens, marquant une étape clé vers la victoire d’Adwa. ↩︎
- Ras Makonnen : Père de Tafari Makonnen (le futur empereur Haile Selassie) et fidèle allié de Menelik II, Ras Makonnen était un général éthiopien et gouverneur du Harar. Il joua un rôle crucial dans les campagnes militaires qui consolidèrent l’unité et l’indépendance de l’Éthiopie. ↩︎
- Haile Selassie : Né Tafari Makonnen, Haile Selassie Ier fut empereur d’Éthiopie de 1930 à 1974. Petit-fils de Ras Makonnen, un des généraux de Menelik II, Haile Selassie est devenu un symbole mondial de l’indépendance africaine et du panafricanisme. Son plaidoyer pour la paix et la justice devant la Société des Nations, après l’invasion italienne de 1935, a marqué l’histoire et inspiré le mouvement rastafari. Haile Selassie est également reconnu pour ses efforts de modernisation de l’Éthiopie et son rôle dans la création de l’Organisation de l’unité africaine (OUA). ↩︎
- Taytu Betul : L’impératrice Taytu Betul, épouse de l’empereur Menelik II d’Éthiopie, fut une figure politique et militaire influente à la fin du 19e et au début du 20e siècle. Elle joua un rôle déterminant dans la victoire d’Adwa en mobilisant les troupes et en participant activement à la stratégie de défense. Taytu est également reconnue pour son intelligence politique, ayant contribué à la fondation d’Addis-Abeba, la capitale éthiopienne. ↩︎
- Balcha Safo : Balcha Safo, également connu sous le nom de Ras Balcha, était un général éthiopien et un fidèle serviteur de Menelik II. Héros de la bataille d’Adwa, il commandait une force qui joua un rôle crucial dans la défaite des Italiens. Sa bravoure et son leadership sur le champ de bataille ont contribué à solidifier l’indépendance éthiopienne face aux ambitions coloniales. ↩︎